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MÉLANCOLIE DE DELACROIX






(1799-1863)

on connaî t le vers de BAUDELAIRE:

«Delacroix, lac de sang hanté de mauvais anges.»

// ne dit pas seulement l'admiration du poè te pour le peintre. Il explique aussi
la raison secrè te de cette admiration: la parenté d'â mes entre les deux artistes,
cette «mé lancolie» incurable qui rongeait leur cœ ur à tous deux...

Il me reste, pour complé ter cette analyse, à noter une derniè re qualité
chez Delacroix, la plus remarquable de toutes, et qui fait de lui le vrai
peintre du xixe siè cle: c'est cette mé lancolie singuliè re et opiniâ tre qui
s'exhale de toutes ses œ uvres, et qui s'exprime et par le choix des sujets, et
par l'expression des figures, et par le geste, et par le style de la couleur.
Delacroix affectionne Dante et Shakespeare, deux autres grands peintres de
la douleur humaine; il les connaî t à fond, et il sait les traduire librement.
En contemplant la sé rie de ses tableaux, on dirait qu'on assiste à la
cé lé bration de quelque mystè re douloureux: Dante et Virgile, le Massacre
de Scio, le Sardana-pale, le Christ aux Oliviers, le Saint Sé bastien, la
Mé dé e, les Naufragé s,
et l'Hamlet si raillé et si peu compris. Dans
plusieurs on trouve, par je ne sais quel constant hasard, une figure plus
dé solé e: plus affaissé e que les autres, en qui se ré sument toutes les
douleurs envirohnantes; ainsi la femme agenouillé e, à la chevelure
pendante, sur le premier plan des Croisé s à Constantinople; la vieille, si
morne et si ridé e, dans le Massacre de Scio. Cette mé lancolie respire
jusque dans les Femmes d'Alger, son tableau le plus coquet et le plus fleuri.
Ce petit poè me d'inté rieur, plein de repos et de silence, encombré de riches
é toffes et de brimborions de toilette, exhale je ne sais quel haut parfum de
mauvais lieu qui nous guide assez vile vers les limbes insondé s de la
tristesse. En gé né ral, il ne peint pas de jolies femmes, au point de vue des
gens du monde toutefois. Presque toutes sont malades, et resplendissent
d'une certaine beauté inté rieure. Il n'exprime point la force par la grosseur
des muscles, mais par la tension des nerfs. C'est non seulement la douleur
qu'il sait le mieux exprimer, mais surtout — prodigieux mystè re de sa
peinture — la douleur morale! Cette haute et sé rieuse mé lancolie brille
d'un é clat morne, mê me dans sa couleur, large, simple, abondante en
masses harmoniques comme celle de tous les grands coloristes, mais
plaintive et profonde comme une mé lodie de Weber*.

CHARLES BAUDELAIRE. L'Art romantique: Salon de I84b.


Примечания:

1. Преддверие рая, куда теологи помешают младенцев, умерших до крещения.
2. Обладающая способностью вибрации, которая сливается с основным тоном.

Вопросы:

* Quelles sont, d'aprè s cette page, les oualité s de Baudelaire, critique d'art?

DAUMIER (1808-1879)

Au pays de la satire et de l'ironie, de Montesquieu et de Voltaire, dans cette
France où, dit-on, «le ridicule tue», on n'est pas é tonné de voir une foule de
peintres et de dessinateurs mettre leur talent au service de la caricature ou de
la charge.
Daumier est, assuré ment, le plus grand de tous.

Parler de Gavarni et de Forain1 à propos de Daumier, c'est tout
confondre. Gavarni, tout aimable, fé ru d'é lé gance, spirituel, est le crayon
mê me du Boulevard, sous le rè gne d'Orsay et de Morny2; mais il a' peu de
caractè re, ayant peu de force. Forain a du caractè re et beaucoup de trait;
mais jusque dans son dessin, on sent quel peintre mé diocre il a toujours
é té: Forain est homme de lettres autant que personne.

Ni Forain ni Gavarni n'ont rien de ce qui fait la supé riorité premiè re de
Daumier: la grandeur et la gé né rosité. Je ne cesse d'observer la racine
commune de la gé né rosité et du gé nie. Encore Gavarni est-il sans arê tes et
sans fiel; Forain au contraire est mé chant à l'excè s; le mê me homme que
Chamfort, avec un cerveau moins solide. Pour plaindre le Apauvre, il faut
qu'il assassine le riche. Il n'aimerait pas Jé sus, s'il n'avait d'abord Judas
à haï r. A mes yeux, il les mé connaî t ou les mé prise ensemble. Il est celui
qui mord toujours. Les neuf dixiè mes de ses lé gendes sont les empreintes
d'une dent carié e. Il paraî t né pour la haine, là mê me où il n'est pas
haineux. L'affreux mot de rosserie3, tout grê lé 4 de rancune et musclé de
ruades, a é té fait pour lui. Peut-ê tre, ne trouverait-on pas dans l'œ uvre
immense de Daumier une seule sortie, un seul hennissement de la rosse''.
- Daumier, comme il est grand, est bon sur toute chose. Nulle sé cheresse, en
lui; tout est large, tout est chaud; tout est don*. D'ailleurs, Daumier a l'œ il
terrible du sculpteur: il va saisir le fond de l'homme; sa main puissante et
, juple le ramè ne et l'incorpore à la glaise. Les bustes de Daumier sont


l'horreur du ré el est sauvé e par la majesté du style. Et l'homme y semble
contraint de se confesser

«Tel qu'en lui-mê me enfin sa -passion le change.»

ANDRÉ SUARÈ S. Marsiho.

.Примечания:

1. Знаменитые французские графики и карикатуристы XIX в. 2. Т.е в период Вто-
рой империи. 3. Остроумное, но язвительное и обидное слово. 4 Букв, щербатое, изъ-
еденное 5 Клячи (но как прилагательное rosse означает " едкий, язвительный").
6. Строка из стихотворения Малларме " Могила Эдгара По".

Вопросы:

* En quoi consiste, selon André Suarè s, la gé né rosité de Daumier?

SUR UN PORTRAIT DE BERTHE
MORISOT PAR EDOUARD
MANET

(1832-1883)

EDOUARD MANET est le premier des trè s grands artistes modernes. Le
premier en date, au moins, car, dans le refus de l'acadé misme, certains, aprè s
lui, sont allé s plus loin encore. Mais c'est lui qui avait donné le signal: et, à cet
é gard, il reste le Maî tre par excellence.

Je ne mets rien, dans l'œ uvre de Manet, au-dessus d'un certain portrait
de Berthe Morisot1, daté de 1872.

Sur le fond neutre et clair d'un rideau gris, cette figure est peinte: un peu
plus petite que nature.

Avant toute chose, le Noir, le noir absolu, le noir d'un chapeau de deuil
et les brides de ce petit chapeau mê lé es de mè ches de cheveux châ tains à
reflets rosé s, le noir qui n'appartient qu'à Manet, m'a saisi.

Il s'y rattache un enrubannement large et noir, qui dé borde l'oreille
gauche, entoure et engonce le cou; et le noir mantelet qui couvre les
é paules, laisse paraî tre un peu de claire chair, dans l'é chancrure d'un col de
linge blanc.

Ces places é clatantes de noir intense encadrent et proposent un visage
aux trop grands yeux noirs, d'expression distraite et comme lointaine. La


peinture en est fluide, et venue, facile, et obé issante à la souplesse de la
brosse; et les ombres de ce visage sont si transparentes, les lumiè res si
dé licates que je songe à la substance tendre et pré cieuse de cette tê te de
jeune femme par Vermeer, qui est au musé e de La Haye.

Mais ici l'exé cution semble plus prompte, plus libre, plus immé diate. Le
moderne va vite et veut agir avant la mort de l'impression*.

La toute-puissance de ces noirs, la froideur simple du fond, les clarté s
pâ les ou rosé es de la chair, la bizarre silhouette du chapeau qui fut à la
derniè re mode et «jeune»; le dé sordre des mè ches, des brides, du ruban,
qui encombrent les abords du visage; ce visage aux grands yeux, dont la
fixité vague est d'une distraction profonde et offre en quelque sorte, une
pré sence d'absence
— tout ceci se concerte et m'impose une sensation
singuliè re... de poé sie —, mot qu'il faut aussitô t que je m'explique.

Mainte toile admirable ne se rapporte' né cessairement à la poé sie. Bien
des maî tres firent des chefs-d'œ uvre sans ré sonance.

Mê me, il arrive que le poè te naisse tard dans un homme qui jusque-là
n'é tait qu'un grand peintre. Tel Rembrandt, qui, de la perfection atteinte dè s
ses premiers ouvrages, s'é lè ve enfin au degré sublime, au point où l'art
mê me s'oublie, se rend imperceptible, car son objet suprê me é tant saisi
comme sans intermé diaire, ce ravissement absorbe, dé robe ou consume le
sentiment de la merveille et des moyens. Ainsi se produit-il parfois que
l'enchantement d'une musique fasse oublier l'existence mê me des sons.

Je puis dire à pré sent que le portrait dont je parle est poè me. Par
l'harmonie é trange des couleurs, par la dissonance de leurs forces, par
l'opposition du dé tail futile et é phé mè re d'une coiffure de jadis avec je ne
sais quoi d'assez tragique de l'expression de la figure, Manet fait ré sonner
son œ uvre, compose4 du mystè re à la fermeté de son art. Il combine à la
ressemblance physique du modè le, l'accord unique qui convient à une
personne singuliè re, et fixe fortement le charme distinct et abstrait de
Berthe Morisot**.

PAUL VALÉ RY. Piè ces sur l'Art (1934)..

Примечания:

1. Берта Моризо (1841 - 1895) — французская художница-импрессионистка 2. Ко-
роткая накидка, которую носили в ту эпоху женщины. 3. Не соотносится, не созвучно.
4. Combine = associe é troiteinent.


Вопросы:

* Par quels procé dé s l'é crivain rend-il sensible le jeu des clairs-obscurs chez Manet?
** Comparez le texte de Valé ry au portrait qui l'a inspiré.


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