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La fin d'un tour de France






Le Tour de France cycliste ne constitue -pas un é pisode ordinaire de la vie
sportive franç aise. C'est un é vé nement d'importance vé ritablement nationale,
qui dé place sur les routes du pays des millions de spectateurs, auquel la presse
consacre des articles nombreux et circonstancié s, qui alerte la Radio et mê me,
aujourd'hui, la Té lé vision.

Quel que soit l'inté rê t sportif d'une é preuve aussi pé nible, il n'en faut pas moins
admirer le courage et l'endurance de ces «gé ants de la route», qui, aprè s
avoir, pendant prè s d'un mois, effectué des é tapes quotidiennes de deux ou trois
cents kilomè tres, viennent recueillir au Parc des Princes, terme de leur course,
les acclamations d'une foule en dé lire.

Un nuage bas blanchit au dé tour de la route et roule sur nous. Nous
sommes aveuglé s, suffoqué s; nous dé marrons à tâ tons; une voiture-pilote
hurle à nos trousses comme la sirè ne d'un navire perdu; une autre nous
frô le et pous dé passe, dans un é lan hardi et onduleux de poisson gé ant; un
fretin affolé de cyclistes aux lè vres terreuses, entrevus dans la poussiè re,
s'grippe aux ailes2 des automobiles, dé rape, s'é crase.

Nous suivons, engrené s dans la course. J'ai vu passer devant nous, tout
de suite avalé s par des tourbillons lourds, trois coureurs minces: dos noirs
et jaunes, chiffré s de rouge, trois ê tres qu'on dirait sans visage, l'é chiné en
arceau, la tê te vers les genoux, sous une coiffe blanche... Ils ont disparu
tré s vite, eux seuls muets dans le tumulte; leur hâ te à foncer en avant, leur
sience semble les isoler de ce qui se passe ici. On ne dirait pas qu'ils


rivalisent entre eux, mais qu'ils nous fuient et qu'ils sont le gibier de cette
escorte où se mê lent, dans la poussiè re opaque, des cris, des coups de
trompe, des vivats et des roulements de foudre.

Nous suivons, nourris de fin silex croquant3 les narines brû lé es. Il
y a devant nous, dans le nuage, l'ombre basse et vague d'une automobile
invisible, proche pourtant à la toucher du capot; nous grimpons sur le siè ge
pour regarder derriè re, un autre fantô me de voiture, et d'autres derriè re
celui-là; on devine des bras agité s, on entend des cris qui nous maudissent
et ré clament le passage...

Cependant, les coureurs muets — tê te modeste du cortè ge assourdissant —
nous ont mené s jusqu'à la voie de chemin de fer, où la barriè re fermé e
immobilise un instant la course. Une foule claire, endimanché e, attend et
acclame; là encore, les petits hommes noirs et jaunes, chiffré s de rouge, se
faufilent par la porte des pié tons, franchissent la voie, et s'é clipsent. Nous
restons parqué s derriè re les grilles, furieux et comme frustré s. Le nuage de
poussiè re, un instant abattu, me laisse voir une triple û le d'impatientes et
puissantes voitures, couleur de route, couleur de boue — des chauffeurs
couleur de muraille et masqué s, qui guettent, prê ts à dé passer, d'une embardé e
peut-ê tre mortelle, le voisin de devant... A ma droite, deux hommes sont debout
dans leur voiture, tendus en gargouilles pardessus la tê te de leur conducteur.
Dans la voiture de gauche, un autre, noir de graisse et d'huile, se tient à
croupetons5 «les pieds sur les coussins, et darde sur la route le regard de ses
lunettes bombé es. Tous ont l'air prê ts à bondir, à frapper, et l'objectif de maint
appareil photographique inquiè te, braqué, comme un canon noir... Il fait chaud,
un soleil orageux couve toute cette fé rocité anonyme...

La foule cordiale, joviale, attend, tout le long de Poissy, les coureurs
que nous rattrapons. Un bon gros pè re, un peu saoul veut té moigner son
enthousiasme en é treignant l'un des automates noirs et jaunes, qui passe au
ralenti: l'automate sans visage dé tache soudain, sur la trogne du gros pè re,
un poing terrible et rentre dans son nuage, comme un dieu vengé...

Avenue de la Reine, à Boulogne... La foule, de plus en plus dense,
a envahi le milieu de la chaussé e, et, dans son zè le incommode, s'ouvre tout
juste devant le gagnant, qui maintenant relè ve la tê te, montre ses yeux
exaspé ré s et sa bouche ouverte, qui peut-ê tre crie de fureur... On lui fait
place, mais la foule se referme devant nous, qui le suivons, comme un
champ d'é pis serré s se remê le aprè s une rafale.

Un second coureur nous frô le, pareillement entravé par la multitude qui
le fê te, et sa blonde figure, pareillement furieuse, vise follement un point
devant lui: l'entré e du vé lodrome...


C'est fini. Il n'y a plus maintenant que la piste immense du Parc des
princes, empli d'une foule é tale4. Les cris, les battements de mains, les
musiques ne sont que brise au prix de la bourrasque qui m'apporta jusqu'ici
et d'où j'é merge assourdie, la tê te bourdonnante. Mais je vois encore,
là -bas, trè s loin, de l'autre cô té du cirque, je vois se lever, s'abaisser,
comme les deux bielles minuscules et infatigables qui suffisaient à
é mouvoir cette tempê te mé canique, les deux jambes menues du
triomphateur*.

COLETTE. Dans la Foule (1920).
Примечания:

1. Мелкая, непромысловая рыба. Здесь: безымянная масса гонщиков. 2. Крылья.
3. Пыль, песок, скрипящий на зубах. 4. Резкий поворот в сторону, занос. 5. На корточ-
ках. 6. Ivre (terme populaire; prononcer: soû).l. Неподвижная, как море во время штиля.

Вопросы:

*Оп appré ciera, d'aprè s cette page, le don que possè de Colette d'é voquer les attitudes
et le mouvement. Mais la description ne cache-t-elle pas, ici et là, une discrè te ironie?


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