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Voyage au centre de la terre 4 ñòðàíèöà






 

É tais-je ré signé? Pas encore. Cependant l’air frais du matin, les dé tails de la route rapidement renouvelé s par la vitesse du train me distrayaient de ma grande pré occupation.

 

Quant à la pensé e du professeur, elle devanç ait é videmment ce convoi trop lent au gré de son impatience. Nous é tions seuls dans le wagon, mais sans parler. Mon oncle revisitait ses poches et son sac de voyage avec une minutieuse attention. Je vis bien que rien ne lui manquait des piè ces né cessaires à l’exé cution de ses projets.

 

Entre autres, une feuille de papier, plié e avec soin, portait l’en-tê te de la chancellerie danoise, avec la signature de M. Christiensen, consul à Hambourg et l’ami du professeur. Cela devait nous donner toute facilité d’obtenir à Copenhague des recommandations pour le gouverneur de l’Islande.

 

J’aperç us aussi le fameux document pré cieusement enfoui dans la plus secrè te poche du portefeuille. Je le maudis du fond du cœ ur, et je me remis à examiner le pays. C’é tait une vaste suite de plaines peu curieuses, monotones, limoneuses et assez fé condes: une campagne trè s favorable à l’é tablissement d’un railway et propice à ces lignes droites si chè res aux compagnies de chemins de fer.

 

Mais cette monotonie n’eut pas le temps de ma fatiguer, car, trois heures aprè s notre dé part, le train s’arrê tait à Kiel, à deux pas de la mer.

 

Nos bagages é tant enregistré s pour Copenhague, il n’y eut pas à s’en occuper. Cependant le professeur les suivit d’un œ il inquiet pendant leur transport au bateau à vapeur. Là ils disparurent à fond de cale.

 

Mon oncle, dans sa pré cipitation, avait si bien calculé les heures de correspondance du chemin de fer et du bateau, qu’il nous restait une journé e entiè re à perdre. Le steamer l’ Ellenora ne partait pas avant la nuit. De là une fiè vre de neuf heures, pendant laquelle l’irascible voyageur envoya à tous les diables l’administration des bateaux et des railways et les gouvernements qui tolé raient de pareils abus. Je dus faire chorus avec lui quand il entreprit le capitaine de l’ Ellenora à ce sujet. Il voulait l’obliger à chauffer sans perdre un instant. L’autre l’envoya promener.

 

À Kiel, comme ailleurs, il faut bien qu’une journé e se passe. À force de nous promener sur les rivages verdoyants de la baie au fond de laquelle s’é lè ve la petite ville, de parcourir les bois touffus qui lui donnent l’apparence d’un nid dans un faisceau de branches, d’admirer les villas pourvues chacune de leur petite maison de bain froid, enfin de courir et de maugré er, nous atteignî mes dix heures du soir.

 

Les tourbillons de la fumé e de l’ Ellenora se dé veloppaient dans le ciel; le pont tremblotait sous les frissonnements de la chaudiè re; nous é tions à bord et proprié taires de deux couchettes é tagé es dans l’unique chambre du bateau.

 

À dix heures un quart les amarres furent largué es, et le steamer fila rapidement sur les sombres eaux du Grand Belt.

 

La nuit é tait noire; il y avait belle brise et forte mer; quelques feux de la cô te apparurent dans les té nè bres; plus tard, je ne sais, un phare à é clats é tincela au-dessus des flots; ce fut tout ce qui resta dans mon souvenir de cette premiè re traversé e.

 

À sept heures du matin nous dé barquions à Korsor, petite ville situé e sur la cô te occidentale du Seeland. Là nous sautions du bateau dans un nouveau chemin de fer qui nous emportait à travers un pays non moins plat que les campagnes du Holstein.

 

C’é tait encore trois heures de voyage avant d’atteindre la capitale du Danemark. Mon oncle n’avait pas fermé l’œ il de la nuit. Dans son impatience, je crois qu’il poussait le wagon avec ses pieds.

 

Enfin il aperç ut une é chappé e de mer.

 

«Le Sund!» s’é cria-t-il.

 

Il y avait sur notre gauche une vaste construction qui ressemblait à un hô pital.

 

«C’est une maison de fous, dit un de nos compagnons de voyage.»

 

«Bon, pensai-je, voilà un é tablissement où nous devrions finir nos jours! Et, si grand qu’il fû t, cet hô pital serait encore trop petit pour contenir toute la folie du professeur Lidenbrock!»

 

Enfin, à dix heures du matin, nous prenions pied à Copenhague; les bagages furent chargé s sur une voiture et conduits avec nous à l’hô tel du Phœ nix dans Bred-Gade. Ce fut l’affaire d’une demi-heure, car la gare est situé e en dehors de la ville. Puis mon oncle, faisant une toilette sommaire, m’entraî na à sa suite. Le portier de l’hô tel parlait l’allemand et l’anglais; mais le professeur, en sa qualité de polyglotte, l’interrogea en bon danois, et ce fut en bon danois que ce personnage lui indiqua la situation du Musé um des Antiquité s du Nord.

 

Le directeur de ce curieux é tablissement, où sont entassé es des merveilles qui permettraient de reconstruire l’histoire du pays avec ses vieilles armes de pierre, ses hanaps et ses bijoux, é tait un savant, l’ami du consul de Hambourg, M. le professeur Thomson.

 

Mon oncle avait pour lui une chaude lettre de recommandation. En gé né ral, un savant en reç oit assez mal un autre. Mais ici ce fut tout autrement. M. Thomson, en homme serviable, fit un cordial accueil au professeur Lidenbrock, et mê me à son neveu. Dire que notre secret fut gardé vis-à -vis de l’excellent directeur du Musé um, c’est à peine né cessaire. Nous voulions tout bonnement visiter l’Islande en amateurs dé sinté ressé s.

 

M. Thomson se mit entiè rement à notre disposition, et nous courû mes les quais afin de chercher un navire en partance.

 

J’espé rais que les moyens de transport manqueraient absolument; mais il n’en fut rien. Une petite goé lette danoise, la Valkyrie, devait mettre à la voile le 2 juin pour Reykjawik. Le capitaine, M. Bjarne, se trouvait à bord; son futur passager, dans sa joie, lui serra les mains à les briser. Ce brave homme fut un peu é tonné d’une pareille é treinte. Il trouvait tout simple d’aller en Islande, puisque c’é tait son mé tier. Mon oncle trouvait cela sublime. Le digne capitaine profita de cet enthousiasme pour nous faire payer double le passage sur son bâ timent. Mais nous n’y regardions pas de si prè s.

 

«Soyez à bord mardi, à sept heures du matin», dit M. Bjarne aprè s avoir empoché un nombre respectable de species-dollars.

 

Nous remerciâ mes alors M. Thomson de ses bons soins, et nous revî nmes à l’hô tel du Phœ nix.

 

«Cela va bien! cela va trè s bien, ré pé tait mon oncle. Quel heureux hasard d’avoir trouvé ce bâ timent prê t à partir! Maintenant dé jeunons, et allons visiter la ville.»

 

Nous nous rendî mes à Kongens-Nye-Torw, place irré guliè re où se trouve un poste avec deux innocents canons braqué s qui ne font peur à personne. Tout prè s, au n° 5, il y avait une «restauration» franç aise, tenue par un cuisinier nommé Vincent; nous y dé jeunâ mes suffisamment pour le prix modé ré de quatre marks chacun. [1]

 

Puis je pris un plaisir d’enfant à parcourir la ville; mon oncle se laissait promener; d’ailleurs il ne vit rien, ni l’insignifiant palais du roi, ni le joli pont du dix-septiè me siè cle qui enjambe le canal devant le Musé um, ni cet immense cé notaphe de Torwaldsen, orné de peintures murales horribles et qui contient à l’inté rieur les œ uvres de ce statuaire, ni, dans un assez beau parc, le châ teau bonbonniè re de Rosenborg, ni l’admirable é difice renaissance de la Bourse, ni son clocher fait avec les queues entrelacé es de quatre dragons de bronze, ni les grands moulins des remparts, dont les vastes ailes s’enflaient comme les voiles d’un vaisseau au vent de la mer.

 

Quelles dé licieuses promenades nous eussions faites, ma jolie Virlandaise et moi, du cô té du port où les deux-ponts et les fré gates dormaient paisiblement sous leur toiture rouge, sur les bords verdoyants du dé troit, à travers ces ombrages touffus au sein desquels se cache la citadelle, dont les canons allongent leur gueule noirâ tre entre les branches des sureaux et des saules!

 

Mais, hé las! elle é tait loin, ma pauvre Graü ben, et pouvais-je espé rer de la revoir jamais?

 

Cependant, si mon oncle ne remarqua rien de ces sites enchanteurs, il fut vivement frappé par la vue d’un certain clocher situé dans l’î le d’Amak, qui forme le quartier sud-ouest de Copenhague.

 

Je reç us l’ordre de diriger nos pas de ce cô té; je montai dans une petite embarcation à vapeur qui faisait le service des canaux, et, en quelques instants, elle accosta le quai de Dock-Yard.

 

Aprè s avoir traversé quelques rues é troites où des galé riens, vê tus de pantalons mi-partie jaunes et gris, travaillaient sous le bâ ton des argousins, nous arrivâ mes devant Vor-Frelsers-Kirk. Cette é glise n’offrait rien de remarquable. Mais voici pourquoi son clocher assez é levé avait attiré l’attention du professeur: à partir de la plate-forme, un escalier exté rieur circulait autour de sa flè che, et ses spirales se dé roulaient en plein ciel.

 

«Montons, dit mon oncle.

 

– Mais, le vertige? ré pliquai-je.

 

– Raison de plus, il faut s’y habituer.

 

– Cependant…

 

– Viens, te dis-je, ne perdons pas de temps.»

 

Il fallut obé ir. Un gardien, qui demeurait de l’autre cô té de la rue, nous remit une clef, et l’ascension commenç a.

 

Mon oncle me pré cé dait d’un pas alerte. Je le suivais non sans terreur, car la tê te me tournait avec une dé plorable facilité. Je n’avais ni l’aplomb des aigles ni l’insensibilité de leurs nerfs.

 

Tant que nous fû mes emprisonné s dans la vis inté rieure, tout alla bien; mais aprè s cent cinquante marches l’air vint me frapper au visage, nous é tions parvenus à la plate-forme du clocher. Là commenç ait l’escalier aé rien, gardé par une frê le rampe, et dont les marches, de plus en plus é troites, semblaient monter vers l’infini.

 

«Je ne pourrai jamais! m’é criai-je.

 

– Serais-tu poltron, par hasard? Monte!» ré pondit impitoyablement le professeur.

 

Force fut de le suivre en me cramponnant. Le grand air m’é tourdissait; je sentais le clocher osciller sous les rafales; mes jambes se dé robaient; je grimpai bientô t sur les genoux, puis sur le ventre; je fermais les yeux; j’é prouvais le mal de l’espace.

 

Enfin, mon oncle me tirant par le collet, j’arrivai prè s de la boule.

 

«Regarde, me dit-il, et regarde bien! il faut prendre des leç ons d’abî me!»

 

J’ouvris les yeux. J’aperç us les maisons aplaties et comme é crasé es par une chute, au milieu du brouillard des fumé es. Au-dessus de ma tê te passaient des nuages é chevelé s, et, par un renversement d’optique, ils me paraissaient immobiles, tandis que le clocher, la boule, moi, nous é tions entraî né s avec une fantastique vitesse. Au loin, d’un cô té s’é tendait la campagne verdoyante; de l’autre é tincelait la mer sous un faisceau de rayons. Le Sund se dé roulait à la pointe d’Elseneur, avec quelques voiles blanches, vé ritables ailes de goé land, et dans la brume de l’est ondulaient les cô tes à peine estompé es de la Suè de. Toute cette immensité tourbillonnait à mes regards.

 

Né anmoins il fallut me lever, me tenir droit et regarder. Ma premiè re leç on de vertige dura une heure. Quand enfin il me fut permis de redescendre et de toucher du pied le pavé solide des rues, j’é tais courbaturé.

 

«Nous recommencerons demain», dit mon professeur.

 

Et en effet, pendant cinq jours, je repris cet exercice vertigineux, et, bon gré mal gré, je fis des progrè s sensibles dans l’art «des hautes contemplations».

 

IX

Le jour du dé part arriva. La veille, le complaisant M. Thomson nous avait apporté des lettres de recommandations pressantes pour le comte Trampe, gouverneur de l’Islande, M. Pietursson, le coadjuteur de l’é vê que, et M. Finsen, maire de Reykjawik. En retour, mon oncle lui octroya les plus chaleureuses poigné es de main.

 

Le 2, à six heures du matin, nos pré cieux bagages é taient rendus à bord de la Valkyrie. Le capitaine nous conduisit à des cabines assez é troites et disposé es sous une espè ce de rouffle.

 

«Avons-nous bon vent? demanda mon oncle.

 

– Excellent, ré pondit le capitaine Bjarne; un vent de sud-est. Nous allons sortir du Sund grand largue et toutes voiles dehors.»

 

Quelques instants plus tard, la goé lette, sous sa misaine, sa brigantine, son hunier et son perroquet, appareilla et donna à pleine toile dans le dé troit. Une heure aprè s la capitale du Danemark semblait s’enfoncer dans les flots é loigné s et la Valkyrie rasait la cô te d’Elseneur. Dans la disposition nerveuse où je me trouvais, je m’attendais à voir l’ombre d’Hamlet errant sur la terrasse lé gendaire.

 

«Sublime insensé! disais-je, tu nous approuverais sans doute! tu nous suivrais peut-ê tre pour venir au centre du globe chercher une solution à ton doute é ternel!»

 

Mais rien ne parut sur les antiques murailles; le châ teau est, d’ailleurs, beaucoup plus jeune que l’hé roï que prince de Danemark. Il sert maintenant de loge somptueuse au portier de ce dé troit du Sund où passent chaque anné e quinze mille navires de toutes les nations.

 

Le châ teau de Krongborg disparut bientô t dans la brume, ainsi que la tour d’Helsinborg, é levé e sur la rive sué doise, et la goé lette s’inclina lé gè rement sous les brises du Catté gat.

 

La Valkyrie é tait fine voiliè re, mais avec un navire à voiles on ne sait jamais trop sur quoi compter. Elle transportait à Reykjawik du charbon, des ustensiles de mé nage, de la poterie, des vê tements de laine et une cargaison de blé; cinq hommes d’é quipage, tous Danois, suffisaient à la manœ uvrer.

 

«Quelle sera la duré e de la traversé e? demanda mon oncle au capitaine.

 

– Une dizaine de jours, ré pondit ce dernier, si nous ne rencontrons pas trop de grains de nord-ouest par le travers des Feroë.

 

– Mais, enfin, vous n’ê tes pas sujet à é prouver des retards considé rables?

 

– Non, monsieur Lidenbrock; soyez tranquille, nous arriverons.»

 

Vers le soir la goé lette doubla le cap Skagen à la pointe nord du Danemark, traversa pendant la nuit le Skager-Rak, rangea l’extré mité de la Norvè ge par le travers du cap Lindness et donna dans la mer du Nord.

 

Deux jours aprè s, nous avions connaissance des cô tes d’É cosse à la hauteur de Peterheade, et la Valkyrie se dirigea vers les Feroë en passant entre les Orcades et les Seethland. <

 

Bientô t notre goé lette fut battue par les vagues de l’Atlantique; elle dut louvoyer contre le vent du nord et n’atteignit pas sans peine les Feroë. Le 3, le capitaine reconnut Myganness, la plus orientale de ces î les, et, à partir de ce moment, il marcha droit au cap Portland, situé sur la cô te mé ridionale de l’Islande.

 

La traversé e n’offrit aucun incident remarquable. Je supportai assez bien les é preuves de la mer; mon oncle, à son grand dé pit, et à sa honte plus grande encore, ne cessa pas d’ê tre malade.

 

Il ne put donc entreprendre le capitaine Bjarne sur la question du Sneffels, sur les moyens de communication, sur les facilité s de transport; il dut remettra ses explications à son arrivé e et passa tout son temps é tendu dans sa cabine, dont les cloisons craquaient par les grands coups de tangage. Il faut l’avouer, il mé ritait un peu son sort.

 

Le 11, nous relevâ mes le cap Portland; le temps, clair alors, permit d’apercevoir le Myrdals Yocul, qui le domine. Le cap se compose d’un gros morne à pentes roides, et planté tout seul sur la plage.

 

La Valkyrie se tint à une distance raisonnable des cô tes, en les prolongeant vers l’ouest, au milieu de nombreux troupeaux de baleines et de requins. Bientô t apparut un immense rocher percé à jour, au travers duquel la mer é cumeuse donnait avec furie. Les î lots de Westman semblè rent sortir de l’Océ an, comme une semé e de rocs sur la plaine liquide. À partir de ce moment, la goé lette prit du champ pour tourner à bonne distance le cap Reykjaness, qui ferme l’angle occidental de l’Islande.

 

La mer, trè s forte, empê chait mon oncle de monter sur le pont pour admirer ces cô tes dé chiqueté es et battues par les vents du sud-ouest.

 

Quarante-huit heures aprè s, en sortant d’une tempê te qui forç a la goé lette de fuir à sec de toile, on releva dans l’est la balise de la pointe de Skagen, dont les roches dangereuses se prolongent à une grande distance sous les flots. Un pilote islandais vint à bord, et, trois heures plus tard, la Valkyrie mouillait devant Reykjawik, dans la baie de Faxa.

 

Le professeur sortit enfin de sa cabine, un peu pâ le, un peu dé fait, mais toujours enthousiaste, et avec un regard de satisfaction dans les yeux.

 

La population de la ville, singuliè rement inté ressé e par l’arrivé e d’un navire dans lequel chacun a quelque chose à prendre, se groupait sur le quai.

 

Mon oncle avait hâ te d’abandonner sa prison flottante, pour ne pas dire son hô pital. Mais avant de quitter le pont de la goé lette, il m’entraî na à l’avant, et là, du doigt, il me montra, à la partie septentrionale de la baie, une haute montagne à deux pointes, un double cô ne couvert de neiges é ternelles.

 

«Le Sneffels! s’é cria-t-il, le Sneffels!»

 

Puis, aprè s m’avoir recommandé du geste un silence absolu, il descendit dans le canot qui l’attendait. Je le suivis, et bientô t nous foulions du pied le sol de l’Islande.

 

Tout d’abord apparut un homme de bonne figure et revê tu d’un costume de gé né ral. Ce n’é tait cependant qu’un simple magistrat, le gouverneur de l’î le, M. le baron Trampe en personne. Le professeur reconnut à qui il avait affaire. Il remit au gouverneur ses lettres de Copenhague, et il s’é tablit en danois une courte conversation à laquelle je demeurai absolument é tranger, et pour cause. Mais de ce premier entretien il ré sulta ceci: que le baron Trampe se mettait entiè rement à la disposition du professeur Lidenbrock.

 

Mon oncle reç ut un accueil fort aimable du maire, M. Finson, non moins militaire par le costume que le gouverneur, mais aussi pacifique par tempé rament et par é tat. Quant au coadjuteur, M. Pictursson, il faisait actuellement une tourné e é piscopale dans le Bailliage du Nord; nous devions renoncer provisoirement à lui ê tre pré senté s. Mais un charmant homme, et dont le concours nous devint fort pré cieux, ce fut M. Fridriksson, professeur de sciences naturelles à l’é cole de Reykjawik. Ce savant modeste ne parlait que l’islandais et le latin; il vint m’offrir ses services dans la langue d’Horace, et je sentis que nous é tions faits pour nous comprendre. Ce fut, en effet, le seul personnage avec lequel je pus m’entretenir pendant mon sé jour en Islande.

 

Sur trois chambres dont se composait sa maison, cet excellent homme en mit deux à notre disposition, et bientô t nous y fû mes installé s avec nos bagages, dont la quantité é tonna un peu les habitants de Reykjawik.

 

«Eh bien, Axel, me dit mon oncle, cela va, et le plus difficile est fait.

 

– Comment, le plus difficile? m’é criai-je.

 

– Sans doute, nous n’avons plus qu’à descendre!

 

– Si vous le prenez ainsi, vous avez raison; mais enfin, aprè s avoir descendu, il faudra remonter, j’imagine?

 

– Oh! cela ne m’inquiè te guè re! Voyons! il n’y a pas de temps à perdre. Je vais me rendre à la bibliothè que. Peut-ê tre s’y trouve-t-il quelque manuscrit de Saknussemm, et je serais bien aise de le consulter.

 

– Alors, pendant ce temps, je vais visiter la ville. Est-ce que vous n’en ferez pas autant?

 

– Oh! cela m’inté resse mé diocrement. Ce qui est curieux dans cette terre d’Islande n’est pas dessus, mais dessous.»

 

Je sortis et j’errai au hasard.

 

S’é garer dans les deux rues de Reykjawik n’eû t pas é té chose facile. Je ne fus donc pas obligé de demander mon chemin, ce qui, dans la langue des gestes, expose à beaucoup de mé comptes.

 

La ville s’allonge sur un sol assez bas et maré cageux, entre deux collines. Une immense coulé e de laves la couvre d’un cô té et descend en rampes assez douces vers la mer. De l’autre s’é tend cette vaste baie de Faxa, borné e au nord par l’é norme glacier du Sneffels, et dans laquelle la Valkyrie se trouvait seule à l’ancre en ce moment. Ordinairement les gardes-pê che anglais et franç ais s’y tiennent mouillé s au large; mais ils é taient alors en service sur les cô tes orientales de l’î le.

 

La plus longue des deux rues de Reykjawik est parallè le au rivage; là demeurent les marchands et les né gociants, dans des cabanes de bois faites de poutres rouges horizontalement disposé es; l’autre rue, situé e plus à l’ouest, court vers un petit lac, entre les maisons de l’é vê que et des autres personnages é trangers au commerce.

 

J’eus bientô t arpenté ces voies mornes et tristes; j’entrevoyais parfois un bout de gazon dé coloré, comme un vieux tapis de laine râ pé par l’usage, ou bien quelque apparence de verger, dont les rares lé gumes, pommes de terre, choux et laitues, eussent figuré à l’aise sur une table lilliputienne; quelques giroflé es maladives essayaient aussi de prendre un petit air de soleil.

 

Vers le milieu de la rue non commerç ante, je trouvai le cimetiè re public enclos d’un mur en terre, et dans lequel la place ne manquait pas. Puis, en quelques enjambé es, j’arrivai à la maison du gouverneur, une masure comparé e à l’hô tel de ville de Hambourg, un palais auprè s des huttes de la population islandaise.

 

Entre le petit lac et la ville s’é levait l’é glise, bâ tie dans le goû t protestant et construite en pierres calciné es dont les volcans font eux-mê mes les frais d’extraction; par les grands vents d’ouest, son toit de tuiles rouges devait é videmment se disperser dans les airs au grand dommage des fidè les.

 

Sur une é minence voisine, j’aperç us l’É cole nationale, où, comme je l’appris plus tard de notre hô te, on professait l’hé breu, l’anglais, le franç ais et le danois, quatre langues dont, à ma honte, je ne connaissais pas le premier mot. J’aurais é té le dernier des quarante é lè ves que comptait ce petit collè ge, et indigne de coucher avec eux dans ces armoires à deux compartiments où de plus dé licats é toufferaient dè s la premiè re nuit.

 

En trois heures j’eus visité non seulement la villa, mais ses environs. L’aspect gé né ral en é tait singuliè rement triste. Pas d’arbres, pas de vé gé tation, pour ainsi dire. Partout les arê tes vives des roches volcaniques. Les huttes des Islandais sont faites de terre et de tourbe, et leurs murs incliné s en dedans; elles ressemblent à des toits posé s sur le sol. Seulement ces toits sont des prairies relativement fé condes. Grâ ce à la chaleur de l’habitation, l’herbe y pousse avec assez de perfection, et on la fauche soigneusement à l’é poque de la fenaison, sans quoi les animaux domestiques viendraient paî tre sur ces demeures verdoyantes.

 

Pendant mon excursion, je rencontrai peu d’habitants; en revenant de la rue commerç ante, je vis la plus grande partie de la population occupé e à sé cher, saler et charger des morues, principal article d’exportation. Les hommes paraissaient robustes, mais lourds, des espè ces d’Allemands blonds, à l’œ il pensif, qui se sentent un peu en dehors de l’humanité, pauvres exilé s relé gué s sur cette terre de glace, dont la nature aurait bien dû faire des Esquimaux, puisqu’elle les condamnait à vivre sur la limite du cercle polaire! J’essayais en vain de surprendre un sourire sur leur visage; ils riaient quelquefois par une sorte de contraction involontaire des muscles, mais ils ne souriaient jamais.

 

Leur costume consistait en une grossiè re vareuse de laine noire connue dans tous les pays scandinaves sous le nom de «vadmel», un chapeau à vastes bords, un pantalon à lisé ré rouge et un morceau de cuir replié en maniè re de chaussure.

 

Les femmes, à figure triste et ré signé e, d’un type assez agré able, mais sans expression, é taient vê tues d’un corsage et d’une jupe de «vadmel» sombre: filles, elles portaient sur leurs cheveux tressé s en guirlandes un petit bonnet de tricot brun; marié es, elles entouraient leur tê te d’un mouchoir de couleur, surmonté d’un cimier de toile blanche.

 

Aprè s une bonne promenade, lorsque je rentrai dans la maison de M. Fridriksson, mon oncle s’y trouvait dé jà en compagnie de son hô te.

 

X

Le dî ner é tait prê t; il fut dé voré avec avidité par le professeur Lidenbrock, dont la diè te forcé e du bord avait changé l’estomac en un gouffre profond. Ce repas, plus danois qu’islandais, n’eut rien de remarquable en lui-mê me; mais notre hô te, plus islandais que danois, me rappela les hé ros de l’antique hospitalité. Il me parut é vident que nous é tions chez lui plus que lui-mê me.


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