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Plus jamais






Louise de Vilmorin (1902-1969), avant d'ê tre, dans les derniè res anné es de sa vie,
l'amie d'André Malraux, fut un dé licat poè te («L'Alphabet des aveux») et une
romanciè re contant avec gtâ ce des intrigues sentimentales ('--Sainte une fois
Madame de...»). Elle é voque ici avec mé lancolie le renoncement à l'amour.

Plus jamais de chambre pour nous,
Ni de baisers à perdre haleine
Et plus jamais de rendez-vous
Ni de saison, d'une heure à peine,
Où reposer à tes genoux.


Pourquoi le temps des souvenirs
Doit-il me causer tant de peine
Et pourquoi le temps du plaisir
M'apporte-t-il si lourdes chaî nes
Que je ne puis les soutenir?

Rivage, oh! rivage où j'aimais
Aborder le bleu de ton ombre
Rives de novembre et de mai
Où l'amour faisait sa pé nombre
Je ne vous verrai plus jamais.

Plus jamais, c'est dit. C'est fini.
Plus de pas unis, plus de nombre,
Plus de toit secret, plus de nid,
Plus de lè vre où fleurit et sombre
L'instant que l'amour a bé ni.

Quelle est cette nuit dans le jour?
Quel est dans le bruit ce silence?
Mon jour est parti pour toujours,
Ma voix ne charme que l'absence,
Tu ne me diras pas bonjour (...)

Mon temps ne fut qu'une saison.
Adieu saison vite passé e.
Ma langueur et ma dé raison
Entre mes mains sont bien placé es
Comme l'amour en sa maison.

Adieu plaisirs de ces matins
Où l'heure aux heures enlacé e
Veillait un feu jamais é teint.
Adieu. Je ne suis pas lassé e
De ce que je n 'ai pas atteint.

Louise de Vilmorin,
L'Alphabet des aveux.,


BONJOUR, L'É TÉ

Franç oise Sagan a é té l'enfant prodige du post-existentialisme. L'enfant
prodigue aussi. Car, si ses romans baignent dans un climat d'«ennui»,
directement hé rité de «La Nausé e» et de «L'É tranger», elle y a rompu avec la
morale militante et engagé e de ses pré dé cesseurs. Elle a prô né la facilité, le
plaisir, le dé sengagement en somme et cela au moment où commenç ait à se
desserrer, en France et en Europe, l'é tau de fer qui, depuis la guerre, é touffait
peuples et gens. C'est peut-ê tre cette conjonction qui explique le foudroyant
succè s remporté d'emblé e par son premier ouvrage, un bref ré cit de 170 pages.
L'auteur n'avait que dix-neuf ans et racontait une mince histoire de vacances
que certains Jugè rent scandaleuse. Mais c'est le succè s remporté par l'œ uvre
qui scandalisa le plus.

Mon pè re avait loué, sur la Mé diterrané e, une grande villa blanche,
isolé e, ravissante, dont nous rê vions depuis les premiè res chaleurs de juin.
Elle é tait bâ tie sur un promontoire, dominant la mer, caché e de la route par
un bois de pins; un chemin de chè vres descendait à une petite crique doré e,
bordé e de rochers roux où se balanç ait la mer.

Les premiers jours furent é blouissants. Nous passions des heures sur la
plage, é crasé s de chaleur, prenant peu à peu une couleur saine et doré e, à
l'exception d'Eisa qui rougissait et pelait dans d'affreuses souffrances. Mon
pè re exé cutait des mouvements de jambes compliqué s pour faire
disparaî tre un dé but d'estomac incompatible avec ses dispositions de don
Juan. Dè s l'aube, j'é tais dans l'eau, une eau fraî che et transparente où je
m'enfouissais, où je m'é puisais en des mouvements dé sordonné s pour me
laver de toutes les ombres, de toutes les poussiè res de Paris. Je
m'allongeais dans le sable, en prenais une poigné e dans ma main, la laissais
s'enfuir de mes doigts en un jet jaunâ tre et doux; je me disais qu'il
s'enfuyait comme le temps, que c'é tait une idé e facile et qu'il é tait agré able
d'avoir des idé es faciles. C'é tait l'é té.

Le sixiè me jour, je vis Cyril pour la premiè re fois. Il longeait la cô te sur
un petit bateau à voile et chavira devant notre crique. Je l'aidai à ré cupé rer
ses affaires et, au milieu de nos rires, j'appris qu'il s'appelait Cyril, qu'il
é tait é tudiant en droit et passait ses vacances avec sa mè re, dans une villa
voisine. Il avait un visage de Latin, trè s brun, trè s ouvert, avec quelque
chose d'é quilibré, de protecteur, qui me plut. Pourtant je fuyais ces
é tudiants de l'Université, brutaux, pré occupé s d'eux-mê mes, de leur


jeunesse surtout, y trouvant le sujet d'un drame ou un pré texte à leur ennui.
Je n'aimais pas la jeunesse. Je leur pré fé rais de beaucoup les amis de mon
pè re, des hommes de quarante ans qui me parlaient avec courtoisie et
attendrissement, me té moignaient une douceur de pè re et d'amant. Mais
Cyril me plut. Il é tait grand et parfois beau, d'une beauté qui donnait
confiance. Sans partager avec mon pè re cette aversion pour la laideur qui
nous faisait souvent fré quenter des gens stupides, j'é prouvais en face des
gens dé nué s de tout charme physique une sorte de gê ne, d'absence; leur
ré signation à ne pas plaire me semblait une infirmité indé cente. Car, que
cherchions-nous, sinon plaire? Je ne sais pas encore aujourd'hui si ce goû t
de conquê te cache une surabondance de vitalité, un goû t d'emprise ou le
besoin furtif, inavoué, d'ê tre rassuré sur soi-mê me, soutenu.

Quand Cyril me quitta, il m'offrit de m'apprendre la navigation à voile.
Je rentrai dî ner, trè s absorbé e par sa pensé e et ne participai pas, ou peu,
à la conversation; c'est à peine si je remarquai la nervosité de mon pè re.
Aprè s dî ner, nous nous allongeâ mes dans des fauteuils, sur la terrasse,
comme tous les soirs. Le ciel é tait é claboussé d'é toiles. Je les regardai,
espé rant vaguement qu'elles seraient en avance et commenceraient
à sillonner le ciel de leur chute. Mais nous n'é tions qu'au dé but de juillet,
elles ne bougeaient pas. Dans les graviers de la terrasse, les cigales
chantaient. Elles devaient ê tre des milliers, ivres de chaleur et de lune,
à lancer ainsi ce drô le de cri des nuits entiè res. On m'avait expliqué qu'elles
ne faisaient que frotter l'un contre l'autre leurs é lytres, mais je pré fé rais
croire à ce chant de gorge guttural, instinctif comme celui des chats en leur
saison. Nous é tions bien, des petits grains de sable entre ma peau et mon
chemisier me dé fendaient seuls des tendres assauts du sommeil. C'est alors
que mon pè re toussota et se redressa sur sa chaise longue:

«J'ai une arrivé e à vous annoncer», dit-il. Je fermai les yeux avec
dé sespoir. Nous é tions trop tranquilles, cela ne pouvait durer!

Franç oise Sagan, Bonjour tristesse

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