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Voyage au centre de la terre 9 ñòðàíèöà






 

«Voyez!

 

– Eh bien, ré pondit-il tranquillement, c’est la coquille d’un crustacé de l’ordre disparu des trilobites. Pas autre chose.

 

– Mais n’en concluez-vous pas? …

 

– Ce que tu conclus toi-mê me? Si. Parfaitement. Nous avons abandonné la couche de granit et la route des laves. Il est possible que je me sois trompé; mais je ne serai certain de mon erreur qu’au moment où j’aurai atteint l’extré mité de cette galerie.

 

– Vous avez raison d’agir ainsi, mon oncle, et je vous approuverais fort si nous n’avions à craindre un danger de plus en plus menaç ant.

 

– Et lequel?

 

– Le manque d’eau.

 

– Eh bien! nous nous rationnerons, Axel.

 

XX

En effet, il fallut se rationner. Notre provision ne pouvait durer plus de trois jours. C’est ce que je reconnus le soir au moment du souper. Et, fâ cheuse expectative, nous avions peu d’espoir de rencontrer quelque source vive dans ces terrains de l’é poque de transition.

 

Pendant toute la journé e du lendemain la galerie dé roula devant nos pas ses interminables arceaux. Nous marchions presque sans mot dire. Le mutisme de Hans nous gagnait.

 

La route ne montait pas, du moins d’une faç on sensible. Parfois mê me elle semblait s’incliner. Mais cette tendance, peu marqué e d’ailleurs, ne devait pas rassurer le professeur, car la nature des couches ne se modifiait pas, et la pé riode de transition s’affirmait davantage.

 

La lumiè re é lectrique faisait splendidement é tinceler les schistes, le calcaire et les vieux grè s rouges des parois; on aurait pu se croire dans une tranché e ouverte au milieu du Devonshire, qui donna son nom à ce genre de terrains. Des spé cimens de marbres magnifiques revê taient les murailles, les uns, d’un gris agate avec des veines blanches capricieusement accusé es, les autres, de couleur incarnat ou d’un jaune taché de plaques rouges, plus loin, des é chantillons de ces griottes à couleurs sombres, dans lesquels le calcaire se relevait en nuances vives.

 

La plupart de ces marbres offraient des empreintes d’animaux primitifs; mais, depuis la veille, la cré ation avait fait un progrè s é vident. Au lieu des trilobites rudimentaires, j’apercevais des dé bris d’un ordre plus parfait; entre autres, des poissons Ganoï des et ces Sauropteris dans lesquels l’œ il du palé ontologiste a su dé couvrir les premiè res formes du reptile. Les mers dé voniennes é taient habité es par un grand nombre d’animaux de cette espè ce, et elles les dé posè rent par milliers sur les roches de nouvelle formation.

 

Il devenait é vident que nous remontions l’é chelle de la vie animale dont l’homme occupe le sommet. Mais le professeur Lidenbrock ne paraissait pas y prendre garde.

 

Il attendait deux choses: ou qu’un puits vertical vî nt à s’ouvrir sous ses pieds et lui permettre de reprendre sa descente; ou qu’un obstacle l’empê châ t de continuer cette route. Mais le soir arriva sans que cette espé rance se fû t ré alisé e.

 

Le vendredi, aprè s une nuit pendant laquelle je commenç ai à ressentir les tourments de la soif, notre petite troupe s’enfonç a de nouveau dans les dé tours de la galerie.

 

Aprè s dix heures de marche, je remarquai que la ré verbé ration de nos lampes sur les parois diminuait singuliè rement. Le marbre, le schiste, le calcaire, les grè s des murailles, faisaient place à un revê tement sombre et sans é clat. À un moment où le tunnel devenait fort é troit, je m’appuyai sur sa paroi.

 

Quand je retirai ma main, elle é tait entiè rement noire. Je regardai de plus prè s. Nous é tions en pleine houillè re.

 

«Une mine de charbon! m’é criai-je.

 

– Une mine sans mineurs, ré pondit mon oncle.

 

– Eh! qui sait?

 

– Moi, je sais, ré pliqua le professeur d’un ton bref, et je suis certain que cette galerie percé e à travers ces couches de houille n’a pas é té faite de la main des hommes. Mais que ce soit ou non l’ouvrage de la nature, cela m’importe peu. L’heure du souper est venue. Soupons.»

 

Hans, pré para quelques aliments. Je mangeai à peine, et je bus les quelques gouttes d’eau qui formaient ma ration. La gourde du guide à demi pleine, voilà tout ce qui restait pour dé salté rer trois hommes.

 

Aprè s leur repas, mes deux compagnons s’é tendirent sur leurs couvertures et trouvè rent dans le sommeil un remè de à leurs fatigues. Pour moi, je ne pus dormir, et je comptai les heures jusqu’au matin.

 

Le samedi, à six heures, on repartit. Vingt minutes plus tard, nous arrivions à une vaste excavation; je reconnus alors que la main de l’homme ne pouvait pas avoir creusé cette houillè re; les voû tes en eussent é té é tanç onné es, et vé ritablement elles ne se tenaient que par un miracle d’é quilibre.

 

Cette espè ce de caverne comptait cent pieds de largeur sur cent cinquante de hauteur. Le terrain avait é té violemment é carté par une commotion souterraine. Le massif terrestre, cé dant à quelque puissante poussé e, s’é tait disloqué, laissant ce large vide où des habitants de la terre pé né traient pour la premiè re fois.

 

Toute l’histoire de la pé riode houillè re é tait é crite sur ces sombres parois, et un gé ologue en pouvait suivre facilement les phases diverses. Les lits de charbon é taient sé paré s par des strates de grè s ou d’argile compacts, et comme é crasé s par les couches supé rieures.

 

À cet â ge du monde qui pré cé da l’é poque secondaire, la terre se recouvrit d’immenses vé gé tations dues à la double action d’une chaleur tropicale et d’une humidité persistante. Une atmosphè re de vapeurs enveloppait le globe de toutes parts, lui dé robant encore les rayons du soleil.

 

De là cette conclusion que les hautes tempé ratures ne provenaient pas de ce foyer nouveau. Peut-ê tre mê me l’astre du jour n’é tait-il pas prê t à jouer son rô le é clatant. Les «climats» n’existaient pas encore, et une chaleur torride se ré pandait à la surface entiè re du globe, é gale à l’é quateur et aux pô les. D’où venait-elle? De l’inté rieur du globe.

 

En dé pit des thé ories du professeur Lidenbrock, un feu violent couvait dans les entrailles du sphé roï de; son action se faisait sentir jusqu’aux derniè res couches de l’é corce terrestre; les plantes, privé es des bienfaisantes effluves du soleil, ne donnaient ni fleurs ni parfums, mais leurs racines puisaient une vie forte dans les terrains brû lants des premiers jours.

 

Il y avait peu d’arbres, des plantes herbacé es seulement, d’immenses gazons, des fougè res, des lycopodes, des sigillaires, des asté rophylites, familles rares dont les espè ces se comptaient alors par milliers.

 

Or c’est pré cisé ment à cette exubé rante vé gé tation que la houille doit son origine. L’é corce é lastique du globe obé issait aux mouvements de la masse liquide qu’elle recouvrait. De là des fissures, des affaissements nombreux. Les plantes, entraî né es sous les eaux, formè rent peu à peu des amas considé rables.

 

Alors intervint l’action de la chimie naturelle; au fond des mers, les masses vé gé tales se firent tourbe d’abord; puis, grâ ce à l’influence des gaz, et sous le feu de la fermentation, elles subirent une miné ralisation complè te.

 

Ainsi se formè rent ces immenses couches de charbon qu’une consommation excessive doit, pourtant, é puiser en moins de trois siè cles, si les peuples industriels n’y prennent garde.

 

Ces ré flexions me revenaient à l’esprit pendant que je considé rais les richesses houillè res accumulé es dans cette portion du massif terrestre. Celles-ci, sans doute, ne seront jamais mises à dé couvert. L’exploitation de ces mines reculé es demanderait des sacrifices trop considé rables. À quoi bon, d’ailleurs, quand la houille est ré pandue pour ainsi dire à la surface de la terre dans un grand nombre de contré es? Aussi, telles je voyais ces couches intactes, telles elles seraient encore lorsque sonnerait la derniè re heure du monde.

 

Cependant nous marchions, et seul de mes compagnons j’oubliais la longueur de la route pour me perdre au milieu de considé rations gé ologiques. La tempé rature restait sensiblement ce qu’elle é tait pendant notre passage au milieu des laves et des schistes. Seulement, mon odorat é tait affecté par une odeur fort prononcé e de protocarbure d’hydrogè ne. Je reconnus immé diatement, dans cette galerie, la pré sence d’une notable quantité de ce fluide dangereux auquel les mineurs ont donné le nom de grisou, et dont l’explosion a si souvent causé d’é pouvantables catastrophes.

 

Heureusement nous é tions é clairé s par les ingé nieux appareils de Ruhmkorff. Si, par malheur, nous avions imprudemment exploré cette galerie la torche à la main, une explosion terrible eû t fini le voyage en supprimant les voyageurs.

 

Cette excursion dans la houillè re dura jusqu’au soir. Mon oncle contenait à peine l’impatience que lui causait l’horizontalité de la route. Les té nè bres, toujours profondes à vingt pas, empê chaient d’estimer la longueur de la galerie, et je commenç ai à la croire interminable, quand soudain, à six heures, un mur se pré senta inopiné ment à nous. À droite, à gauche, en haut, en bas, il n’y avait aucun passage. Nous é tions arrivé s au fond d’une impasse.

 

«Eh bien! tant mieux! s’é cria mon oncle, je sais au moins à quoi m’en tenir. Nous ne sommes pas sur la route de Saknussemm, et il ne reste plus qu’à revenir en arriè re. Prenons une nuit de repos, et avant trois jours nous aurons regagné le point où les deux galeries se bifurquent.

 

– Oui, dis-je, si nous en avons la force!

 

– Et pourquoi non?

 

– Parce que, demain, l’eau manquera tout à fait.

 

– Et le courage manquera-t-il aussi?» dit le professeur en me regardant d’un œ il sé vè re.

 

Je n’osai lui ré pondre.

 

XXI

Le lendemain, le dé part eut lieu de grand matin. Il fallait se hâ ter. Nous é tions à cinq jours de marche du carrefour.

 

Je ne m’appesantirai pas sur les souffrances de notre retour. Mon oncle les supporta avec la colè re d’un homme qui ne se sent pas le plus fort; Hans avec la ré signation de sa nature pacifique; moi, je l’avoue, me plaignant et me dé sespé rant; je ne pouvais avoir de cœ ur contre cette mauvaise fortune.

 

Ainsi que je l’avais pré vu, l’eau fit tout à fait dé faut à la fin du premier jour de marche. Notre provision liquide se ré duisit alors à du geniè vre, mais cette infernale liqueur brû lait le gosier, et je ne pouvais mê me en supporter la vue. Je trouvais la tempé rature é touffante. La fatigue me paralysait. Plus d’une fois, je faillis tomber sans mouvement. On faisait halte alors; mon oncle ou l’Islandais me ré confortaient de leur mieux. Mais je voyais dé jà que le premier ré agissait pé niblement contre l’extrê me fatigue et les tortures né es de la privation d’eau.

 

Enfin, le mardi, 8 juillet, en nous traî nant sur les genoux, sur les mains, nous arrivâ mes à demi morts au point de jonction des deux galeries. Là je demeurai comme une masse inerte, é tendu sur le sol de lave. Il é tait dix heures du matin.

 

Hans et mon oncle, accoté s à la paroi, essayè rent de grignoter quelques morceaux de biscuit. De longs gé missements s’é chappaient de mes lè vres tumé fié es. Je tombai dans un profond assoupissement.

 

Au bout de quelque temps, mon oncle s’approcha de moi et me souleva entre ses bras:

 

«Pauvre enfant!» murmura-t-il avec un vé ritable accent de pitié.

 

Je fus touché de ces paroles, n’é tant pas habitué aux tendresses du farouche professeur. Je saisis ses mains fré missantes dans les miennes. Il se laissa faire en me regardant. Ses yeux é taient humides.

 

Je le vis alors prendre la gourde suspendue à son cô té. À ma grande stupé faction, il l’approcha de mes lè vres:

 

«Bois», fit-il.

 

Avais-je bien entendu? Mon oncle é tait-il fou? Je le regardais d’un air hé bé té. Je ne voulais pas le comprendre.

 

«Bois», reprit-il.

 

Et relevant sa gourde, il la vida tout entiè re entre mes lè vres.

 

Oh! jouissance infinie! une gorgé e d’eau vint humecter ma bouche en feu, une seule, mais elle suffit à rappeler en moi la vie qui s’é chappait.

 

Je remerciai mon oncle en joignant les mains.

 

«Oui, fit-il, une gorgé e d’eau! la derniè re! entends-tu bien? la derniè re! Je l’avais pré cieusement gardé e au fond de ma gourde. Vingt fois, cent fois, j’ai dû ré sister à mon effrayant dé sir de la boire! Mais non, Axel, je la ré servais pour toi.

 

– Mon oncle! murmurai-je pendant que de grosses larmes mouillaient mes yeux.

 

– Oui, pauvre enfant, je savais qu’à ton arrivé e à ce carrefour, tu tomberais à demi mort, et j’ai conservé mes derniè res gouttes d’eau pour te ranimer.

 

– Merci! merci!» m’é criai-je.

 

Si peu que ma soif fut apaisé e, j’avais cependant retrouvé quelque force. Les muscles de mon gosier, contracté s jusqu’alors, se dé tendaient et l’inflammation de mes lè vres s’é tait adoucie. Je pouvais parler.

 

«Voyons, dis-je, nous n’avons maintenant qu’un parti à prendre; l’eau nous manque; il faut revenir sur nos pas.»

 

Pendant que je parlais ainsi, mon oncle é vitait de me regarder; il baissait la tê te; ses yeux fuyaient les miens.

 

«Il faut revenir, m’é criai-je, et reprendre le chemin du Sneffels. Que Dieu nous donne la force de remonter jusqu’au sommet du cratè re!

 

– Revenir! fit mon oncle, comme s’il ré pondait plutô t à lui qu’à moi-mê me.

 

– Oui, revenir, et sans perdre un instant.»

 

Il y eut ici un moment de silence assez long.

 

«Ainsi donc, Axel, reprit le professeur d’un ton bizarre, ces quelques gouttes d’eau ne t’ont pas rendu le courage et l’é nergie?

 

– Le courage!

 

– Je te vois abattu comme avant, et faisant encore entendre des paroles de dé sespoir!»

 

À quel homme avais-je affaire et quels projets son esprit audacieux formait-il encore?

 

«Quoi! vous ne voulez pas? …

 

– Renoncer à cette expé dition, au moment où tout annonce qu’elle peut ré ussir! Jamais!

 

– Alors il faut se ré signer à pé rir?

 

– Non, Axel, non! pars. Je ne veux pas ta mort! Que Hans t’accompagne. Laisse-moi seul!

 

– Vous abandonner!

 

– Laisse-moi, te dis-je! J’ai commencé ce voyage; je l’accomplirai jusqu’au bout, ou je n’en reviendrai pas. Va-t’en, Axel, va-t’en!»

 

Mon oncle parlait avec une extrê me surexcitation. Sa voix, un instant attendrie, redevenait dure et menaç ante. Il luttait avec une sombre é nergie contre l’impossible! Je ne voulais pas l’abandonner au fond de cet abî me, et, d’un autre cô té, l’instinct de la conservation me poussait à le fuir.

 

Le guide suivait cette scè ne avec son indiffé rence accoutumé e. Il comprenait cependant ce qui se passait entre ses deux compagnons. Nos gestes indiquaient assez la voie diffé rente où chacun de nous essayait d’entraî ner l’autre; mais Hans semblait s’inté resser peu à la question dans laquelle son existence se trouvait en jeu, prê t à partir si l’on donnait le signal du dé part, prê t à rester à la moindre volonté de son maî tre.

 

Que ne pouvais-je en cet instant me faire entendre de lui! Mes paroles, mes gé missements, mon accent, auraient eu raison de cette froide nature. Ces dangers que le guide ne paraissait pas soupç onner, je les lui eusse fait comprendre et toucher du doigt. À nous deux nous aurions peut-ê tre convaincu l’entê té professeur. Au besoin, nous l’aurions contraint à regagner les hauteurs du Sneffels!

 

Je m’approchai de Hans. Je mis ma main sur la sienne. Il ne bougea pas. Je lui montrai la route du cratè re. Il demeura immobile. Ma figure haletante disait toutes mes souffrances. L’Islandais remua doucement la tê te, et dé signant tranquillement mon oncle:

 

«Master, fit-il.

 

– Le maî tre, m’é criai-je! insensé! non, il n’est pas le maî tre de ta vie! il faut fuir! il faut l’entraî ner! m’entends-tu! me comprends-tu?»

 

J’avais saisi Hans par le bras. Je voulais l’obliger à se lever. Je luttais avec lui. Mon oncle intervint.

 

«Du calme, Axel, dit-il. Tu n’obtiendras rien de cet impassible serviteur. Ainsi, é coute ce que j’ai à te proposer.»

 

Je me croisai les bras, en regardant mon oncle bien en face.

 

«Le manque d’eau, dit-il, met seul obstacle à l’accomplissement de mes projets. Dans cette galerie de l’est, faite de laves, de schistes, de houilles, nous n’avons pas rencontré une seule molé cule liquide. Il est possible que nous soyons plus heureux en suivant le tunnel de l’ouest.»

 

Je secouai la tê te avec un air de profonde incré dulité.

 

«É coute-moi jusqu’au bout, reprit le professeur en forç ant la voix. Pendant que tu gisais, là sans mouvement, j’ai é té reconnaî tre la conformation de cette galerie. Elle s’enfonce directement dans les entrailles du globe, et, en peu d’heures, elle nous conduira au massif granitique. Là nous devons rencontrer des sources abondantes. La nature de la roche le veut ainsi, et l’instinct est d’accord avec la logique pour appuyer ma conviction. Or, voici ce que j’ai à te proposer. Quand Colomb a demandé trois jours à ses é quipages pour trouver les terres nouvelles, ses é quipages, malades, é pouvanté s, ont cependant fait droit à sa demande, et il a dé couvert le nouveau monde. Moi, le Colomb de ces ré gions souterraines, je ne te demande qu’un jour encore. Si, ce temps é coulé, je n’ai pas rencontré l’eau qui nous manque, je te le jure, nous reviendrons à la surface de la terre.»

 

En dé pit de mon irritation, je fus é mu de ces paroles et de la violence que se faisait mon oncle pour tenir un pareil langage.

 

«Eh bien! m’é criai-je, qu’il soit fait comme vous le dé sirez, et que Dieu ré compense votre é nergie surhumaine. Vous n’avez plus que quelques heures à tenter le sort. En route!»

 

XXII

La descente recommenç a cette fois par la nouvelle galerie. Hans marchait en avant, selon son habitude. Nous n’avions pas fait cent pas, que le professeur, promenant sa lampe le long des murailles, s’é criait:

 

«Voilà les terrains primitifs! nous sommes dans la bonne voie! marchons! marchons!»

 

Lorsque la terre se refroidit peu à peu aux premiers jours du monde, la diminution de son volume produisit dans l’é corce des dislocations, des ruptures, des retraits, des fendilles. Le couloir actuel é tait une fissure de ce genre, par laquelle s’é panchait autrefois le granit é ruptif. Ses mille dé tours formaient un inextricable labyrinthe à travers le sol primordial.

 

À mesure que nous descendions, la succession des couches composant le terrain primitif apparaissait avec plus de netteté. La science gé ologique considè re ce terrain primitif comme la base de l’é corce miné rale, et elle a reconnu qu’il se compose de trois couches diffé rentes, les schistes, les gneiss, les micaschistes, reposant sur cette roche iné branlable qu’on appelle le granit.

 

Or, jamais miné ralogistes ne s’é taient rencontré s dans des circonstances aussi merveilleuses pour é tudier la nature sur place. Ce que la sonde, machine inintelligente et brutale, ne pouvait rapporter à la surface du globe de sa texture interne, nous allions l’é tudier de nos yeux, le toucher de nos mains.

 

À travers l’é tage des schistes, coloré s de belles nuances vertes, serpentaient des filons mé talliques de cuivre, de manganè se avec quelques traces de platine et d’or. Je songeais à ces richesses enfouies dans les entrailles du globe et dont l’avidité humaine n’aura jamais la jouissance! Ces tré sors, les bouleversements des premiers jours les ont enterré s à de telles profondeurs, que ni la pioche, ni le pic ne sauront les arracher à leur tombeau.

 

Aux schistes succé dè rent les gneiss, d’une structure stratiforme, remarquables par la ré gularité et le parallé lisme de leurs feuillets, puis, les micaschistes disposé s en grandes lamelles rehaussé es à l’œ il par les scintillations du mica blanc.

 

La lumiè re des appareils, ré percuté e par les petites facettes de la masse rocheuse, croisait ses jets de feu sous tous les angles, et je m’imaginais voyager à travers un diamant creux, dans lequel les rayons se brisaient en mille é blouissements.

 

Vers six heures du soir, cette fê te de la lumiè re vint à diminuer sensiblement, presque à cesser; les parois prirent une teinte cristallisé e, mais sombre; le mica se mé langea plus intimement au feldspath et au quartz, pour former la roche par excellence, la pierre dure entre toutes, celle qui supporte, sans en ê tre é crasé e, les quatre é tages de terrain du globe. Nous é tions muré s dans l’immense prison de granit.

 

Il é tait huit heures du soir. L’eau manquait toujours. Je souffrais horriblement. Mon oncle marchait en avant. Il ne voulait pas s’arrê ter. Il tendait l’oreille pour surprendre les murmures de quelque source. Mais rien!

 

Cependant mes jambes refusaient de me porter. Je ré sistais à mes tortures pour ne pas obliger mon oncle à faire halte. C’eû t é té pour lui le coup du dé sespoir, car la journé e finissait, la derniè re qui lui appartî nt.

 

Enfin mes forces m’abandonnè rent. Je poussai un cri et je tombai.

 

«À moi! je meurs!»

 

Mon oncle revint sur ses pas. Il me considé ra en croisant ses bras; puis ces paroles sourdes sortirent de ses lè vres:

 

«Tout est fini!»

 

Un effrayant geste de colè re frappa une derniè re fois mes regards, et je fermai les yeux.

 

Lorsque je les rouvris, j’aperç us mes deux compagnons immobiles et roulé s dans leur couverture. Dormaient-ils? Pour mon compte, je ne pouvais trouver un instant de sommeil. Je souffrais trop, et surtout de la pensé e que mon mal devait ê tre sans remè de. Les derniè res paroles de mon oncle retentissaient dans mon oreille. «Tout é tait fini!» car dans un pareil é tat de faiblesse il ne fallait mê me pas songer à regagner la surface du globe. Il y avait une lieue et demie d’é corce terrestre!

 

Il me semblait que cette masse pesait de tout son poids sur mes é paules. Je me sentais é crasé et je m’é puisais en efforts violents pour me retourner sur ma couche de granit.

 

Quelques heures se passè rent. Un silence profond ré gnait autour de nous, un silence de tombeau. Rien n’arrivait à travers ces murailles dont la plus mince mesurait cinq milles d’é paisseur.

 

Cependant, au milieu de mon assoupissement, je crus entendre un bruit. L’obscurité se faisait dans le tunnel. Je regardai plus attentivement, et il me sembla voir l’Islandais qui disparaissait, la lampe à la main.

 

Pourquoi ce dé part? Hans nous abandonnait-il? Mon oncle dormait. Je voulus crier. Ma voix ne put trouver passage entre mes lè vres dessé ché es. L’obscurité é tait devenue profonde, et les derniers bruits venaient de s’é teindre.

 

«Hans nous abandonne! m’é criai-je. Hans! Hans!»

 

Ces mots, je les criais en moi-mê me. Ils n’allaient pas plus loin. Cependant, aprè s le premier instant de terreur, j’eus honte de mes soupç ons contre un homme dont la conduite n’avait rien eu jusque-là de suspect. Son dé part ne pouvait ê tre une fuite. Au lieu de remonter la galerie, il la descendait. De mauvais desseins l’eussent entraî né en haut, non en bas. Ce raisonnement me calma un peu, et je revins à un autre d’ordre d’idé es. Hans, cet homme paisible, un motif grave avait pu seul l’arracher à son repos. Allait-il donc à la dé couverte? Avait-il entendu pendant la nuit silencieuse quelque murmure dont la perception n’é tait pas arrivé e jusqu’à moi?

 

XXIII

Pendant une heure j’imaginai dans mon cerveau en dé lire toutes les raisons qui avaient pu faire agir le tranquille chasseur. Les idé es les plus absurdes s’enchevê trè rent dans ma tê te. Je crus que j’allais devenir fou!

 

Mais enfin un bruit de pas se produisit dans les profondeurs du gouffre. Hans remontait. La lumiè re incertaine commenç ait à glisser sur les parois, puis elle dé boucha par l’orifice du couloir. Hans parut.

 

Il s’approcha de mon oncle, lui mit la main sur l’é paule et l’é veilla doucement. Mon oncle se leva.

 

«Qu’est-ce donc? fit-il.

 

– Vatten», ré pondit le chasseur.


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