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ActeII, se. V. 2 страница






SPARK. — Je ne comprends rien à ce travail perpé tuel sur toi-mê me.
Moi, quand je fume, par exemple, ma pensé e se fait fumé e de tabac; quand
je bois, elle se fait vin d'Espagne ou biè re de Flandre; quand je baise la


main de ma maî tresse, elle entre par le bout de ses doigts effilé s pour se
ré pandre dans tout son ê tre sur des courants é lectriques; il me faut le
parfum d'une fleur pour me distraire, et de tout ce que renferme
l'universelle nature, le plus ché tif objet suffit pour me changer en abeille et
me faire voltiger ç a et là avec un plaisir toujours nouveau.

FANTASIO. — Tranchons le mot2 tu es capable de pê cher à la ligne?
SPARK. — Si cela m'amuse, je suis capable de tout.
FANTASIO. — Mê me de prendre la lune avec les dents?
SPARK. — Cela ne m'amuserait pas.

FANTASIO. — Ah, ah! qu'en sais-tu? Prendre la lune avec les dents n'est
pas à dé daigner. Allons jouer au trente et quarante4.

SPARK. — Non, en vé rité.

FANTASIO. — Pourquoi?

SPARK. — Parce que nous perdrions notre argent.

FANTASIO. — Ah! mon Dieu! qu'est-ce que tu vas imaginer là! Tu ne
sais quoi inventer pour te torturer l'esprit. Tu vois donc tout en noir,
misé rable? Perdre notre argent! Tu n'as donc dans le cœ ur ni foi en Dieu, ni
espé rance? Tu es donc un athé e é pouvantable, capable de me dessé cher le
cœ ur et de me dé sabuser de tout, moi qui suis plein de sè ve et de jeunesse?

(Il se met à danser.)

SPARK. — En vé rité, il y a de certains moments où je ne jurerais pas que
tu n'es pas rou*.

Acte I, se. II.

Примечания:

1. То есть пьесы, которые читают, сидя в кресле 2. Поговорим откровенно.
3. Даже на невозможное? 4. Карточная игра.

Вопросы:

* Cherchez dans la vie et l'oeuvre de Musset ce qui y rappelle Fantasio et ce qui y
rappelle
Spark.


HENRY BECQUE (1837-1899)

DES auteurs dramatiques de la fin du XIXe siè cle, HENRY BECQUE, à qui l'on
doifLes Corbeaux (1882) et La Parisienne (1885) est sans doute le plus
moderne. Renonç ant aux artifices (ou, comme on dit, aux «ficelles») du mé tier,
chers à tant de ses contemporains, il compte avant tout sur son sens de
l'observation psychologique et sur la simplicité nue de son dialogue pour
é mouvoir le spectateur.

LES CORBEAUX (1882)

La famille Vigneron vivait heureuse, quand le pè re, industriel aisé, est mort brusquement
Du jour au lendemain la situation a changé: les hommes d'affaires, pareils à des «corbeaux»,
se sont arraché les biens de Mme Vigneron et de ses filles. C'est alors que l'une d'elles, Marie.
se voit proposer d'é pouser Teissier, l'ancien associé de son peYe, qui est vieux, mais riche, et,
par là, capable de tirer d'embarras la mè re et les sœ urs de la leune fille.

BOURDON1

...Vous avez entendu, mademoiselle, ce que je viens de dire à votre
mè re. Faites-moi autant de questions que vous voudrez, mais abordons,
n'est-ce pas, la seule qui soit vé ritablement importante, la question d'argent.
Je vous é coute.

MARIE
Non, parlez vous-mê me.

BOURDON
Je suis ici pour vous entendre et pour vous conseiller.

MARIE
II me serait pé nible de m'appesantir là -dessus.

BOURDON, souriant.

Bah! vous dé sirez peut-ê tre savoir quelle est exactement, à un sou prè s,
la fortune de M. Teissier?

MARIE
Je la trouve suffisante, sans la connaî tre.

BOURDON

Vous avez raison. Teissier est riche, trè s riche, plus riche, le sournois"
qu'il n'en convient lui-mê me. Allez donc, mademoiselle, je vous attends.


MARIE

M. Teissier vous a fait part sans doute de ses intentions?

BOURDON
Oui, mais je voudrais connaî tre aussi les vô tres. Il est toujours

inté ressant pour nous de voir se dé battre les parties3.

MARIE

N'augmentez pas mon embarras. Si ce mariage doit se faire, j'aimerais
mieux en courir la chance plutô t que de poser des conditions.

BOURDON, souriant toujours.

Vraiment! (Marie le regarde fixement.) Je ne mets pas en doute vos
scrupules, mademoiselle; quand on veut bien nous en montrer, nous
sommes tenus de les croire sincè res. Teissier se doute bien cependant que
vous ne l'é pouserez pas pour ses beaux yeux. Il est donc tout disposé dé jà à
vous constituer un douaire4; mais ce douaire, je m'empresse de vous le dire,
ne suffirait pas. Vous faites un marché, n'est-il pas vrai, ou bien, si ce mot
vous blesse, vous faites une spé culation; elle doit porter tous ses fruits. Il
est donc juste, et c'est ce qui arrivera, que Teissier, en vous é pousant, vous
reconnaisse commune en biens5, ce qui veut dire que la moitié de sa
fortune, sans ré tractation6 et sans contestation possibles, vous reviendra
aprè s sa mort. Vous n'aurez plus que des vœ ux à faire pour ne pas l'attendre
trop longtemps*. (Se retournant vers Mme Vigneron.) Vous avez entendu,
madame, ce que je viens de dire à votre fille?

MADAME VIGNERON
J'ai entendu.

BOURDON
Que pensez-vous?

MADAME VIGNERON

Je pense, monsieur Bourdon, si vous voulez le savoir, que plutô t que de
promettre à ma fille la fortune de M. Teissier, vous auriez mieux fait de lui
conserver celle de son pè re.

BOURDON

Vous ne sortez pas de là, vous, madame. (Revenant à Marie.) Eh bien!
mademoiselle, vous connaissez maintenant les avantages immenses qui
vous seraient ré servé s dans un avenir trè s prochain; je cherche ce que vous


pourriez opposer encore, je ne le trouve pas. Quelques objections de
sentiment peut-ê tre? Je parle, n'est-ce pas, à une jeune fille raisonnable,
bien é levé e, qui n'a pas de papillons7 dans la tê te. Vous devez savoir que
l'amour n'existe pas; je ne l'ai jamais rencontré pour ma part. Il n'y a que
des affaires en ce monde; le mariage en est une comme toutes les autres;
celle qui se pré sente aujourd'hui pour vous, vous ne la retrouveriez pas une
seconde fois.

MARIE

M. Teissier, dans les conversations qu'il a eues avec vous, a-t-il parlé de
ma famille?

BOURDON
De votre famille? Non. (Bas.) Est-ce qu'elle exigerait quelque chose?

MARIE
M. Teissier doit savoir que jamais je ne consentirais à me sé parer d'elle

BOURDON

Pourquoi vous en sé parerait-il? Vos sœ urs sont charmantes, madame
votre mè re est une personne trè s agré able. Teissier a tout inté rê t d'ailleurs
à ne pas laisser sans entourage une jeune femme qui aura bien des
moments inoccupé s. Pré parez-vous, mademoiselle, à ce qui me reste à vous
dire. Teissier m'a accompagné jusqu'ici; il est en bas, il attend une ré ponse
qui doit ê tre cette fois dé finitive; vous risqueriez vous-mê me en la
diffé rant. C'est donc un oui ou un non que je vous demande.

Silence.

MADAME VIGNERON

En voilà assez, monsieur Bourdon. J'ai bien voulu que vous appreniez
à ma fille les propositions qui lui é taient faites, mais si elle doit les
accepter, ç a la regarde, je n'entends pas que ce soit par surprise, dans un
moment de faiblesse ou d'é motion. Au surplus, je me ré serve, vous devez
bien le penser, d'avoir un entretien avec elle où je lui dirai de ces choses
qui seraient dé placé es en votre pré sence, mais qu'une mè re, seule avec son
enfant, peut et doit lui apprendre dans certains cas. Je n'ai pas, je vous
l'avoue, une fille de vingt ans, pleine de cœ ur et pleine de santé, pour la
donner à un vieillard.

BOURDON
A qui la donnerez-vous? On dirait, madame, à vous entendre, que vous


avez des gendres plein vos poches et que vos filles n'auront que l'embarras
du choix. Pourquoi le mariage8 de l'une d'elles, mariage qui paraissait bien
conclu, celui-là, a-t-il manqué? Faute d'argent. C'est qu'en effet, madame,
faute d'argent, les jeunes filles restent jeunes filles.

MADAME VIGNERON

Vous vous trompez. Je n'avais rien et mon mari non plus. Il m'a é pousé e
cependant et nous avons é té trè s heureux.

BOURDON

Vous avez eu quatre enfants, c'est vrai. Si votre mari, madame, é tait
encore de ce monde, il serait pour la premiè re fois peut-ê tre en dé saccord
avec vous. C'est avec effroi qu'il envisagerait la situation de ses filles,
situation, quoi que vous en pensiez, difficile et pé rilleuse. Il estimerait à
son prix la proposition de M. Teissier, imparfaite, sans doute, mais plus
qu'acceptable, rassurante pour le pré sent (regardant Marie), é blouissante
pour l'avenir. On ne risque rien, je le sais, en faisant parler les morts, mais
le pè re de mademoiselle, avec un cœ ur excellent comme le vô tre, avait de
plus l'expé rience qui vous fait dé faut. Il connaissait la vie; sa pensé e
aujourd'hui serait celle-ci: j'ai vé cu pour ma famille, je suis mort pour elle,
ma fille peut bien lui sacrifier quelques anné es.

MARIE, les larmes aux yeux.
Dites à M. Teissier que j'accepte*.

Acte IV, se. VI.

Примечания:

1. Нотариус семьи Виньерон и одновременно эмиссар Тесье. 2. Замкнутый, скрыт-
ный человек. В устах персонажа эта характеристика звучит достаточно лукаво. 3. Тя-
жущиеся стороны в судебном процессе 4. Вклад, который муж делает в пользу жены
на тот случай, если он умрет раньше ее 5 Имеется в виду брак, заключенный на ос-
нове общности имущества, когда половина его принадлежит мужу, а вторая половина
— жене 6. То есть без необходимости возвращать его по условиям брачного контрак-
та. 7. Образное выражение, соответствующее русскому " тараканы в голове". 8. Свадь-
ба Бланш не состоялась по настоянию матери жениха

Вопросы:

* Comment s'exprime, dans cette scè ne, le cynisme du personnagaf

** É tudiez les divers arguments employé s par Bourdon pour parvenir à setfî ps-


PAUL CLAUDEL (1868-1954)

il serait vain de vouloir dissocier en PAUL CLAUDEL le poè te et le dramaturge.
Tous les deux expriment une mê me vision de l'univers: une vision catholique^
au sens total du terme, c'est-à -dire à la fois cosmique et chré tienne.
De toutes les piè ces où s'exprime cette fusion de la terre et du Ciel, du visible et
de l'immaté riel, il en est peu où, plus que dans Partage de Midi, brû le la haute
poé sie claudé lienne.

PARTAGE DE MIDI (1905)
Amalric et Ysé, aprè s une sé paration de dix ans, se retrouvent sur le font d'un paquebot
au milieu de l'océ an Indien. Tous les deux é voquent alors le passé.

AMALRIC

Et cependant, Ysé, Ysé, Ysé.

Cette grande matiné e é clatante quand nous nous sommes rencontré s!
Ysé, ce froid dimanche é clatant, à dix heures sur la mer!

Quel vent fé roce il faisait dans le grand soleil! Comme cela sifflait et
cinglait, et comme le dur mistral1 hersait2 l'eau cassé e.

Toute la mer levé e sur elle-mê me, tapante, claquante, ruante dans le
soleil, dé talant dans la tempê te!

C'est hier sous le clair de lune, dans le plus profond de la nuit

Qu'enfin, engagé s dans le dé troit de Sicile, ceux qui se ré veillaient, se
v redressant, effaç ant la vapeur sur le hublot1,

Avaient retrouvé l'Europe, tout enveloppé e de neige, grande et grise,

Sans voix, sans figure, les accueillant dans le sommeil.

Et ce clair jour de l'Epiphanie4, nous laissions à notre droite, derriè re
nous,

La Corse, toute blanche, toute radieuse, comme une marié e dans la
matiné e carillonnante!

Ysé, vous reveniez d'Egypte, et, moi je ressortais du bout du monde, du
fond de la mer,

Ayant bu mon premier grand coup de la vie et ne rapportant dans ma
poche

Rien d'autre qu'un poing dur et- des doigts sachant maintenant compter.

Alors un coup de vent comme une claque

Fit sauter tous vos peignes et le tas de vos cheveux me partit dans la
figure!


Voilà la grande jeune fille

Qui se retourne en riant; elle me regarde et je la regardai.

YSÉ
Je me rappelle! vous laissiez pousser votre barbe à ce moment, elle é tait

roide comme une é trille"!

Comme j'é tais forte et joyeuse à ce moment! comme je riais bien!

comme je me tenais bien! Et comme j'é tais jolie aussi!
Et puis la vie est venue, les enfants sont venus,
Et maintenant vous voyez comme me voilà ré duite et obé issante
Comme un vieux cheval blanc qui suit la main qui le tire,
Remuant ses quatre pieds l'un aprè s l'autre*.

Acte I.

Примечания:

1. Сильный ветер, дующий на юге Франции. 2. Боронит — от сельскохозяйствен-
ного орудия " борона". 3. Иллюминатор. 4. Христианский праздник: в этот день цари-
волхвы пришли на поклонение к младенцу Христу. 5 Скребница, которой чистят ло-
шадей

Вопросы:

* Relevez et é tudiez les images contenues dans ce texte. Quelle idé e peuvent-elles
donner du
lyrisme claudé hea?

JEAN GIRAUDOUX (1882-1944)

Ç 'AURA é té l'un des principaux mé rites de JEAN GIRAUDOUX que de ressusciter
quelques-uns des grands mythes de l'Antiquité. Non point qu'il les traite à
l'imitation des classiques, pour fuir les problè mes de l'é poque: au contraire, il
les repense en homme du XXe siè cle et trouve dans l'actualité un des moyens
les plus sû rs pour é clairer d'un 'jour nouveau des questions é ternelles.
Ainsi cette Guerre de Troie, qu'Hector et Ulysse tentent dé sespé ré ment
d'empê cher: elle ressemble beaucoup moins au conflit dé peint dans l'é popé e
homé rique qu'à ces conflagrations absurdes qui ont embrasé notre é poque
malgré tant de loyaux efforts pour les conjurer... Mais l'art de Giraudoux traite
ces graves problè mes d'une touche si lé gè re qu'on n'en sent pas toujours le
pathé tique.

.377


LA GUERRE DE TROIE N'AURA PAS LIEU (1935)

HECTOR

Eh bien, le sort en est jeté, Ulysse! Va pour la guerre1! A mesure que j'ai
plus de haine pour elle, il me vient d'ailleurs un dé sir plus incoercible2 de
tuer... Partez, puisque vous me refusez votre aide...

ULYSSE

Comprenez-moi, Hector!.. Mon aide vous est acquise. Ne m'en veuillez
pas d'interpré ter le sort. J'ai seulement voulu lire dans ces grandes lignes
que sont, sur l'univers, les voies des caravanes, lé s chemins des navires, le
tracé des grues volantes et des races. Donnez-moi votre main. Elle aussi
a ses lignes. Mais ne cherchons pas si leur leç on est la mê me. Admettons
que les- trois petites rides au fond de la main d'Hector disent le contraire de
ce qu'assurent les fleuves, les vols et les sillages. Je suis curieux de nature,
et je n'ai pas peur. Je veux bien aller contre le sort. J'accepte Hé lè ne. Je la
rendrai à Mé né las. Je possè de beaucoup plus d'é loquence qu'il n'en faut
pour faire croire un mari à la vertu de sa femme. J'amè nerai mê me Hé lè ne
à y croire elle-mê me. Et je pars à l'instant, pour é viter toute surprise. Une
fois au navire, peut-ê tre risquons-nous de dé jouer la guerre.

HECTOR
Est-ce là la ruse d'Ulysse, ou sa grandeur?

ULYSSE

Je ruse en ce moment contre le destin, non contre vous. C'est un premier
essai, et j'y ai plus de mé rite. Je suis sincè re, Hector... Si je voulais la
guerre, je ne demanderais pas Hé lè ne, mais une ranç on qui vous est plus
chè re... Je pars... Mais je ne peux me dé fendre de l'impression qu'il est bien
long, le chemin qui va de cette place à mon navire.

HECTOR

Ma garde vous escorte.

ULYSSE

II est long comme le parcours officiel des rois en visite quand l'attentat
menace... Où se cachent les conjuré s? Heureux nous sommes, si ce n'est
pas dans le ciel mê me... Et le chemin d'ici à ce coin du palais est long... Et
long mon premier pas... Comment va-t-il se faire, mon premier pas, entre
tous ces pé rils?.. Vais-je glisser et me tuer?.. Une corniche va-t-elle
s'effondrer sur moi de cet angle? Tout est maç onnerie neuve ici, et j'attends


la pierre croulante*... Du courage... Allons-y.
(Il fait un premier pas.)

HECTOR
Merci, Ulysse.

ULYSSE
Le premier pas... Il en reste combien?

HECTOR
Quatre cent soixante.

ULYSSE
Au second! Vous savez ce qui me dé cide à partir, Hector...

HECTOR
Je le sais. La noblesse.

ULYSSE

Pas pré cisé ment... Andromaque a le mê me battement de cils que
Pé né lope3.

Acte II, se. XIII.

Примечания:

1. Expression familiè re: d'accord, pour la guerre! — " Ну что ж, война так война" или
" Пусть будет война! ". 2. Неукротимое. 3. Пенелопа — жена Улисса, двадцать лет
ждавшая его возвращения с Троянской войны..

Вопросы:

* Comment Giraudoux exprime-t-il ici l'idé e que la guerre est une fatalité?

JULES ROMAINS (né en 1885)

Si le romancier des Hommes de Bonne Volonté laisse un hé ritage digne de
Balzac, l'auteur de Knock peut revendiquer l'honneur d'avoir cré é un type aussi
vivant, aussi né cessaire que Tartuffe ou M. Jourdain: symbole à la fois de
l'esprit d'entreprise, du gé nie publicitaire et surtout des grands animateurs


qui, imposant aux foules une conscience collective*, les poussent où ils veulent
pour le bien
ou le mal.

KNOCK(1924)

Knock reç oit le docteur Parpalaid, à qui il a succé dé comme mé decin dans une pente
ville de province. Il lui indique comment il a procé dé pour donner à sa clientè le une exten-
sion prodigieuse.

KNOCK, souriant. — Regardez ceci: c'est joli, n'est-ce pas?

LE DOCTEUR. — On dirait une carte du canton1. Mais que signifient tous
ces points rouges?

KNOCK. — C'est la carte de la pé né tration mé dicale. Chaque point rouge
indique l'emplacement d'un malade ré gulier. Il y a un mois, vous auriez vu
ici une é norme tache grise: la tache de Chabriè res.

LE DOCTEUR. — Plaî t-il2?

KNOCK. — Oui, du nom du hameau qui en formait le centre. Mon effort
des derniè res semaines a porté principalement là -dessus. Aujourd'hui, la
tache n'a pas disparu, mais elle est morcelé e. N'est-ce pas? On la remarque
à peine. (Silence.)

LE DOCTEUR. —... Vous ê tes un homme é tonnant. D'autres que moi se
retiendraient peut-ê tre de vous le dire: ils le penseraient. Ou alors, ils ne
seraient pas des mé decins. Mais me permettez-vous de me poser une
question tout haut?.. Vous allez dire que je donne dans le rigorisme. Mais
, est-ce que, dans votre mé thode, l'inté rê t du malade n'est pas un peu
subordonné à l'inté rê t du mé decin?

KNOCK. — Docteur Parpalaid, vous oubliez qu'il y a un inté rê t supé rieur
à ces deux-là.

LE DOCTEUR. — Lequel?

KNOCK. — Celui de la mé decine. C'est le seul dont je me pré occupe.

(Silence. Parpalaid mé dite.)

LE DOCTEUR. — Oui, oui, oui.

(Dè s ce moment, et jusqu'à la fin de la piè ce, l'é clairage de la scè ne
prend peu à peu les caractè res de la Lumiè re Mé dicale, qui, on le sait, est
plus riche en rayons verts et violets que la simple Lumiè re Terrestre.)

KNOCK. — Vous me donnez un canton peuplé de quelques milliers
d'individus neutres, indé terminé s. Mon rô le, c'est de les dé terminer, de les


amener à l'existence mé dicale. Je les mets au lit et je regarde ce qui va
pouvoir en sortir: un tuberculeux, un né vropathe4, 'un arté riosclé reux5 ce
qu'on voudra, mais quelqu'un, bon Dieu! quelqu'un! Rien ne m'agace
comme cet ê tre ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien
portant**.

LE DOCTEUR. — Vous ne pouvez cependant pas mettre tout un canton au

lit!

KNOCK. — Cela se discuterait. Car j'ai connu, moi, cinq personnes delà
mê me famille, malades toutes à la fois, au lit toutes à la fois, et qui se
dé brouillaient fort bien. Votre objection me fait penser à ces fameux
é conomistes qui pré tendaient qu'une grande guerre moderne ne pourrait pas
durer plus de six semaines. La vé rité, c'est que nous manquons tous
d'audace, que personne, pas mê me moi, n'osera aller jusqu'au bout et mettre
toute une population au lit, pour voir, pour voir! Mais soit! je vous
accorderai qu'il faut des gens bien portants, ne serait-ce que pour soigner
les autres, ou former, à l'arriè re des malades en activité, une espè ce de
ré serve6 Ce que je n'aime pas, c'est que la santé prenne des airs de
provocation, car, alors, vous avouerez que c'est excessif. Nous fermons les
yeux sur un certain nombre de cas, nous laissons à un certain nombre de
gens leur masque de prospé rité. Mais s'ils viennent ensuite se pavaner7
devant nous et nous faire la nique8, je me fâ che. C'est arrivé ici pour M.
Raffalens.

LE DOCTEUR. — Ah! le colosse9? Celui qui se vante de porter sa belle-
mè re à bras tendu?

KNOCK. — Oui. Il m'a dé fié prè s de trois mois... Mais ç a y est.

LE DOCTEUR. — Quoi?

KNOCK. — II est au lit. Ses vantardises commenç aient à affaiblir l'esprit
mé dical de la population***.

Acte III, se. VI.

Примечания:

1. Кантон — административно-территориальная единица, в состав которой входит
несколько коммун. 2. Que voulez-vous dire, s'il vous plaî t? 3. Ригоризм, строгое соблю-
дение нравственных принципов или правил поведения. 4. Невропат. 5. Склеротик.
6. Резервы. 7. Держаться, как человек, танцующий павану, т.е. гордо, высокомерно.
8. Посмеиваться, насмехаться. 9. Колосс.


Вопросы:

* Jules Romains est le poè te de Vunanimisme, qu'illustre son œ uvre entiè re.

** Knoch obé it-il ici seulement à l'esprit de lucre? N'est-il pas é galement victime d'une
sorte de
dé formation professionnelle?

*** En quoi consiste la satire contenue dans cette scè ne? — Montrez que Knock n'est
pas une simple tpiice sur les mé decins», que le personnage auraUpuprospé rer dans les
affaires, la politique, ê fc.

EDOUARD BOURDET (1887 1944)

Avant d'ê tre nommé, en 1936, administrateur de la Comé die-Franç aise et d'y
introduire un souffle nouveau en faisant appel à des metteurs en scè ne comme
Dullin, Copeau, Jouvet, Pitoë ff, EDOUARD BOURDET s'é tait signalé comme un
des plus solides auteurs dramatiques de 1'entre-deux-guerres.
S'attaquant sans ré serve aux mœ urs de son é poque, il en a fait une satire
vigoureuse qui s'est exprimé e dans une douzaine de piè ces. La plus cé lè bre de
toutes dé peint les ravages exercé s par l'argent dans la haute bourgeoisie
d'affaires, quand celle-ci, touché e par une crise é conomique, traverse ce que
l'auteur appelle, non sans humour, des Temps difficiles.

LES TEMPS DIFFICILES (1934)

Milanie Laroche, veuve d'un grand industriel, se trouve brusquement ruiné e pour
n'avoir pas suffisamment surveillé ses affaires depuis la mort de son mari. Elle subit les
reproches de Jé rô me, son beau-frè re, qu'elle a entraî né dans sa ruine.

MÉ LANIE
Je suppose qu'on ne nous laissera pas mourir de faim.

JÉ RÔ ME
Qui: on?

MÉ LANIE

Eh bien, je ne sais pas, moi: les cré anciers... Quand ils verront que j'ai
donné tout ce que j'avais' et qu'il ne me reste plus rien...

JÉ RÔ ME
Qu'est-ce que vous imaginez? Qu'ils vont vous servir une rente?

MÉ LANIE
Enfin, quelque chose comme ç a... non?


JÉ RÔ ME

Ah! peut-ê tre bien... Et puis peut-ê tre aussi que le gouvernement ouvrira
pour vous une souscription nationale et qu'on mettra votre buste au
Panthé on2 Qui sait...

MÉ LANIE

Ne vous moquez pas de moi, Jé rô me! Je me rends compte que vous
n'approuvez pas ma dé cision, et je le regrette, mais, que voulez-vous!.. Je
me suis demandé, avant de la prendre, ce que mon mari ou l'un de ses
pré dé cesseurs auraient fait en pareille circonstance et je suis arrivé e à la
conviction qu'ils auraient agi exactement comme je le fais.

JÉ RÔ ME
Ah? Vous croyez?

MÉ LANIE

Je le crois, oui. Et Berlin4 aussi le croit. Il m'a dit qu'un geste comme
celui-là é tait tout à fait dans la tradition des Laroche.

JÉ RÔ ME
Il vous a dit ç a?

MÉ LANIE
Oui.

JÉ RÔ ME
C'est monstrueux!..

MÉ LANIE
Comment?

JÉ RÔ ME, é clatant.

Monstrueux, je vous dis!.. Ils doivent s'é trangler d'indignation dans leur
tombe, les Laroche, s'ils voient ce qui se passe!.. Ils vous maudissent et ils
vous renient, tous autant qu'ils sont, du premier au dernier!..

MARCEL5, avec reproche.

Jé rô me!

JÉ RÔ ME, continuant

D'abord, vous n'ê tes pas une Laroche! Vous ê tes une Montaigu6, et ç a se
voit! Si vous aviez dans les veines la plus petite-goutte de sang Laroche,
vous n'auriez pas fait ce que vous avez fait depuis quinze ans que, pour le


malheur des É tablissements Laroche, vous aviez hé rité les actions de votre
mari!

BOB7', voulant s'interposer.
M...m...m...

JÉ RÔ ME

Ah! non, vous, mon petit, fichez-moi la paix, n'est-ce pas9..
(A Mê lante:) Si vous é tiez une Laroche, une vraie, vous tiendriez de vos
ancê tres le respect qu'ils ont eu pour l'argent! Oui, pour l'argent!.. Ils ne le
jetaient pas par la fenê tre, eux, ils ne le gaspillaient pas comme vous, en
gestes inutiles: ils savaient que c'é tait dur à amasser et que ç a valait la
peine d'ê tre conservé, quand ce ne serait que par é gard pour leurs
pré dé cesseurs qui s'é taient é chiné s8 à le faire entrer dans la caisse! Ils ne
s'amusaient pas, ces gens-là; ils ne passaient pas leur temps à chercher
comment ils pourraient bien se distraire: ils travaillaient! Il faut choisir
dans la vie entre gagner de l'argent et le dé penser: on n'a pas le temps de
faire les deux*. Eux, ils choisissaient de le gagner. Et ils prenaient des
femmes de leur espè ce, des femmes qui leur ressemblaient, des femmes
laides et ennuyeuses, peut-ê tre, mais sages, é conomes, et capables de tenir
une maison. Pas des amoureuses, bien sû r, ni des mondaines assoiffé es de
ré ceptions: des é pouses, des mè res, des associé es!.. Leurs enfants n'é taient
pas toujours trè s beaux et leur inté rieur manquait de charme. Qu'est-ce que
ç a fait? La maison, on y va manger et dormir; pour se distraire, il y a le
bureau!.. Voilà ce que c'é taient que les Laroche! Ils é taient riches: ils le
mé ritaient... comme vous mé ritez d'ê tre pauvre, vous qui leur ressemblez si
peu!.. On dira que vous ê tes une victime de la crise, que c'est la crise qui
vous a ruiné e: allons donc!


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