Savorgnan de Brazza (1852 1905) ou le père des esclaves
Né à Rome en 1852, entré à l'É cole Navale en 1868, SAVORGNAN DE BRAZZA fur naturalisé Franç ais en 1874. Dè s lors, il n'eut de cesse, -par des exploration^ conduites au plein cœ ur de l'Afrique, qu'il n'associâ t un nouveau territoire à w -patrie d'adoption. C'é tait le Congo.
Mais la plus grande gloire de Brazza, c'est d'avoir renoncé à la conquê te par /'v armes et d'y avoir substitué des moyens purement pacifiques, prouvant ainsi que h mot de «colonisation», retournant à son sens latin propre, pouvait — et devait -— dé sormais prendre une signification proprement humaine...
La Socié té Historique avait, le 31 octobre 1882, invité Savorgnan de Brazza à un punch d'honneur. Henri Martin, au nom de la Socié té, accueillit le cé lè bre explorateur en ces termes: «Je salue le jeune et hé roï que voyageur qui nous revient du fond de cette Afrique obscure, champ dé sormais ouvert à la civilisation et à la franco. Vous venez d'ouvrir un chapitre à notre histoire coloniale.» C'est alors que Brazza fit la ré ponse suivante:
Un chapitre nouveau? La vé rité est que je n'en ai é crit qu'une ligne: la premiè re et la plus modeste.
Pourtant un grand pas est fait. Le drapeau de la France est dé sormais planté au cœ ur de l'Afrique, comme un symbole des idé es grandes et gé né reuses que la France a toujours, plus que toute autre nation, contribué à ré pandre. C'est l'amour de la science qui a conduit Bellot' dans les glaces du pô le. Aujourd'hui, l'entré e de nos compatriotes en Afrique aura pour effet d'arrê ter à sa source le commerce de chair humaine: la traite des Nè gres. Car la France, en dé fendant ses inté rê ts nationaux, n'a jamais abandonné les inté rê ts de la civilisation*.
Il y a cinquante ans environ, notre drapeau fut planté au Gabon. Il y repré sentait dè s le principe l'idé e de liberté, car c'est pour fournir un port de relâ che à nos vaisseaux chargé s d'empê cher la traite des Noirs, qu'on s'é tait é tabli sur cette partie de la cô te africaine. Le bruit s'est ré pandu vite, et jusqu'au centre de l'Afrique, qu'il y avait sur les cô tes une terre qui rendait libres ceux qui la touchaient. Quand j'ai pé né tré.dans ce pays, nos couleurs é taient connues. On savait qu'elles é taient celles de la liberté. Les premiers habitants de Franceville ont é té des esclaves libé ré s. La question de l'esclavage est une question complexe. On se trouve à chaque instant en pré sence de difficulté s presque insurmontables. Soutenir l'honneur d'un pavillon qui arrache leur proie aux né griers n'est pas chose facile, quand on ne peut pas, quand on ne veut pas employer la violence. (...)
Au dé but, j'ai dû acheter des hommes à prix d'argent et fort cher, selon le cours, trois ou quatre cents francs. Je leur disais, quand ils é taient à moi, bû che aux pieds et fourche au cou: «Toi, de quel pays es-tu? — Je suis de l'inté rieur. — Veux-tu rester avec moi ou retourner dans ton pays?» Je, leur faisais toucher le drapeau franç ais que j'avais hissé. Je leur disais: «Va, maintenant tu es libre.» Ceux de ces hommes qui sont retourné s, je les ai retrouvé s dans l'inté rieur. Ils m'ont facilité le chemin. Ils m'ont permis de remonter jusqu'au centre, là où il m'é tait possible de libé rer un esclave au Prix de quelques colliers, qui valent bien en tout dix centimes. Il é tait constaté que tout esclave qui touchait le drapeau franç ais é tait libre.
L'Afrique rend la guerre à qui sè me la guerre; mais comme tous les
autres pays, elle rend la paix à qui sè me la paix. Ma ré putation allait devant moi, m'ouvrant la route et les cœ urs. On me donnait à mon insu le beau nom de Pè re des Esclaves.
Qu'est-ce, messieurs? Peu de chose. Demain nos libé ré s iront se faire reprendre dans le centre si nous ne soutenons pas nos premiers efforts. Je n'ai rien fait. J'ai seulement montré ce que l'on pouvait faire, li y a un premier essai, un premier ré sultat. C'est quelque chose d'ê tre connu dans ces ré gions nouvelles sous le nom de Pè re des Esclaves**. N'est-ce pas l'augure de l'influence bienfaisante qui, seule, doit ê tre celle de notre pays...?
Cité par l'é crivain noir RENÉ MARAN in Savorgnan de Brazza (1951).
Примечания:
1. Французский мореплаватель, погибший в полярных льдах в 1853 г. Вопросы:
* Un pays peut-il dé fendre à la fois ses (' inté rê ts nationaux» et les « inté rê ts de la civilisation Ré pondez en vous appuyant sur des exemples historiques. ** Quel beau symbole Savorgnan de Brazza invente-t-il ici?
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