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Voyage au centre de la terre 8 ñòðàíèöà






 

«Maintenant, dit mon oncle aprè s avoir achevé ces pré paratifs, occupons-nous des bagages; ils vont ê tre divisé s en trois paquets, et chacun de nous en attachera un sur son dos; j’entends parler seulement des objets fragiles.»

 

L’audacieux professeur ne nous comprenait é videmment pas dans cette derniè re caté gorie.

 

«Hans, reprit-il, va se charger des outils et d’une partie des vivres; toi, Axel, d’un second tiers des vivres et des armes; moi, du reste des vivres et des instruments dé licats.

 

– Mais, dis-je, et les vê tements, et cette masse de cordes et d’é chelles, qui se chargera de les descendre?

 

– Ils descendront tout seuls.

 

– Comment cela? demandai-je.

 

– Tu vas le voir.»

 

Mon oncle employait volontiers les grands moyens et sans hé siter. Sur son ordre, Hans ré unit en un seul colis les objets non fragiles, et ce paquet, solidement cordé, fut tout bonnement pré cipité dans le gouffre.

 

J’entendis ce mugissement sonore produit par le dé placement des couches d’air. Mon oncle, penché sur l’abî me, suivait d’un œ il satisfait la descente de ses bagages, et ne se releva qu’aprè s les avoir perdus de vue.

 

«Bon, fit-il. À nous maintenant.»

 

Je demande à tout homme de bonne foi s’il é tait possible d’entendre sans frissonner de telles paroles!

 

Le professeur attacha sur son dos le paquet des instruments; Hans prit celui des outils, moi celui des armes. La descente commenç a dans l’ordre suivant: Hans, mon oncle et moi. Elle se fit dans un profond silence, troublé seulement par la chute des dé bris de roc qui se pré cipitaient dans l’abî me.

 

Je me laissai couler, pour ainsi dire, serrant fré né tiquement la double corde d’une main, de l’autre m’arc-boutant au moyen de mon bâ ton ferré. Une idé e unique me dominait: je craignais que le point d’appui ne vint à manquer. Cette corde me paraissait bien fragile pour supporter le poids de trois personnes. Je m’en servais le moins possible, opé rant des miracles d’é quilibre sur les saillies de lave que mon pied cherchait à saisir comme une main.

 

Lorsqu’une de ces marches glissantes venait à s’é branler sous le pas de Hans, il disait de sa voix tranquille:

 

«Gif akt!

 

– Attention!» ré pé tait mon oncle.

 

Aprè s une demi-heure, nous é tions arrivé s sur la surface d’un roc fortement engagé dans la paroi de la cheminé e.

 

Hans tira la corde par l’un de ses bouts; l’autre s’é leva dans l’air; aprè s avoir dé passé le rocher supé rieur, il retomba en raclant les morceaux de pierres et de laves, sorte de pluie, ou mieux, de grê le fort dangereuse.

 

En me penchant au-dessus de notre é troit plateau, je remarquai que le fond du trou é tait encore invisible.

 

La manœ uvre de la corde recommenç a, et une demi-heure aprè s nous avions gagné une nouvelle profondeur de deux cents pieds.

 

Je ne sais si le plus enragé gé ologue eû t essayé d’é tudier, pendant cette descente, la nature des terrains qui l’environnaient. Pour mon compte, je ne m’en inquié tai guè re; qu’ils fussent pliocè nes, miocè nes, é ocè nes, cré tacé s, jurassiques, triasiques, perniens, carbonifè res, dé voniens, siluriens ou primitifs, cela me pré occupa peu. Mais le professeur, sans doute, fit ses observations ou prit ses notes, car, à l’une des haltes, il me dit:

 

«Plus je vais, plus j’ai confiance; la disposition de ces terrains volcaniques donne absolument raison à la thé orie de Davy. Nous sommes en plein sol primordial, sol dans lequel s’est produit l’opé ration chimique des mé taux enflammé s au contact de l’air et de l’eau; je repousse absolument le systè me d’une chaleur centrale; d’ailleurs, nous verrons bien.»

 

Toujours la mê me conclusion. On comprend que je ne m’amusai pas à discuter. Mon silence fut pris pour un assentiment, et la descente recommenç a.

 

Au bout de trois heures, je n’entrevoyais pas encore le fond de la cheminé e. Lorsque je relevais la tê te, j’apercevais son orifice qui dé croissait sensiblement. Ses parois, par suite de leur lé gè re inclinaison, tendaient à se rapprocher, l’obscurité se faisait peu à peu.

 

Cependant nous descendions toujours; il me semblait que les pierres dé taché es des parois s’engloutissaient avec une ré percussion plus mate et qu’elles devaient rencontrer promptement le fond de l’abî me.

 

Comme j’avais eu soin de noter exactement nos manœ uvres de corde, je pus me rendre un compte exact de la profondeur atteinte et du temps é coulé.

 

Nous avions alors ré pé té quatorze fois cette manœ uvre qui durait une demi-heure. C’é tait donc sept heures, plus quatorze quarts d’heure de repos ou trois heures et demie. En tout, dix heures et demie. Nous é tions partis à une heure, il devait ê tre onze heures en ce moment.

 

Quant à la profondeur à laquelle nous é tions parvenus, ces quatorze manœ uvres d’une corde de deux cents pieds donnaient deux mille huit cents pieds.

 

En ce moment la voix de Hans se fit entendre:

 

«Halt!» dit-il.

 

Je m’arrê tai court au moment où j’allais heurter de mes pieds la tê te de mon oncle.

 

«Nous sommes arrivé s, dit celui-ci.

 

– Où? demandai-je en me laissant glisser prè s de lui.

 

– Au fond de la cheminé e perpendiculaire.

 

– Il n’y a donc pas d’autre issue?

 

– Si, une sorte de couloir que j’entrevois et qui oblique vers la droite. Nous verrons cela demain. Soupons d’abord et nous dormirons aprè s.»

 

L’obscurité n’é tait pas encore complè te. On ouvrit le sac aux provisions, on mangea et l’on se coucha de son mieux sur un lit de pierres et de dé bris de lave.

 

Et quand, é tendu sur le dos, j’ouvris les yeux, j’aperç us un point brillant à l’extré mité de ce tube long de trois mille pieds, qui se transformait en une gigantesque lunette.

 

C’é tait une é toile dé pouillé e de toute scintillation et qui, d’aprè s mes calculs, devait ê tre β de la Petite Ourse.

 

Puis je m’endormis d’un profond sommeil.

 

XVIII

À huit heures du matin, un rayon du jour vint nous ré veiller. Les mille facettes de lave des parois le recueillaient à son passage et l’é parpillaient comme une pluie d’é tincelles.

 

Cette lueur é tait assez forte pour permettre de distinguer les objets environnants.

 

«Eh bien! Axel, qu’en dis-tu? s’é cria mon oncle en se frottant les mains. As-tu jamais passé une nuit plus paisible dans notre maison de Kö nigstrasse? Plus de bruit de charrettes, plus de cris de marchands, plus de vocifé rations de bateliers!

 

– Sans doute, nous sommes fort tranquilles au fond de ce puits, mais ce calme mê me a quelque chose d’effrayant.

 

– Allons donc, s’é cria mon oncle, si tu t’effrayes dé jà, que sera-ce plus tard? Nous ne sommes pas encore entré s d’un pouce dans les entrailles de la terre?

 

– Que voulez-vous dire?

 

– Je veux dire que nous avons atteint seulement le sol de l’î le! Ce long tube vertical, qui aboutit au cratè re du Sneffels, s’arrê te à peu prè s au niveau de la mer.

 

– En ê tes-vous certain?

 

– Trè s certain. Consulte le baromè tre.»

 

En effet, le mercure, aprè s avoir peu à peu remonté dans l’instrument à mesure que notre descente s’effectuait, s’é tait arrê té à vingt-neuf pouces.

 

«Tu le vois, reprit le professeur, nous n’avons encore que la pression d’une atmosphè re, et il me tarde que le manomè tre vienne remplacer ce baromè tre.»

 

Cet instrument allait, en effet, nous devenir inutile, du moment que le poids de l’air dé passerait sa pression calculé e au niveau de l’Océ an.

 

«Mais, dis-je, n’est-il pas à craindre que cette pression toujours croissante ne soit fort pé nible?

 

– Non. Nous descendrons lentement, et nos poumons s’habitueront à respirer une atmosphè re plus comprimé e. Les aé ronautes finissent par manquer d’air en s’é levant dans les couches supé rieures; nous, nous en aurons trop peut-ê tre. Mais j’aime mieux cela. Ne perdons pas un instant. Où est le paquet qui nous a pré cé dé s dans l’inté rieur de la montagne?»

 

Je me souvins alors que nous l’avions vainement cherché la veille au soir. Mon oncle interrogea Hans, qui, aprè s avoir regardé attentivement avec ses yeux de chasseur, ré pondit:

 

«Der huppe!

 

– Là -haut.»

 

En effet, ce paquet é tait accroché à une saillie de roc, à une centaine de pieds au-dessus de notre tê te. Aussitô t l’agile Islandais grimpa comme un chat et, en quelques minutes, le paquet nous rejoignit.

 

«Maintenant, dit mon oncle, dé jeunons; mais dé jeunons comme des gens qui peuvent avoir une longue course à faire.»

 

Le biscuit et la viande sè che furent arrosé s de quelques gorgé es d’eau mê lé e de geniè vre.

 

Le dé jeuner terminé, mon oncle tira de sa poche un carnet destiné aux observations; il prit successivement ses divers instruments et nota les donné es suivantes:

 

Lundi 1er juillet.

 

Chronomè tre: 8 h. 17 m. du matin.

Baromè tre: 29 p. 7 l.

Thermomè tre: 6°.

Direction: E. -S. -E.

 

Cette derniè re observation s’appliquait à la galerie obscure et fut donné e par la boussole.

 

«Maintenant, Axel, s’é cria le professeur d’une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer vé ritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment pré cis auquel notre voyage commence.»

 

Cela dit, mon oncle prit d’une main l’appareil de Ruhmkorff suspendu à son cou; de l’autre, il mit en communication le courant é lectrique avec le serpentin de la lanterne, et une assez vive lumiè re dissipa les té nè bres de la galerie.

 

Hans portait le second appareil, qui fut é galement mis en activité. Cette ingé nieuse application de l’é lectricité nous permettait d’aller longtemps en cré ant un jour artificiel, mê me au milieu des gaz les plus inflammables.

 

«En route!» fit mon oncle.

 

Chacun reprit son ballot. Hans se chargea de pousser devant lui le paquet des cordages et des habits, et, moi troisiè me, nous entrâ mes dans la galerie.

 

Au moment de m’engouffrer dans ce couloir obscur, je relevai la tê te, et j’aperç us une derniè re fois, par le champ de l’immense tube, ce ciel de l’Islande «que je ne devais plus jamais revoir.»

 

La lave, à la derniè re é ruption de 1229, s’é tait frayé un passage à travers ce tunnel. Elle tapissait l’inté rieur d’un enduit é pais et brillant; la lumiè re é lectrique s’y ré flé chissait en centuplant son intensité.

 

Toute la difficulté de la route consistait à ne pas glisser trop rapidement sur une pente incliné e à quarante-cinq degré s environ; heureusement, certaines é rosions, quelques boursouflures tenaient lieu de marches, et nous n’avions qu’à descendre en laissant filer nos bagages retenus par une longue corde.

 

Mais ce qui se faisait marche sous nos pieds devenait stalactites sur les autres parois; la lave, poreuse en de certains endroits, pré sentait de petites ampoules arrondies; des cristaux de quartz opaque, orné s de limpides gouttes de verre et suspendus à la voû te comme des lustres, semblaient s’allumer à notre passage. On eû t dit que les gé nies du gouffre illuminaient leur palais pour recevoir les hô tes de la terre.

 

«C’est magnifique! m’é criai-je involontairement. Quel spectacle, mon oncle! Admirez-vous ces nuances de la lave qui vont du rouge brun au jaune é clatant par dé gradations insensibles? Et ces cristaux qui nous apparaissent comme des globes lumineux?

 

– Ah! tu y viens, Axel! ré pondit mon oncle. Ah! tu trouves cela splendide, mon garç on! Tu en verras bien d’autres, je l’espè re. Marchons! marchons!»

 

Il aurait dit plus justement «glissons», car nous nous laissions aller sans fatigue sur des pentes incliné es. C’é tait le facilis descensus Averni de Virgile. La boussole, que je consultais fré quemment, indiquait la direction du sud-est avec une imperturbable rigueur. Cette coulé e de lave n’obliquait ni d’un cô té ni de l’autre. Ella avait l’inflexibilité de la ligne droite.

 

Cependant la chaleur n’augmentait pas d’une faç on sensible; cela donnait raison aux thé ories de Davy, et plus d’une fois je consultai le thermomè tre avec é tonnement. Deux heures aprè s le dé part, il ne marquait encore que 10°, c’est-à -dire un accroissement de 4°. Cela m’autorisait à penser que notre descente é tait plus horizontale que verticale. Quant à connaî tre exactement la profondeur atteinte, rien de plus facile. Le professeur mesurait exactement les angles de dé viation et d’inclinaison de la route, mais il gardait pour lui le ré sultat de ses observations.

 

Le soir, vers huit heures, il donna le signal d’arrê t. Hans aussitô t s’assit; les lampes furent accroché es à une saillie de lave. Nous é tions dans une sorte de caverne où l’air ne manquait pas. Au contraire. Certains souffles arrivaient jusqu’à nous. Quelle cause les produisait? À quelle agitation atmosphé rique attribuer leur origine? C’est une question que je ne cherchai pas à ré soudre en ce moment; la faim et la fatigue me rendaient incapable de raisonner. Une descente de sept heures consé cutives ne se fait pas sans une grande dé pense de forces. J’é tais é puisé. Le mot halte me fit donc plaisir à entendre. Hans é tala quelques provisions sur un bloc de lave, et chacun mangea avec appé tit. Cependant une chose m’inquié tait; notre ré serve d’eau é tait à demi consommé e. Mon oncle comptait la refaire aux sources souterraines, mais jusqu’alors celles-ci manquaient absolument. Je ne pus m’empê cher d’attirer son attention sur ce sujet.

 

«Cette absence de sources te surprend? dit-il.

 

– Sans doute, et mê me elle m’inquiè te. Nous n’avons plus d’eau que pour cinq jours.

 

– Sois tranquille, Axel, je te ré ponds que nous trouverons de l’eau, et plus que nous n’en voudrons.

 

– Quand cela?

 

– Quand nous aurons quitté cette enveloppe de lave. Comment veux-tu que des sources jaillissent à travers ces parois?

 

– Mais peut-ê tre cette coulé e se prolonge-t-elle à de grandes profondeurs? Il me semble que nous n’avons pas encore fait beaucoup de chemin verticalement?

 

– Qui te fait supposer cela?

 

– C’est que si nous é tions trè s avancé s dans l’inté rieur de l’é corce terrestre, la chaleur serait plus forte.

 

– D’aprè s ton systè me, ré pondit mon oncle. Qu’indique le thermomè tre?

 

– Quinze degré s à peine, ce qui ne fait qu’un accroissement de neuf degré s depuis notre dé part.

 

– Eh bien, conclus.

 

– Voici ma conclusion. D’aprè s les observations les plus exactes, l’augmentation de la tempé rature à l’inté rieur du globe est d’un degré par cent pieds. Mais certaines conditions de localité peuvent modifier ce chiffre. Ainsi, à Yakoust en Sibé rie, on a remarqué que l’accroissement d’un degré avait lieu par trente-six pieds. Cette diffé rence dé pend é videmment de la conductibilité des roches. J’ajouterai aussi que, dans le voisinage d’un volcan é teint, et à travers le gneiss, on a remarqué que l’é lé vation de la tempé rature é tait d’un degré seulement pour cent vingt-cinq pieds. Prenons donc cette derniè re hypothè se, qui est la plus favorable, et calculons.

 

– Calcule, mon garç on.

 

– Rien n’est plus facile, dis-je en disposant des chiffres sur mon carnet. Neuf fois cent vingt-cinq pieds donnant onze cent vingt-cinq pieds de profondeur.

 

– Rien de plus exact.

 

– Eh bien?

 

– Eh bien, d’aprè s mes observations, nous sommes arrivé s à dix mille pieds au-dessous du niveau de la mer.

 

– Est-il possible?

 

– Oui, ou les chiffres ne sont plus les chiffres!»

 

Les calculs du professeur é taient exacts; nous avions dé jà dé passé de six mille pieds les plus grandes profondeurs atteintes par l’homme, telles que les mines de Kitz-Bahl dans le Tyrol, et celles de Wuttemberg en Bohè me.

 

La tempé rature, qui aurait dû ê tre de quatre-vingt-un degré s en cet endroit, é tait de quinze à peine. Cela donnait singuliè rement à ré flé chir.

 

XIX

Le lendemain, mardi 30 juin, à six heures, la descente fut reprise.

 

Nous suivions toujours la galerie de lave, vé ritable rampe naturelle, douce comme ces plans incliné s qui remplacent encore l’escalier dans les vieilles maisons. Ce fut ainsi jusqu’à midi dix-sept minutes, instant pré cis où nous rejoignî mes Hans, qui venait de s’arrê ter.

 

«Ah! s’é cria mon oncle, nous sommes parvenus à l’extré mité de la cheminé e.»

 

Je regardai autour de moi; nous é tions au centre d’un carrefour, auquel deux routes venaient aboutir, toutes deux sombres et é troites. Laquelle convenait-il de prendre? Il y avait là une difficulté.

 

Cependant mon oncle ne voulut paraî tre hé siter ni devant moi ni devant le guide; il dé signa le tunnel de l’est, et bientô t nous y é tions enfoncé s tous les trois.

 

D’ailleurs toute hé sitation devant ce double chemin se serait prolongé e indé finiment, car nul indice ne pouvait dé terminer le choix de l’un ou de l’autre; il fallait s’en remettre absolument au hasard.

 

La pente de cette nouvelle galerie é tait peu sensible, et sa section fort iné gale. Parfois une succession d’arceaux se dé roulait devant nos pas comme les contre-nefs d’une cathé drale gothique. Les artistes du Moyen  ge auraient pu é tudier là toutes les formes de cette architecture religieuse qui a l’ogive pour gé né rateur. Un mille plus loin, notre tê te se courbait sous les cintres surbaissé s du style roman, et de gros piliers engagé s dans le massif pliaient sous la retombé e des voû tes. À de certains endroits, cette disposition faisait place à de basses substructions qui ressemblaient aux ouvrages des castors, et nous nous glissions en rampant à travers d’é troits boyaux.

 

La chaleur se maintenait à un degré supportable. Involontairement je songeais à son intensité, quand les laves vomies par le Sneffels se pré cipitaient par cette route si tranquille aujourd’hui. Je m’imaginais les torrents de feu brisé s aux angles de la galerie et l’accumulation des vapeurs surchauffé es dans cet é troit milieu!

 

«Pourvu, pensai-je, que le vieux volcan ne vienne pas à se reprendre d’une fantaisie tardive!»

 

Ces ré flexions, je ne les communiquai point à l’oncle Lidenbrock; il ne les eû t pas comprises. Son unique pensé e é tait d’aller en avant. Il marchait, il glissait, il dé gringolait mê me, avec une conviction qu’aprè s tout il valait mieux admirer.

 

À six heures du soir, aprè s une promenade peu fatigante, nous avions gagné deux lieues dans le sud, mais à peine un quart de mille en profondeur.

 

Mon oncle donna le signal du repos. On mangea sans trop causer, et l’on s’endormit sans trop ré flé chir.

 

Nos dispositions pour la nuit é taient fort simples: une couverture de voyage dans laquelle on se roulait, composait toute la literie. Nous n’avions à redouter ni froid, ni visite importune. Les voyageurs qui s’enfoncent au milieu des dé serts de l’Afrique, au sein des forê ts du nouveau monde, sont forcé s de se veiller les uns les autres pendant les heures du sommeil. Mais ici, solitude absolue et sé curité complè te. Sauvages ou bê tes fé roces, aucune de ces races malfaisantes n’é tait à craindre.

 

On se ré veilla le lendemain frais et dispos. La route fut reprise. Nous suivions un chemin de lave comme la veille. Impossible de reconnaî tre la nature des terrains qu’il traversait. Le tunnel, au lieu de s’enfoncer dans les entrailles du globe, tendait à devenir absolument horizontal. Je crus remarquer mê me qu’il remontait vers la surface de la terre. Cette disposition devint si manifeste vers dix heures du matin, et par suite si fatigante, que je fus forcé de modé rer notre marche.

 

«Eh bien, Axel? dit impatiemment le professeur.

 

– Eh bien, je n’en peux plus, ré pondis-je

 

– Quoi! aprè s trois heures de promenade sur une route si facile!

 

– Facile, je ne dis pas non, mais fatigante à coup sû r.

 

– Comment! quand nous n’avons qu’à descendre!

 

– À monter, ne vous en dé plaise!

 

– À monter! fit mon oncle en haussant les é paules.

 

– Sans doute. Depuis une demi-heure, les pentes se sont modifié es, et à les suivre ainsi, nous reviendrons certainement à la terre d’Islande.»

 

Le professeur remua la tê te en homme qui ne veut pas ê tre convaincu. J’essayai de reprendre la conversation. Il ne me ré pondit pas et donna le signal du dé part. Je vis bien que son silence n’é tait que de la mauvaise humeur concentré e.

 

Cependant j’avais repris mon fardeau avec courage, et je suivais rapidement Hans, que pré cé dait mon oncle. Je tenais à ne pas ê tre distancé; ma grande pré occupation é tait de ne point perdre mes compagnons de vue. Je fré missais à la pensé e de m’é garer dans les profondeurs de ce labyrinthe.

 

D’ailleurs, la route ascendante devenait plus pé nible, je m’en consolais en songeant qu’elle me rapprochait de la surface de la terre. C’é tait un espoir. Chaque pas le confirmait, et je me ré jouissais à cette idé e de revoir ma petite Graü ben.

 

À midi un changement d’aspect se produisit dans les parois de la galerie. Je m’en aperç us à l’affaiblissement de la lumiè re é lectrique ré flé chie par les murailles. Au revê tement de lave succé dait la roche vive; le massif se composait de couches incliné es et souvent disposé es verticalement. Nous é tions en pleine é poque de transition, en pleine pé riode silurienne.[9]

 

«C’est é vident, m’é criai-je, les sé diments des eaux ont formé, à la seconde é poque de la terre, ces schistes, ces calcaires et ces grè s! Nous tournons le dos au massif granitique! Nous ressemblons à des gens de Hambourg, qui prendraient le chemin de Hanovre pour aller à Lubeck.»

 

J’aurais dû garder pour moi mes observations. Mais mon tempé rament de gé ologue l’emporta sur la prudence, et l’oncle Lidenbrock entendit mes exclamations.

 

«Qu’as-tu donc? dit-il.

 

– Voyez! ré pondis-je en lui montrant la succession varié e des grè s, des calcaires et les premiers indices des terrains ardoisé s.

 

– Eh bien?

 

– Nous voici arrivé s à cette pé riode pendant laquelle ont apparu les premiè res plantes et les premiers animaux!

 

– Ah! tu penses?

 

– Mais regardez, examinez, observez!»

 

Je forç ai le professeur à promener sa lampe sur les parois de la galerie. Je m’attendais à quelque exclamation de sa part. Mais, loin de là, il ne dit pas un mot, et continua sa route.

 

M’avait-il compris ou non? Ne voulait-il pas convenir, par amour-propre d’oncle et de savant, qu’il s’é tait trompé en choisissant le tunnel de l’est, ou tenait-il à reconnaî tre ce passage jusqu’à son extré mité? Il é tait é vident que nous avions quitté la route des laves, et que ce chemin ne pouvait conduire au foyer du Sneffels.

 

Cependant je me demandai si je n’accordais pas une trop grande importance à cette modification des terrains. Ne me trompais-je pas moi-mê me? Traversions-nous ré ellement ces couches de roches superposé es au massif granitique?

 

«Si j’ai raison, pensai-je, je dois trouver quelque dé bris de plante primitive, et il faudra bien me rendre à l’é vidence. Cherchons.»

 

Je n’avais pas fait cent pas que des preuves incontestables s’offrirent à mes yeux. Cela devait ê tre, car, à l’é poque silurienne, les mers renfermaient plus de quinze cents espè ces vé gé tales ou animales. Mes pieds, habitué s au sol dur des laves, foulè rent tout à coup une poussiè re faite de dé bris de plantes et de coquille. Sur les parois se voyaient distinctement des empreintes de fucus et de lycopodes; le professeur Lidenbrock ne pouvait s’y tromper; mais il fermait les yeux, j’imagine, et continuait son chemin d’un pas invariable.

 

C’é tait de l’entê tement poussé hors de toutes limites. Je n’y tins plus. Je ramassai une coquille parfaitement conservé e, qui avait appartenu à un animal à peu prè s semblable au cloporte actuel; puis, je rejoignis mon oncle et je lui dis:


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