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LE TOUT-PARIS
Avant la deuxiè me guerre mondiale, il y avait et il y a -peut-ê tre encore deux caté gories au moins de Parisiens: ceux qui vivaient dans la grande cité comme ils auraient vé cu dans n'importe quelle autre ville du monde simplement, laborieusement, modestement, et c'é tait l'immense majorité; et'puis, une faune curieuse, composé e d'hommes et de femmes en vue, qui consumaient leur temps en mondanité s aussi futiles qu'ostentatoires et qui constituaient ce qu'il é tait convenu d'appeler le Tout-Paris...
Une des activité s essentielles de cette fausse é lite consistait à participer à des ré unions dé nommé es pompeusement «cocktails» et dont MAURICE DRUON nous offre une relation aussi exacte que cruelle.
Paris é tait au plein milieu de sa «Saison».
A tour de rô le, trois cents maî tresses de maison faisaient dé placer leur mobilier et fourbir leur argenterie, retenaient les mê mes serviteurs en extra' dé valisaient les mê mes fleuristes, commandaient chez les mê mes fournisseurs lé s mê mes petits fours, les mê mes pyramides de sandwiches au pain de mie ou au pain de seigle, fourré s des mê mes verdures et des mê rnes anchois, pour retrouver aprè s le dé part de leurs invité s leurs ap- parternents dé solé s comme par le passage d'une armé e en campagne, leurs meubles jonché s de coupes vides et de vaisselle sale, leurs tapis roussis par
les cigarettes, leurs nappes moiré es de taches, leurs marqueteries frappé es de cercles poisseux, leurs fleurs asphyxié es par les effluves de la foule, et pour se laisser choir, rompues, dans un fauteuil, en prononç ant toutes la mê me phrase: «Dans l'ensemble, cela s'est trè s bien passé...»
Et toutes, le lendemain, sinon le soir mê me, surmontant leur feinte ou leur ré elle fatigue, se pré cipitaient à des ré ceptions identiques.
Car c'é taient toujours les quelques mê mes centaines de personnes, appartenant à ce qu'il y avait de plus notoire dans le parlement, les lettres, les arts, la mé decine, le barreau, à ce qu'il y avait de plus puissant dans la finance et les affaires, à ce qu'il y avait de plus marquant parmi les é trangers de passage (et qui souvent d'ailleurs ne passaient que pour cette occasion), à ce qu'il y avait de plus prometteur ou de plus habile dans la jeunesse, de plus riche dans la richesse, de plus oisif dans l'oisiveté, de plus gratin dans - l'aristocratie, de plus mondain dans le monde, que l'on voyait graviter, se bousculer, s'é touffer, s'embrasser, se sourire, se lé cher, se juger, se haï r*.
La parution d'un livre, la premiè re d'un film, la centiè me d'une piè ce de thé â tre, le retour d'un explorateur, le dé part d'un diplomate, l'ouverture d'une galerie de tableaux, le record d'un pilote, tout é tait pré texte à quelque festivité.
Chaque semaine, une coterie3, pourvu que la presse l'é tayâ t, ré vé lait un gé nie qui ne durerait pas deux mois, é touffé dans son succè s ainsi qu'une torche dans sa fumé e.
Paris é talait alors en fait de robes, de bijoux et d'ornements tout ce que ses mé tiers d'art et de mode pouvaient produire. L'invention et le goû t, l'argent aussi, se dé pensaient sans compter dans le vê tement, la parure et le dé cor.
Prodigieuse foire aux vanité s comme peut-ê tre jamais il ne s'en é tait tenu sur la terre! Quel mouvement inté rieur poussait ces gens à se recevoir, à s'inviter, à ré pondre aux invitations, à feindre le plaisir en des lieux où ils s'ennuyaient à crever, à danser par politesse avec des partenaires qui leur dé plaisaient, à s'abstenir, par discré tion, de danser avec ceux qu'ils dé siraient, à se vexer s'ils é taient omis sur une liste, mais à gé mir chaque fois qu'ils recevaient un nouveau bristol4 à applaudir des œ uvres ou des auteurs qu'ils mé prisaient, à ê tre mé prisé s de ceux-ci mê mes qu'ils applaudissaient, à se ré pandre en sourires pour des indiffé rents, à clamer leur misanthropie, leur lassitude du monde, et à perdre mutuellement en ces jeux curieux leur temps, leurs forces et leur fortune?
C'est qu'en cette foire où chacun é tait à la fois demandeur et offrant. acheteur et camelot, se pratiquait le troc5 le plus subtil du monde, celui de la puissance et de la cé lé brité **.
MAURICE DRUON. Rendez-vous aux Enfers (1951)
Примечания:
1. Слуги, нанятые в дополнение к обычной прислуге. 2. Поджаристая золотистая корочка на каком-либо кушанье. Здесь: сливки (общества). 3. Клика, группа людей, обладающих влиянием либо затеявших интригу. 4. Пригласительный билет, отпеча- танный на бристольском картоне. 5. Обмен, меновая торговля.
Вопросы:
* Comment l'é crivain a-t-il su traduire les ridicules de cette socié té?
** La description ne glisse-t-elle -pas ici à la satire sociale? — On rapprochera ce texte de celui où le mê me auteur dé peint la Pré sentation d'une collection dans un magasin de couture.
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