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Voyage au centre de la terre 6 ñòðàíèöà






 

Deux heures aprè s avoir quitté Reykjawik, nous arrivions au bourg de Gufunes, appelé «Aoalkirkja» ou É glise principale. Il n’offrait rien de remarquable. Quelques maisons seulement. À peine de quoi faire un hameau de l’Allemagne.

 

Hans s’y arrê ta une demi-heure; il partagea notre frugal dé jeuner, ré pondit par oui et par non aux questions de mon oncle sur la nature de la route, et lorsqu’on lui demanda en quel endroit il comptait passer la nuit:

 

«Gardä r» dit-il seulement.

 

Je consultai la carte pour savoir ce qu’é tait Gardä r. Je vis une bourgade de ce nom sur les bords du Hvaljö rd, à quatre milles de Reykjawik. Je la montrai à mon oncle.

 

«Quatre milles seulement! dit-il. Quatre milles sur vingt-deux! Voilà une jolie promenade.»

 

Il voulut faire une observation au guide, qui, sans lui ré pondre, reprit la tê te des chevaux et se remit en marche.

 

Trois heures plus tard, toujours en foulant le gazon dé coloré des pâ turages, il fallut contourner le Kollafjö rd, dé tour plus facile et moins long qu’une traversé e de ce golfe; bientô t nous entrions dans un «pingstaœ r», lieu de juridiction communale, nommé Ejulberg, et dont le clocher eû t sonné midi, si les é glises islandaises avaient é té assez riches pour possé der une horloge; mais elles ressemblent fort à leurs paroissiens, qui n’ont pas de montres, et qui s’en passent.

 

Là les chevaux furent rafraî chis; puis, prenant par un rivage resserré entre une chaî ne de collines et la mer, ils nous portè rent d’une traite à l’«aoalkirkja» de Brantä r, et un mille plus loin à Saurbö er «Annexia», é glise annexe, situé e sur la rive mé ridionale du Hvalfjö rd.

 

Il é tait alors quatre heures du soir; nous avions franchi quatre milles. [7]

 

Le fjö rd é tait large en cet endroit d’un demi-mille au moins; les vagues dé ferlaient avec bruit sur les rocs aigus; ce golfe s’é vasait entre des murailles de rochers, sorte d’escarpe à pic haute de trois mille pieds et remarquable par ses couches brunes que sé paraient des lits de tuf d’une nuance rougeâ tre. Quelle que fû t l’intelligence de nos chevaux, je n’augurais pas bien de la traversé e d’un vé ritable bras de mer opé ré e sur le dos d’un quadrupè de.

 

«S’ils sont intelligents, dis-je, ils n’essayeront point de passer. En tout cas, je me charge d’ê tre intelligent pour eux.»

 

Mais mon oncle ne voulait pas attendre; il piqua des deux vers le rivage. Sa monture vint flairer la derniè re ondulation des vagues et s’arrê ta. Mon oncle, qui avait son instinct à lui, la pressa d’avancer. Nouveau refus de l’animal, qui secoua la tê te. Alors jurons et coups de fouet, mais ruades de la bê te, qui commenç a à dé sarç onner son cavalier. Enfin le petit cheval, ployant ses jarrets, se retira des jambes du professeur et le laissa tout droit planté sur deux pierres du rivage, comme le colosse de Rhodes.

 

«Ah! maudit animal! s’é cria le cavalier, subitement transformé en pié ton et honteux comme un officier de cavalerie qui passerait fantassin.

 

– Fä rja, fit le guide en lui touchant l’é paule.

 

– Quoi! un bac?

 

– Der, ré pondit Hans en montrant un bateau.

 

– Oui, m’é criai-je, il y a un bac.

 

– Il fallait donc le dire! Eh bien, en route!

 

– Tidvatten, reprit le guide.

 

– Que dit-il?

 

– Il dit maré e, ré pondit mon oncle en me traduisant le mot danois.

 

– Sans doute, il faut attendre la maré e?

 

– Fö rbida? demanda mon oncle.

 

– Ja», ré pondit Hans.

 

Mon oncle frappa du pied, tandis que les chevaux se dirigeaient vers le bac.

 

Je compris parfaitement la né cessité d’attendre un certain instant de la maré e pour entreprendre la traversé e du fjö rd, celui où la mer, arrivé e à sa plus grande hauteur, est é tale. Alors le flux et le reflux n’ont aucune action sensible, et le bac ne risque pas d’ê tre entraî né, soit au fond du golfe, soit en plein Océ an.

 

L’instant favorable n’arriva qu’à six heures du soir; mon oncle, moi, le guide, deux passeurs et les quatre chevaux, nous avions pris place dans une sorte de barque plate assez fragile. Habitué que j’é tais aux bacs à vapeur de l’Elbe, je trouvai les rames des bateliers un triste engin mé canique. Il fallut plus d’une heure pour traverser le fjö rd; mais enfin le passage se fit sans accident.

 

Une demi-heure aprè s, nous atteignions l’«aoalkirkja» de Gardä r.

 

XIII

Il aurait dû faire nuit, mais sous le soixante-cinquiè me parallè le, la clarté diurne des ré gions polaires ne devait pas m’é tonner; en Islande, pendant les mois de juin et juillet, le soleil ne se couche pas.

 

Né anmoins la tempé rature s’é tait abaissé e; j’avais froid, et surtout faim. Bienvenu fut le «bö er» qui s’ouvrit hospitaliè rement pour nous recevoir.

 

C’é tait la maison d’un paysan, mais, en fait d’hospitalité, elle valait celle d’un roi. À notre arrivé e, le maî tre vint nous tendre la main, et, sans plus de cé ré monie, il nous fit signe de le suivre.

 

Le suivre, en effet, car l’accompagner eû t é té impossible. Un passage long, é troit, obscur, donnait accè s dans cette habitation construite en poutres à peine é quarries et permettait d’arriver à chacune des chambres; celles-ci é taient au nombre de quatre: la cuisine, l’atelier de tissage, la «badstofa», chambre à coucher de la famille, et, la meilleure entre toutes, la chambre des é trangers. Mon oncle, à la taille duquel on n’avait pas songé en bâ tissant la maison, ne manqua pas de donner trois ou quatre fois de la tê te contre les saillies du plafond.

 

On nous introduisit dans notre chambre, sorte de grande salle avec un sol de terre battue et é clairé e d’une fenê tre dont les vitres é taient faites de membranes de mouton assez peu transparentes. La literie se composait de fourrage sec jeté dans deux cadres de bois peints en rouge et orné s de sentences islandaises. Je ne m’attendais pas à ce confortable; seulement, il ré gnait dans cette maison une forte odeur de poisson sec, de viande macé ré e et de lait aigre dont mon odorat se trouvait assez mal.

 

Lorsque nous eû mes mis de cô té notre harnachement de voyageurs, la voix de l’hô te se fit entendre, qui nous conviait à passer dans la cuisine, seule piè ce où l’on fit du feu, mê me par les plus grands froids.

 

Mon oncle se hâ ta d’obé ir à cette amicale injonction. Je le suivis.

 

La cheminé e de la cuisine é tait d’un modè le antique; au milieu de la chambre, une pierre pour tout foyer; au toit, un trou par lequel s’é chappait la fumé e. Cette cuisine servait aussi de salle à manger.

 

À notre entré e, l’hô te, comme s’il ne nous avait pas encore vus, nous salua du mot «saellvertu», qui signifie «soyez heureux», et il vint nous baiser sur la joue.

 

Sa femme, aprè s lui, prononç a les mê mes paroles, accompagné es du mê me cé ré monial; puis les deux é poux, plaç ant la main droite sur leur cœ ur, s’inclinè rent profondé ment.

 

Je me hâ te de dire que l’Islandaise é tait mè re de dix-neuf enfants, tous, grands et petits, grouillant pê le-mê le au milieu des volutes de fumé e dont le foyer remplissait la chambre. À chaque instant j’apercevais une petite tê te blonde et un peu mé lancolique sortir de ce brouillard. On eû t dit une guirlande d’anges insuffisamment dé barbouillé s.

 

Mon oncle et moi, nous fî mes trè s bon accueil à cette «couvé e», et bientô t il y eut trois ou quatre de ces marmots sur nos é paules, autant sur nos genoux et le reste entre nos jambes. Ceux qui parlaient ré pé taient «saellvertu» dans tous les tons imaginables. Ceux qui ne parlaient pas n’en criaient que mieux.

 

Ce concert fut interrompu par l’annonce du repas. En ce moment rentra le chasseur, qui venait de pourvoir à la nourriture des chevaux, c’est-à -dire qu’il les avait é conomiquement lâ ché s à travers champs; les pauvres bê tes devaient se contenter de brouter la mousse rare des rochers, quelques fucus peu nourrissants, et le lendemain elles ne manqueraient pas de venir d’elles-mê mes reprendre le travail de la veille.

 

«Saellvertu», fit Hans en entrant.

 

Puis tranquillement, automatiquement, sans qu’un baiser fû t plus accentué que l’autre, il embrassa l’hô te, l’hô tesse et leurs dix-neuf enfants.

 

La cé ré monie terminé e, on se mit à table, au nombre de vingt-quatre, et par consé quent les uns sur les autres, dans le vé ritable sens de l’expression. Les plus favorisé s n’avaient que deux marmots sur les genoux.

 

Cependant le silence se fit dans ce petit monde à l’arrivé e de la soupe, et la taciturnité naturelle, mê me aux gamins islandais, reprit son empire. L’hô te nous servit une soupe au lichen et point dé sagré able, puis une é norme portion de poisson sec nageant dans du beurre aigri depuis vingt ans, et par consé quent bien pré fé rable au beurre frais, d’aprè s les idé es gastronomiques de l’Islande. Il y avait avec cela du «skyr», sorte de lait caillé, accompagné de biscuit et relevé par du jus de baies de geniè vre; enfin, pour boisson, du petit lait mê lé d’eau, nommé «blanda» dans le pays. Si cette singuliè re nourriture é tait bonne ou non, c’est ce dont je ne pus juger. J’avais faim, et, au dessert, j’avalai jusqu’à la derniè re bouché e une é paisse bouillie de sarrasin.

 

Le repas terminé, les enfants disparurent; les grandes personnes entourè rent le foyer où brû laient de la tourbe, des bruyè res, du fumier de vache et des os de poissons dessé ché s. Puis, aprè s cette «prise de chaleur», les divers groupes regagnè rent leurs chambres respectives. L’hô tesse offrit de nous retirer, suivant la coutume, nos bas et nos pantalons; mais, sur un refus des plus gracieux de notre part, elle n’insista pas, et je pus enfin me blottir dans ma couche de fourrage.

 

Le lendemain, à cinq heures, nous faisions nos adieux au paysan islandais; mon oncle eut beaucoup de peine à lui faire accepter une ré muné ration convenable, et Hans donna le signal du dé part.

 

À cent pas de Gardä r, le terrain commenç a à changer d’aspect; le sol devint maré cageux et moins favorable à la marche. Sur la droite, la sé rie des montagnes se prolongeait indé finiment comme un immense systè me de fortifications naturelles, dont nous suivions la contrescarpe: souvent des ruisseaux se pré sentaient à franchir qu’il fallait né cessairement passer à gué et sans trop mouiller les bagages.

 

Le dé sert se faisait de plus en plus profond; quelquefois, cependant, une ombre humaine semblait fuir au loin; si les dé tours de la route nous rapprochaient inopiné ment de l’un de ces spectres, j’é prouvais un dé goû t soudain à la vue d’une tê te gonflé e, à peau luisante, dé pourvue de cheveux, et de plaies repoussantes que trahissaient les dé chirures de misé rables haillons.

 

La malheureuse cré ature ne venait pas tendre sa main dé formé e; elle se sauvait, au contraire, mais pas si vite que Hans ne l’eû t salué e du «saellvertu» habituel.

 

«Spetelsk», disait-il.

 

– Un lé preux!» ré pé tait mon oncle.

 

Et ce mot seul produisait son effet ré pulsif. Cette horrible affection de la lè pre est assez commune en Islande; elle n’est pas contagieuse, mais hé ré ditaire; aussi le mariage est-il interdit à ces misé rables.

 

Ces apparitions n’é taient pas de nature à é gayer le paysage qui devenait profondé ment triste; les derniè res touffes d’herbes venaient mourir sous nos pieds. Pas un arbre, si ce n’est quelques bouquets de bouleaux nains semblables à des broussailles. Pas un animal, sinon quelques chevaux, de ceux que leur maî tre ne pouvait nourrir, et qui erraient sur les mornes plaines. Parfois un faucon planait dans les nuages gris et s’enfuyait à tire-d’aile vers les contré es du sud; je me laissais aller à la mé lancolie de cette nature sauvage, et mes souvenirs me ramenaient à mon pays natal.

 

Il fallut bientô t traverser plusieurs petits fjö rds sans importance, et enfin un vé ritable golfe; la maré e, é tale alors, nous permit de passer sans attendre et de gagner le hameau d’Alftanes, situé un mille au delà.

 

Le soir, aprè s avoir coupé à gué deux riviè res riches en truites et en brochets, l’Alfa et l’Heta, nous fû mes obligé s de passer la nuit dans une masure abandonné e, digne d’ê tre hanté e par tous les lutins de la mythologie scandinave; à coup sû r le gé nie du froid y avait é lu domicile, et il fî t des siennes pendant toute la nuit.

 

La journé e suivante ne pré senta aucun incident particulier. Toujours mê me sol maré cageux, mê me uniformité, mê me physionomie triste. Le soir, nous avions franchi la moitié de la distance à parcourir, et nous couchions à «l’annexia» de Krö solbt.

 

Le 19 juin, pendant un mille environ, un terrain de lave s’é tendit sous nos pieds; cette disposition du sol est appelé e «hraun» dans le pays: la lave ridé e à la surface affectait des formes de câ bles tantô t allongé s, tantô t roulé s sur eux-mê mes; une immense coulé e descendait des montagnes voisines, volcans actuellement é teints, mais dont ces dé bris attestaient la violence passé e. Cependant quelques fumé es de source chaudes rampaient ç a et là.

 

Le temps nous manquait pour observer ces phé nomè nes; il fallait marcher; bientô t le sol maré cageux reparut sous le pied de nos montures; de petits lacs l’entrecoupaient. Notre direction é tait alors à l’ouest; nous avions en effet tourné la grande baie de Faxa, et la double cime blanche du Sneffels se dressait dans les nuages à moins de cinq milles.

 

Les chevaux marchaient bien; les difficulté s du sol ne les arrê taient pas; pour mon compte, je commenç ais à devenir trè s fatigué; mon oncle demeurait ferme et droit comme au premier jour; je ne pouvais m’empê cher de l’admirer à l’é gal du chasseur, qui regardait cette expé dition comme une simple promenade.

 

Le samedi 20 juin, à six heures du soir, nous atteignions Bü dir, bourgade situé e sur le bord de la mer, et le guide ré clamait sa paye convenue. Mon oncle ré gla avec lui. Ce fut la famille mê me de Hans, c’est-à -dire ses oncles et cousins germains, qui nous offrit l’hospitalité; nous fû mes bien reç us, et sans abuser des bonté s de ces braves gens, je me serais volontiers refait chez eux des fatigues du voyage. Mais mon oncle, qui n’avait rien à refaire, ne l’entendait pas ainsi, et le lendemain il fallut enfourcher de nouveau nos bonnes bê tes.

 

Le sol se ressentait du voisinage de la montagne dont les racines de granit sortaient de terre, comme celles d’un vieux chê ne. Nous contournions l’immense base du volcan. Le professeur ne le perdait pas des yeux; il gesticulait, il semblait le prendre au dé fi et dire: «Voilà donc le gé ant que je vais dompter!» Enfin, aprè s vingt-quatre heures de marche, les chevaux s’arrê tè rent d’eux-mê mes à la porte du presbytè re de Stapi.

 

XIV

Stapi est une bourgade formé e d’une trentaine de huttes, et bâ tie en pleine lave sous les rayons du soleil ré flé chis par le volcan. Elle s’é tend au fond d’un petit fjord encaissé dans une muraille du plus é trange effet.

 

On sait que le basalte est une roche brune d’origine igné e. Elle affecte des formes ré guliè res qui surprennent par leur disposition. Ici la nature procè de gé omé triquement et travaille à la maniè re humaine, comme si elle eû t manié l’é querre, le compas et le fil à plomb. Si partout ailleurs elle fait de l’art avec ses grandes masses jeté es sans ordre, ses cô nes à peine é bauché s, ses pyramides imparfaites, avec la bizarre succession de ses lignes, ici, voulant donner l’exemple de la ré gularité, et pré cé dant les architectes des premiers â ges, elle a cré é un ordre sé vè re, que ni les splendeurs de Babylone ni les merveilles de la Grè ce n’ont jamais dé passé.

 

J’avais bien entendu parler de la Chaussé e dos Gé ants en Irlande, et de la Grotte de Fingal dans l’une des Hé brides, mais le spectacle d’une substruction basaltique ne s’é tait pas encore offert à mes regards.

 

Or, à Stapi, ce phé nomè ne apparaissait dans toute sa beauté.

 

La muraille du fjö rd, comme toute la cô te de la presqu’î le, se composait d’une suite de colonnes verticales, hautes de trente pieds. Ces fû ts droits et d’une proportion pure supportaient une archivolte, faite de colonnes horizontales dont le surplombement formait demi-voû te au-dessus de la mer. À de certains intervalles, et sous cet impluvium naturel, l’œ il surprenait des ouvertures ogivales d’un dessin admirable, à travers lesquelles les flots du large venaient se pré cipiter en é cumant. Quelques tronç ons de basalte, arraché s par les fureurs de l’Océ an, s’allongeaient sur le sol comme les dé bris d’un temple antique, ruines é ternellement jeunes, sur lesquelles passaient les siè cles sans les entamer.

 

Telle é tait la derniè re é tape de notre voyage terrestre. Hans nous y avait conduits avec intelligence, et je me rassurais un peu en songeant qu’il devait nous accompagner encore.

 

En arrivant à la porte de la maison du recteur, simple cabane basse, ni plus belle, ni plus confortable que ses voisines, je vis un homme en train de ferrer un cheval, le marteau à la main, et le tablier de cuir aux reins.

 

«Saelvertu, lui dit le chasseur.

 

– God dag, ré pondit le maré chal-ferrant en parfait danois.

 

– Kyrkoherde, fit Hans en se retournant vers mon oncle.

 

– Le recteur! ré pé ta ce dernier. Il paraî t, Axel, que ce brave homme est le recteur.»

 

Pendant ce temps, le guide mettait le «kyrkoherde» au courant de la situation; celui-ci, suspendant son travail, poussa une sorte de cri en usage sans doute entre chevaux et maquignons, et aussitô t une grande mé gè re sortit de la cabane. Si elle ne mesurait pas six pieds de haut, il ne s’en fallait guè re.

 

Je craignais qu’elle ne vî nt offrir aux voyageurs le baiser islandais; mais il n’en fut rien, et mê me elle mit assez peu de bonne grâ ce à nous introduire dans sa maison.

 

La chambre des é trangers me parut ê tre la plus mauvaise du presbytè re, é troite, sale et infecte. Il fallut s’en contenter; le recteur ne semblait pas pratiquer l’hospitalité antique. Loin de là. Avant la fin du jour, je vis que nous avions affaire à un forgeron, à un pê cheur, à un chasseur, à un charpentier, et pas du tout à un ministre du Seigneur. Nous é tions en semaine, il est vrai. Peut-ê tre se rattrapait-il le dimanche.

 

Je ne veux pas dire du mal de ces pauvres prê tres qui, aprè s tout, sont fort misé rables; ils reç oivent du gouvernement danois un traitement ridicule et perç oivent le quart de la dî me de leur paroisse, ce qui ne fait pas une somme de soixante marks courants[8]. De là, né cessité de travailler pour vivre; mais à pê cher, à chasser, à ferrer des chevaux, on finit par prendre les maniè res, le ton et les mœ urs des chasseurs, des pê cheurs et autres gens un peu rudes; le soir mê me je m’aperç us que notre hô te ne comptait pas la sobrié té au nombre de ses vertus.

 

Mon oncle comprit vite à quel genre d’homme il avait affaire; au lieu d’un brave et digne savant, il trouvait un paysan lourd et grossier; il ré solut donc de commencer au plus tô t sa grande expé dition et de quitter cette cure peu hospitaliè re. Il ne regardait pas à ses fatigues et ré solut d’aller passer quelques jours dans la montagne.

 

Les pré paratifs de dé part furent donc faits dè s le lendemain de notre arrivé e à Stapi. Hans loua les services de trois Islandais pour remplacer les chevaux dans le transport des bagages; mais, une fois arrivé s au fond du cratè re, ces indigè nes devaient rebrousser chemin et nous abandonner à nous-mê mes. Ce point fut parfaitement arrê té.

 

À cette occasion, mon oncle dut apprendre au chasseur que son intention é tait de poursuivre la reconnaissance du volcan jusqu’à ses derniè res limites.

 

Hans se contenta d’incliner la tê te. Aller là ou ailleurs, s’enfoncer dans les entrailles de son î le ou la parcourir, il n’y voyait aucune diffé rence; quant à moi, distrait jusqu’alors par les incidents du voyage, j’avais un peu oublié l’avenir, mais maintenant je sentais l’é motion me reprendre de plus belle. Qu’y faire? Si j’avais pu tenter de ré sister au professeur Lidenbrock, c’é tait à Hambourg et non au pied du Sneffels.

 

Une idé e, entre toutes, me tracassait fort, idé e effrayante et faite pour é branler des nerfs moins sensibles que les miens.

 

«Voyons, me disais-je, nous allons gravir le Sneffels. Bien. Nous allons visiter son cratè re. Bon. D’autres l’ont fait qui n’en sont pas morts. Mais ce n’est pas tout. S’il se pré sente un chemin pour descendre dans les entrailles du sol, si ce malencontreux Saknussemm a dit vrai, nous allons nous perdre au milieu des galeries souterraines du volcan. Or, rien n’affirme que le Sneffels soit é teint? Qui prouve qu’une é ruption ne se pré pare pas? De ce que le monstre dort depuis 1229, s’ensuit-il qu’il ne puisse se ré veiller? Et, s’il se ré veille, qu’est-ce que nous deviendrons?»

 

Cela demandait la peine d’y ré flé chir, et j’y ré flé chissais. Je ne pouvais dormir sans rê ver d’é ruption; or, le rô le de scorie me paraissait assez brutal à jouer.

 

Enfin je n’y tins plus; je ré solus de soumettre le cas à mon oncle le plus adroitement possible, et sous la forme d’une hypothè se parfaitement irré alisable.

 

J’allai le trouver. Je lui fis part de mes craintes, et je me reculai pour le laisser é clater à son aise.

 

«J’y pensais», ré pondit-il simplement.

 

Que signifiaient ces paroles! Allait-il donc entendre la voix de la raison? Songeait-il à suspendre ses projets? C’eû t é té trop beau pour ê tre possible.

 

Aprè s quelques instants de silence, pendant lesquels je n’osais l’interroger, il reprit en disant:

 

«J’y pensais. Depuis notre arrivé e à Stapi, je me suis pré occupé de la grave question que tu viens de me soumettre, car il ne faut pas agir en imprudents.

 

– Non, ré pondis-je avec force.

 

– Il y a six cents ans que le Sneffels est muet; mais il peut parler. Or les é ruptions sont toujours pré cé dé es par des phé nomè nes parfaitement connus; j’ai donc interrogé les habitants du pays, j’ai é tudié le sol, et je puis te le dire, Axel, il n’y aura pas d’é ruption.»

 

À cette affirmation je restai stupé fait, et je ne pus ré pliquer.

 

«Tu doutes de mes paroles? dit mon oncle, eh bien! suis-moi.»

 

J’obé is machinalement. En sortant du presbytè re, le professeur prit un chemin direct qui, par une ouverture de la muraille basaltique, s’é loignait de la mer. Bientô t nous é tions en rase campagne, si l’on peut donner ce nom à un amoncellement immense de dé jections volcaniques; le pays paraissait comme é crasé sous une pluie de pierres é normes, de trapp, de basalte, de granit et de toutes les roches pyroxé niques.

 

Je voyais ç a et là des fumerolles monter dans les airs; ces vapeurs blanches nommé es «reykir» en langue islandaise, venaient des sources thermales, et elles indiquaient, par leur violence, l’activité volcanique du sol. Cela me paraissait justifier mes craintes. Aussi je tombai de mon haut quand mon oncle me dit:

 

«Tu vois toutes ces fumé es, Axel; eh bien, elles prouvent que nous n’avons rien à redouter des fureurs du volcan!

 

– Par exemple! m’é criai-je.

 

– Retiens bien ceci, reprit le professeur: aux approches d’une é ruption, ces fumerolles redoublent d’activité pour disparaî tre complè tement pendant la duré e du phé nomè ne, car les fluides é lastiques, n’ayant plus la tension né cessaire, prennent le chemin des cratè res au lieu de s’é chapper à travers les fissures du globe. Si donc ces vapeurs se maintiennent dans leur é tat habituel, si leur é nergie ne s’accroî t pas, si tu ajoutes à cette observation que le vent, la pluie ne sont pas remplacé s par un air lourd et calme, tu peux affirmer qu’il n’y aura pas d’é ruption prochaine.

 

– Mais…

 

– Assez. Quand la science a prononcé, il n’y a plus qu’à se taire».

 

Je revins à la cure l’oreille basse; mon oncle m’avait battu avec des arguments scientifiques. Cependant j’avais encore un espoir, c’est qu’une fois arrivé s au fond du cratè re, il serait impossible, faute de galerie, de descendre plus profondé ment, et cela en dé pit de tous les Saknussemm du monde.


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