Ñòóäîïåäèÿ

Ãëàâíàÿ ñòðàíèöà Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà

ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:

ÀâòîìîáèëèÀñòðîíîìèÿÁèîëîãèÿÃåîãðàôèÿÄîì è ñàäÄðóãèå ÿçûêèÄðóãîåÈíôîðìàòèêàÈñòîðèÿÊóëüòóðàËèòåðàòóðàËîãèêàÌàòåìàòèêàÌåäèöèíàÌåòàëëóðãèÿÌåõàíèêàÎáðàçîâàíèåÎõðàíà òðóäàÏåäàãîãèêàÏîëèòèêàÏðàâîÏñèõîëîãèÿÐåëèãèÿÐèòîðèêàÑîöèîëîãèÿÑïîðòÑòðîèòåëüñòâîÒåõíîëîãèÿÒóðèçìÔèçèêàÔèëîñîôèÿÔèíàíñûÕèìèÿ×åð÷åíèåÝêîëîãèÿÝêîíîìèêàÝëåêòðîíèêà






Colydor






Son parrain, un maniaque pépiniériste de Meaux, avait exigé qu’il s’appelât, comme lui, Polydore. Mais nous, ses amis, considérant à juste titre que ce terme de Polydore était suprêmement ridicule, avions vite affublé le brave garçon du sobriquet de Colydor, beaucoup plus joli, euphonique et suggestif davantage.

 

Lui, d’ailleurs, était ravi de ce nom, et ses cartes de visite n’en portaient point d’autre. Également on pouvait lire en belle gothique Colydor sur la plaque de cuivre de la porte de son petit rez-de-chaussée, situé au cinquième étage du 327 de la rue de la Source(Auteuil).

 

Il exigeait seulement qu’on orthographiât son nom ainsi que je l’ai fait: un seul l, un y et pas d’ e à la fin.

 

Respectons cette inoffensive manie.

 

Je ne suis pas arrivé à mon âge sans avoir vu bien des drôles de corps, mais les plus drôles de corps qu’il m’a été donné de contempler me semblent une pâle gnognotte auprès de Colydor.

 

Quelqu’un, Victor Hugo, je crois, a appelé Colydor le sympathique chef de l’École Loufoque, et il a eu bien raison.

 

Chaque fois que j’aperçois Colydor, tout mon être frémit d’allégresse jusque dans ses fibres les plus intimes.

 

«Bon, me dis-je, voilà Colydor, je ne vais pas m’embêter».

 

Pronostic jamais déçu.

 

Hier, j’ai reçu la visite de Colydor.

 

– Regarde-moi bien, m’a dit mon ami, tu ne me trouves rien de changé dans la physionomie?

 

Je contemplai la face de Colydor et rien de spécial ne m’apparut;

 

– Eh bien! mon vieux, reprit-il, tu n’es guère physionomiste. Je suis marié!

 

– Ah bah!

 

– Oui, mon bonhomme! Marié depuis une semaine… Encore mille à attendre et je serai bien heureux!

 

– Mille quoi?

 

– Mille semaines, parbleu!

 

– Mille semaines? À attendre quoi?

 

– Quand je perdrais deux heures à te raconter ça, tu n’y comprendrais rien!

 

– Tu me crois donc bien bête?

 

– Ce n’est pas que tu sois plus bête qu’un autre, mais c’est une si drôle d’histoire!

 

Et sur cette alléchance, Colydor se drapa dans un sépulcral mutisme. Je me sentais décidé à tout, même au crime, pour savoir.

 

– Alors, fis-je de mon air le plus indifférent, tu es marié…

 

– Parfaitement!

 

– Elle est jolie?

 

– Ridicule!

 

– Riche?

 

– Pas un sou!

 

– Alors quoi?

 

– Puisque je te dis que tu n’y comprendrais rien!

 

Mes yeux suppliants le firent se raviser.

 

Colydor s’assit dans un fauteuil, n’alluma pas un excellent cigare et me narra ce qui suit:

 

– Tu te rappelles le temps infâme que nous prodigua le Seigneur durant tout le joli mois de mai? J’en profitai pour quitter Paris, et j’allai à Trouville livrer mon corps d’albâtre aux baisers d’Amphitrite.

 

«En cette saison, l’immeuble, à Trouville, est pour rien. Moyennant une bouchée de pain, je louai une maison tout entière, sur la route de Honfleur.

 

«Ah! une bien drôle de maison, mon pauvre ami! Imagine-toi un heureux mélange de palais florentin et de chaumière normande, avec un rien de pagode hindoue brochant sur le tout.

 

«Entre deux baisers d’Amphitrite, j’excursionnais vaguement dans les environs.

 

«Un dimanche, entre autres – oh! cet inoubliable dimanche! – je me promenais à Houlbec, un joli petit port de mer, ma foi, quand des flots d’harmonie vinrent me submerger tout à coup.

 

«À deux pas, sur une plage plantée d’ormes séculaires, une fanfare, probablement municipale, jetait au ciel ses mugissements les plus mélodieux.»Et autour, tout autour de ces Orphée en délire, tournaient sans trêve les Houlbecquois et les Houlbecquoises.

 

«Parmi ces dernières…

 

«Crois-tu au coup de foudre? Non? Eh bien, tu es une sinistre brute!

 

«Moi non plus, je ne croyais pas au coup de foudre, mais maintenant! …

 

«C’est comme un coup qu’on reçoit là, pan! dans le creux de l’estomac, et ça vous répond un peu dans le ventre. Très curieux, le coup de foudre!

 

«Parmi ces dernières, disais-je donc, une grande femme brune, d’une quarantaine d’années, tournait, tournait, tournait.

 

«Était -elle jolie? Je n’en sais rien, mais à son aspect, je compris tout de suite que c’en était fait de moi. J’aimais cette femme, et je n’aimerais jamais qu’elle!

 

«Fiche-toi de moi si tu veux, mais c’est comme ça.

 

«Elle s’accompagnait de sa fille, une grande vilaine demoiselle de vingt ans, anguleuse et sans grâce.

 

«Le lendemain, j’avais lâché Trouville, mon castel auvergno-japonais, et je m’installais à Houlbec.

 

«Mon coup de foudre était la femme du capitaine des douanes, un vieux bougre pas commode du tout et joueur à la manille aux enchères, comme feu Manille aux enchères lui-même!

 

«Moi qui n’ai jamais su tenir une carte de ma vie, je n’hésitai pas, pour me rapprocher de l’idole, à devenir le partenaire du terrible gabelou!

 

«Oh! ces soirées au Café de Paris, ces effroyables soirées uniquement consacrées à me faire traiter d’imbécile par le capitaine parce que je lui coupais ses manilles ou parce que je ne les lui coupais pas! Car, à l’heure qu’il est, je ne suis pas encore bien fixé.

 

«Et puis, je ne me rappelais jamais que c’était le *dix* le plus fort à ce jeu-là. Oh! ma tête, ma pauvre tête!

 

«Un jour enfin, au bout d’une semaine environ, ma constance fut récompensée. Le gabelou m’invita à dîner.

 

«Charmante, la capitaine, et d’un accueil exquis. Mon cœur flamba comme braise folle. Je mis tout en œuvre pour arriver à mes détestables fins, mais je pus me fouiller dans les grandes largeurs!

 

«Je commençais à me sentir tout calamiteux, quand un soir – oh! cet inoubliable soir! … – nous étions dans le salon, je feuilletais un album de photographies, et elle, l’idole, me désignait: mon cousin Chose, ma tante Machin, une belle-sœur de mon mari, mon oncle Untel, etc., etc.

 

«– Et celle-ci, la connaissez-vous?

 

«– Parfaitement, c’est Mlle Claire.

 

«– Eh bien, pas du tout! C’est moi à vingt ans.

 

«Et elle me conta qu’à vingt ans, elle ressemblait exactement à Claire, sa fille, si exactement qu’en regardant Claire elle s’imaginait se considérer dans son miroir d’il y a vingt ans.

 

«Était -ce possible!

 

«Comment cette adorable créature, potelée si délicieusement, avait-elle pu être une telle fille sèche et maigre?

 

«Alors, mon pauvre ami, une idée me vint qui m’inonda de clartés et de joies.

 

«Enfin, je tenais le bonheur!

 

«»Si la mère a ressemblé si parfaitement à la fille, me dis-je, il est certain qu’un jour la fille ressemblera parfaitement à la mère».

 

«Et voilà pourquoi j’ai épousé Claire, la semaine dernière.

 

«Aujourd’hui, elle a vingt ans, elle est laide.

 

Mais dans vingt ans, elle en aura quarante, et elle sera radieuse comme sa mère!

 

«J’attendrai, voilà tout!»

 

Et Colydor, évidemment très fier de sa combinaison, ajouta:

 

– Tu ne m’appelleras plus loufoque, maintenant… hein!

 

Phares

L’Eure est probablement un des rares départements terriens français, et certainement le seul, qui possède un phare maritime.

 

À la suite de quelles louches intrigues, de quelles basses démarches, de quelles nauséeuses influences ce département d’eau douce est-il arrivé à faire ériger en son sein un phare de première classe? Voilà ce que je ne saurais dire, voilà ce que je ne voudrais jamais chercher à savoir.

 

Quelques petits jeunes gens des Ponts et Chaussées me répondront d’un air suffisant qu’un phare élevé en terre ferme peut éclairer une portion de mer sise pas trop loin de là. Soit!

 

Il n’en est pas moins humiliant, quand on habite Honfleur (des Honfleurais fondèrent Québec en 1608) et qu’un ami, O’Reilly ou un autre, vous prie de lui faire visiter un phare de la première classe, il n’en est pas moins humiliant, dis-je, de le trimballer dans un département voisin dont le plus intrépide navigateur est tanneur à Pont-Audemer.

 

Non pas que le voyage en soit regrettable, oh! que non pas! La route est charmante d’un bout à l’autre, peuplée de vieilles sempiterneuses qui tricotent, de jeunes filles qui attendent à la fontaine que leur siau se remplisse. Ah! combien exquises, ces Danaïdes normandes, une surtout, un peu avant Ficquefleur!

 

Alors, on arrive à Fatouville: c’est là le phare.

 

Un gardien vous accueille, c’est le gardien-chef, ne l’oublions pas, un gardien-chef de première classe, comme il a soin de vous en aviser lui-même.

 

On gravit un escalier qui compte un certain nombre de marches (sans cela serait-il un escalier? a si bien fait observer le cruel observateur Henry Somm).

 

Ces marches, j’en savais le nombre hier; je l’ignore aujourd’hui. L’oubli, c’est la vie.

 

Parvenu là-haut, on jouit d’une vue superbe, comme disent les gens. On découvre (j’ai encore oublié ce quantum) une foule considérable de lieues carrées de territoire. Pourquoi des lieues carrées dans un panorama circulaire?

 

– Quel est ce petit phare? demande une de nos compagnes en désignant un point de la basse Seine.

 

– Un phare ça! Vous appelez ça un phare? fait le gardien vaguement indigné.

 

Notre compagne, confuse, en pique un (de fard).

 

– Ce n’est pas un phare, madame, c’est un feu

 

Il nous dit même le nom du feu, mais je l’ai oublié comme le reste.

 

Quand nous avons découvert assez de territoire, nous descendons le nombre de marches qui constituent l’escalier dont j’ai parlé plus haut.

 

Un registre nous tend les bras, pour que nous y tracions nos noms de visiteurs.

 

Je signe modestement Francisque Sarcey, en ajoutant dans la colonne Observations cette phrase ingénieuse:

 

La phrase que j’ai inscrite s’est évadée de ma mémoire, comme tant d’autres histoires.

 

Je feuillette le registre, et je n’en reviens pas de la stupidité de mes contemporains.

 

Comme les gens sont bêtes, mon Dieu! comme ils sont bêtes!

 

La colonne Observations du registre de Fatouville constitue certainement le plus beau monument de bêtise humaine qu’on puisse contempler en ce bas monde.

 

Tout un firmament de lunes n’en donnerait qu’une faible idée.

 

J’en excepte un quatrain vieux de quelques mois, de Georges Lorin, et une réflexion de Pierre Delcourt.

 

Le quatrain de Lorin est à sextuple détente; quant à la phrase de Delcourt, elle fait se retirer toutes seules les échelles;

 

Voici le quatrain:

 

Comme il est des femmes gentilles,

Il est des calembours amers:

Le phare illumine les mers,

Le fard enlumine les filles!

 

À Delcourt, maintenant:

 

Le phare de Fatouville n’est, à tout prendre, qu’une vaste chandelle. Il en a, toutes proportions gardées, la forme et le pouvoir éclairant.

 

Puis nous nous retirâmes.

 

Nous allions monter en voiture, quand une espèce de petit bonhomme tout drôle, pas très vieux, mais pas extraordinairement jeune non plus, fort sec, nous demanda poliment si nous rentrions à Honfleur. Sur l’assurance qu’en effet c’est notre but, le drôle de bonhomme nous demande une toute petite place dans notre véhicule, ce à quoi nous consentîmes de la meilleure grâce du monde.

 

En route, il nous confia qu’il était inventeur, et qu’il allait révolutionner toute l’administration des phares:

 

– Vous occupez-vous de phares, messieurs? fit-il.

 

– Oh! vous savez, nous nous en occupons sans nous en occuper.

 

– Vous avez tort, car c’est là une question bien intéressante.

 

J’avais bien envie de prier l’inventeur de nous procurer la paix. Nous descendions la côte, à travers un paysage magnifique dans lequel un clément octobre jetait son or discret. Je me sentais plus disposé à jouir de cette vue qu’à entendre divaguer mon vieux type. Mais mon vieux type reprit, plein d’ardeur:

 

– Les phares, c’est bon quand le temps est clair; mais le temps est-il jamais clair?

 

– Pourtant, j’ai vu des fois…

 

– Le temps n’est jamais clair! Alors…

 

– Nous avons la sirène qui beugle dans la brume.

 

– La sirène, c’est de la blague. Je défie à un navigateur qui voyage dans la brume de me dire, à 30 degrés près, la direction d’une sirène, s’il en est éloigné de quelques milles. Alors, j’ai inventé autre chose. Puisqu’on ne voit pas le feu du phare, puisqu’on se trompe sur la direction du son de la sirène, j’ai imaginé le phare odoriférant. Écoutez-moi bien.

 

– Allez-y!

 

– Chaque phare a son odeur, soigneusement indiquée sur les cartes marines. J’ai des phares à la rose, des phares au citron, des phares au musc. Au sommet des phares, un puissant vaporisateur projette ces odeurs vers la mer. Rien de plus simple, alors, pour se diriger. En temps de brume, le capitaine ouvre les narines et constate, par exemple, qu’une odeur de girofle lui arrive par N.-N.-O. et une odeur de réséda par S.-E. En consultant sa carte, il détermine ainsi sa situation exacte. Hein? …

 

– Épatant! Et puis il y a une chose à laquelle vous n’avez pas pensé. Je vous donne l’idée pour rien: quand il s’agira d’un phare situé sur des rochers, en mer, construisez-le en fromage de Livarot, on le sentira de loin; et si quelque tempête, comme il arrive souvent, empêche d’aller le ravitailler, eh bien, les gardiens ne mourront pas de faim: ils mangeront leur phare!

 

Le drôle de bonhomme me regarda d’un air méprisant, et causa d’autre chose.

 


Ïîäåëèòüñÿ ñ äðóçüÿìè:

mylektsii.su - Ìîè Ëåêöèè - 2015-2024 ãîä. (0.024 ñåê.)Âñå ìàòåðèàëû ïðåäñòàâëåííûå íà ñàéòå èñêëþ÷èòåëüíî ñ öåëüþ îçíàêîìëåíèÿ ÷èòàòåëÿìè è íå ïðåñëåäóþò êîììåð÷åñêèõ öåëåé èëè íàðóøåíèå àâòîðñêèõ ïðàâ Ïîæàëîâàòüñÿ íà ìàòåðèàë