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Текст 86






A PROPOS DU «PRIX GONCOURT»

Edmond et Jules de Goncourt, romanciers du XIX-е siè cle, vé curent
dans le quartier d'Auteuil. Chaque dimanche, leur maison (ou plus
'pré cisé ment l'é tage supé rieur, le «grenier», comme disait Edmond) é tait le
lieu de rendez-vous de ce que Paris comptait d'é crivains et d'artistes.

Edmond, resté seul, fonda /'Acadé mie Goncourt (10 membres), chargé e
de dé cerner chaque anné e un prix, le Prix Goncourt, à un «jeune»
romancier. Le Prix Goncourt est un é vé nement «bien parisien».

Devant le monceau de romans nouveaux qui remplit presque tout
entiè re une petite chambre d'amis, au premier é tage de ma maison, le
visiteur, à qui j'avais trouvé amusant de le montrer, ouvrait des yeux
pleins de stupeur.

«Ainsi, dit-il, vous avez é té obligé de lire tout ç a!»1

Je lui ré pondis que je n'é tais pas encore au bout de ma tâ che.

«Eh bien, je vous plains! Mais vous l'avez voulu.»

J'en convins.

«Enfin, reprit-il, qu'est-ce que ç a signifie, tous ces romans que
personne n'achè tera jamais? Il est impossible qu'un phé nomè ne de ce
genre n'ait absolument aucun sens. Cela vous paraî t naturel à vous?


 

— Depuis cinquante ans, j'ai eu le temps de m'y habituer un peu...

— C'é tait donc dé jà la mê me chose quand vous avez dé buté?

— A peu prè s. Je crois pourtant que, pour nos pré dé cesseurs de
l'Acadé mie Goncourt, la besogne é tait moins rude».

Il n'en revenait dé cidé ment pas2.

«Ainsi, malgré la politique internationale à laquelle nous participons
tous, au moins par la pensé e et avec nos nerfs, malgré toutes les
distractions qui nous tirent hors de chez nous, malgré le ciné ma et les
sports qui n'existaient pratiquement pas au dé but du siè cle, malgré la
radio et la té lé vision, malgré l'automobile qui occupe les dimanches de
beaucoup d'entre nous, malgré les journaux qui n'ont jamais eu tant de
pages, malgré l'extraordinaire multiplication des hebdomadaires
d'opinion et des magazines à images, malgré l'effacement de la
litté rature devant tant de manifestations nouvelles de la vie moderne, il
se trouve de plus en plus de Franç ais pour s'amuser à noircir des trois
cents, des quatre cents pages3...

— Quelquefois six cents et davantage, rectifiai-je.

—... que personne ne lira, murmura-t-il dans une sorte d'accable-
ment. Qu'est-ce que ç a peut bien vouloir dire?»

Sans relever ce que son pessimisme avait d'exagé ré, je lui fis
remarquer que la proportion des romanciè res croissait d'anné e en
anné e et que cela é tait sans doute dû au dé veloppement de
l'instruction secondaire et supé rieure chez les jeunes filles.
L'augmentation du nombre total des romans venait en grande partie
de là. Mais la multiplication des romanciè res ne lui paraissait pas
moins absurde que celle des romanciers et il ré pé tait: «Qu'est-ce que
ç a peut bien vouloir dire?» (...)

Nous redescendî mes dans la bibliothè que. Mon visiteur é tait
silencieux, mais son regard parcourait les rayons dont les murs sont
garnis et je voyais bien que son é tonnement persistait. Il me demanda
enfin ce qu'é taient tous ces livres dont j'avais plaisir à m'entourer. Je lui
ré pondis qu'il y avait d'un cô té les classiques et les romantiques, de
l'autre les modernes reconnaissables à leurs brochures dé fraî chies.
Parmi les modernes beaucoup portaient des signatures d'amis.

Il hochait la tê te d'un air rê veur, comme devant la ré vé lation d'un
univers qu'il n'avait pas soupç onné jusqu'alors.

«Que de peines, que d'efforts tous ces pauvres gens se sont donné s!
gé missait-il. Et pour quoi, mon Dieu, pour quoi?


Pour vivre, fis-je. Pour vivre d'accord avec eux-mê mes. Pour
essayer d'ê tre heureux. Que faites-vous d'autre, vous autres, industriels,
à qui vos affaires donnent tant de tracas?

— C'est vrai, reconnut-il. Mais moi aussi je me demande parfois
à quoi riment mes nuits sans sommeil... C'est é gal, avouez que la
litté rature est un drô le de mé tier.

-— Hé oui! Mais il faut avouer aussi que l'homme est un drô le
d'animal.»

ANDRÉ BlLLY, de l'Acadé mie Goncourt..

Примечания:

1. Чтобы избрать лауреата Гонкуровской премии. 2. «Je n'en reviens pas». Pop.
J'en demeure stupé fait. 3. Tournure plus vigoureuse que: tiois cents, quatre cents pages.

ТЕКСТ 87

CHEZ VICTOR HUGO,
AVENUE D'EYLAU (vers 1884)

Dans le grand salon où se penche le beau portrait de Bonnat1 au
geste paternel, où le buste par David2 pré side immensé ment; dans le
petit salon, orné de ces tapisseries rayé es et multicolores qui semblaient
tendues pour Dona Sol3, dans le jardin rejoint à la vé randa par un perron
de deux marches, m'apparaissent Leconte de Lisle4, le souriant
Banville4, Flaubert5 et Concourt3 conversant ensemble, Mallarmé,
Lé on Cladel5, ombres dans un Eden é vanoui; puis Franç ois Coppé e,
Catulle Mendè s4, Clovis Hugues4, la toute petite Mme Michelet offrant
des rosé s un soir de fê te, puis des ambassadeurs, des diplomates,
l'empereur du Bré sil, des peintres, des sculpteurs, et tant d'hommes
politiques que je n'en sais plus les noms!

Voici l'impression immé diate que je traç ai de l'une de ces soiré es où
nous nous é tions rendus, Alphonse Daudet et moi, un soir de neige, ou
pendant le trajet, notre cheval tomba trois fois en traversant l'esplanade
des Invalides:

«Je vois Victor Hugo au grand bout de sa table où le Maî tre vieilli,
un peu isolé, un peu sourd, trô ne avec des silences de dieu, les absences
d'un gé nie au bord de l'immortalité. Les cheveux tout blancs, la tê te
coloré e, et cet œ il de vieux lion qui se dé veloppe de cô té avec des


fé rocité s de puissance; il é coute mon mari et Catulle Mendè s entre qui
la discussion est trè s animé e à propos de la jeunesse et de la cé lé brité
des hommes connus, et de leur sé duction auprè s des femmes. Alphonse
pré tend que dans un salon rempli de talents de toutes sortes, de tout â ge,
un tout jeune homme, l'auteur inconnu, le poè te ignoré, aura pour lui les
regards fé minins s'il est beau. — Catulle Mendè s lui ré pond qu'il restera
d'abord inaperç u, et que toutes les femmes iront à la notorié té 6: ceci me
paraî t plus vrai. Les femmes heureusement n'ont point que les yeux de
leur visage, mais ceux de l'esprit et du cœ ur. Pour les intellectuelles, la
beauté d'un artiste, d'un grand poè te ne compte pas; c'est le regard du
penseur, la physionomie tourmenté e de l'homme qui vit de ses
sensations. Elles vont au talent, au chagrin qui passe, elles ne songent
guè re à la beauté physique. — Maintenant7, on pourrait ré pondre que
c'est par une sympathie ambitieuse qu'elles recherchent les auteurs
cé lè bres8. (...)

«Et je ris de cette pré tention des deux causeurs charmants, de nous8
classer, de nous analyser. Mais dire la femme, c'est comme si on disait
l'oiseau; il y a tant d'espè ces et de genres, les ramages et les plumages
sont tellement diffé rents!

«Pendant le dé bat on est passé au salon; Victor Hugo songe au coin
du feu, et, cé lè bre, universel, demi-dieu, regrette peut-ê tre sa jeunesse...»

Madame Alphonse Daudet. Souvenirs autour d'un groupe litté raire

(Revue Bleue, 7 novembre 1908)

Примечания:

1. Портрет Виктора Гюго в старости, написанный французским художником
Л.Бонна. 2. Бюст Виктора Гюго, выполненный скульптором Давидом д'Анже.
3. См. стр. 116. 4. Поэт XIX века. 5. Романист XIX века. 6. Заинтересуются
человеком, который пользуется такой известностью. 7. Fam. Il est vrai qu'on
pourrait... 8. Nous = les femmes.

Некоторые обороты речи, представляющие трудности для
изучающих французский язык:

I группа:

1. Je viendrai dans trois jours (= le 3-е jour à partir de maintenant, à partir
de ce moment-ci).

2. Je viendrai d'ici trois jours (= avant 3 jours, plutô t que le 3-е jour).


3. Но, если глагол употреблен в прошедшем времени: II vint trois
jours aprè s, trois jours plus tard
(= le 3-е jour à partir d'alors, de ce

moment-là).

Il vient pour trois jours (= il restera ici trois jours).

// группа:

1. Il est ici depuis trois jours. (En ce sens, JAMAIS «pour»)!
(= Б у a trois jours qu'il est ici).

2. Je l'ai vu il y a trois jours.

3. Il y a trois jours que je ne l'ai vu. (= Je ne l'ai pas vu depuis trois jours).

4. (В принципе, depuis никогда не употребляется с глаголом в буду-
щем времени).

III группа:

1. — Il travaille du matin au soir (mieux que: depuis... jusqu'au... qui est
plus «lourd»),

2. — Au cours du spectacle, il y eut une panne de lumiè re (= à un moment
du spectacle).

3. — Il travaille toute la journé e (duré e totale).

4. — С глаголом в отрицательной форме: Je n'ai pas fermé l'œ il, de
toute la nuit (= à aucun moment de la nuit).


XIV


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