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Crainquebille et l'agent 64






C'EST un petit mé tier, un des nombreux mé tiers de la rue que celui de «mar-
chand des quatre-saisons». Il a pourtant ses lettres de noblesse en litté rature,
depuis qu'il a fourni à ANATOLE FRANCE le sujet d'un de ses contes les plus
populaires: L'Affaire Crainquebille.

Le ton de l'é crivain est é videmment satirique: mais l'ironie n'altè re ici ni la
vé rité de la scè ne ni la vivacité du ré cit.

Jé rô me crainquebille, marchand des quatre-saisons, allait par la ville,
poussant sa petite voiture et criant: «Des choux, des navets, des carottes!»
et, quand il avait des poireaux, il criait: «Bottes d'asperges!» parce que les
poireaux sont les asperges du pauvre. Or, le 20 octobre, à l'heure de midi,
comme il descendait la rue Montmartre, Mme Bayard, cordonniè re
A l'Ange gardien, sortit de sa boutique et s'approcha de la voiture
lé gumiè re. Soulevant dé daigneusement une botte de poireaux:


«Ils ne sont guè re beaux, vos poireaux. Combien la botte?

— Quinze sous, la bourgeoise. Y a pas meilleur.

— Quinze sous, trois mauvais poireaux?»

Et elle rejette la botte dans la charrette, avec un geste de dé goû t.

C'est alors que l'agent 64 survint et dit à Crainquebille:

«Circulez!» '

Crainquebille, depuis cinquante ans, circulait du matin au soir.

Un tel ordre lui sembla lé gitime et conforme à la nature des choses.
Tout disposé à y obé ir, il pressa la bourgeoise de prendre ce qui é tait à sa
convenance.

«Faut encore que je choisisse la marchandise», ré pondit aigrement la
cordonniè re.

Et elle tâ ta de nouveau toutes les bottes de poireaux, puis elle garda
celle qui lui parut la plus belle et elle la tint contre son sein comme les
saintes, dans les tableaux d'é glise, pressent sur leur poitrine la palme
triomphale.

«Je vais vous donner quatorze sous. C'est bien assez. Et encore il faut
que j'aille les chercher dans la boutique, parce que je ne les ai pas sur moi.»

Et, tenant ses poireaux embrassé s, elle rentra dans la cordonnerie où
une cliente, portant un enfant, l'avait pré cé dé e.

A ce moment, l'agent 64 dit pour la deuxiè me fois à Crainquebille:

«Circulez!

— J'attends mon argent, ré pondit Crainquebille.

— Je ne vous dis pas d'attendre votre argent; je vous dis de circuler».
reprit l'agent avec fermeté.

Cependant la cordonniè re, dans sa boutique, essayait des souliers bleus
à un enfant de dix-huit mois dont la mè re é tait pressé e. Et les tê tes vertes
des poireaux reposaient sur le comptoir.

Depuis un demi-siè cle qu'il poussait, sa voiture dans les rues.
Crainquebille avait appris à obé ir aux repré sentants de l'autorité. Mais il se
trouvait cette fois dans une situation particuliè re, entre un devoir et un
droit. Il n'avait pas l'esprit juridique. Il ne comprit pas que la jouissance
d'un droit individuel ne le dispensait pas d'accomplir un devoir social*. Il
considé ra trop son droit qui é tait de recevoir quatorze sous, et il m
s'attacha pas assez à son devoir qui é tait de pousser sa voiture et d'aller plus
avant et toujours plus avant. Il demeura.

Pour la troisiè me fois, l'agent 64, tranquille et sans colè re, lui donna
l'ordre de circuler. Contrairement à la coutume du brigadier Montanciel
qui menace sans cesse et ne sé vit jamais, l'agent 64 est sobre


d'avertissements et prompt à verbaliser. Tel est son caractè re. Bien qu'un
peu sournois, c'est un excellent serviteur et loyal soldat. Le courage d'un
lion et la douceur d'un enfant. Il ne connaî t que sa consigne**.
«Vous n'entendez donc pas, quand je vous dis de circuler!»
Crainquebille avait de rester en place une raison trop considé rable à ses
yeux pour qu'il ne la crû t pas suffisante. Il l'exposa simplement et sans art:
«Nom de nom! puisque je vous dis que j'attends mon argent.»

ANATOLE FRANCE. Crainquebille (1901).

On devine la suite: le pauvre Crainquebille finira par tomber sous le coup d'outrages à
agent et passera en " correctionnelle", c" est-à -dire devant le tribunal de premiè re instance
et sera condamné à quinze jours de prison.

Примечание:

1. Проходите (жаргон полицейских).
Вопросы:

* Expliquez cette distinction entre le droit individuel et le devoir social. Dans quelle
mesure et dans quelles circonstances le premier doit-il s'incliner devant les exigences du
second?

** En quoi consiste, ici, la satire? Et, plus gé né ralement, comment s'exprime iitoaie de
l'auteur dans tout ce ré cit?
Certains tours dé notent un é crivain raffiné. Montrez que
cependant Anatole France a su rendre le langage du peuple.


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