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Voyage au centre de la terre 11 ñòðàíèöà






 

Par exemple, son mutisme s’augmentait de jour en jour. Je crois mê me qu’il nous gagnait. Les objets exté rieurs ont une action ré elle sur le cerveau. Qui s’enferme entre quatre murs finit par perdre la faculté d’associer les idé es et les mots. Que de prisonniers cellulaires devenus imbé ciles, sinon fous, par le dé faut d’exercice des faculté s pensantes.

 

Pendant les deux semaines qui suivirent notre derniè re conversation, il ne se produisit aucun incident digne d’ê tre rapporté. Je ne retrouve dans ma mé moire, et pour cause, qu’un seul é vé nement d’une extrê me gravité. Il m’eû t é té difficile d’en oublier le moindre dé tail.

 

Le 7 aoû t, nos descentes successives nous avaient amené s à une profondeur de trente lieues, c’est-à -dire qu’il y avait sur notre tê te trente lieues de rocs, d’océ an, de continents et de villes. Nous devions ê tre alors à deux cents lieues de l’Islande.

 

Ce jour-là le tunnel suivait un plan peu incliné.

 

Je marchais en avant. Mon oncle portait l’un des deux appareils de Ruhmkorff, et moi l’autre. J’examinais les couches de granit.

 

Tout à coup, en me retournant, je m’aperç us que j’é tais seul.

 

«Bon, pensai-je, j’ai marché trop vite, ou bien Hans et mon oncle se sont arrê té s en route. Allons, il faut les rejoindre. Heureusement le chemin ne monte pas sensiblement.»

 

Je revins sur mes pas. Je marchai pendant un quart d’heure. Je regardai. Personne. J’appelai. Point de ré ponse. Ma voix se perdit au milieu des caverneux é chos qu’elle é veilla soudain.

 

Je commenç ai à me sentir inquiet. Un frisson me parcourut tout le corps.

 

«Un peu de calme, dis-je à haute voix. Je suis sû r de retrouver mes compagnons. Il n’y a pas deux routes! Or, j’é tais en avant, retournons en arriè re.»

 

Je remontai pendant une demi-heure. J’é coutai si quelque appel ne m’é tait pas adressé, et dans cette atmosphè re si dense, il pouvait m’arriver de loin. Un silence extraordinaire ré gnait dans l’immense galerie.

 

Je m’arrê tai. Je ne pouvais croire à mon isolement. Je voulais bien ê tre é garé, non perdu. É garé, on se retrouve.

 

«Voyons, ré pé tai-je, puisqu’il n’y a qu’une route, puisqu’ils la suivent, je dois les rejoindre. Il suffira de remonter encore. À moins que, ne me voyant pas, et oubliant que je les devanç ais, ils n’aient eu la pensé e de revenir en arriè re. Eh bien! mê me dans ce cas, en me hâ tant, je les retrouverai. C’est é vident!»

 

Je ré pé tai ces derniers mots comme un homme qui n’est pas convaincu. D’ailleurs, pour associer ces idé es si simples, et les ré unir sous forme de raisonnement, je dus employer un temps fort long.

 

Un doute me prit alors. É tais-je bien en avant? Certes. Hans me suivait, pré cé dant mon oncle. Il s’é tait mê me arrê té pendant quelques instants pour rattacher ses bagages sur son é paule. Ce dé tail me revenait à l’esprit. C’est à ce moment mê me que j’avais dû continuer ma route.

 

«D’ailleurs, pensai-je, j’ai un moyen sû r de ne pas m’é garer, un fil pour me guider dans ce labyrinthe, et qui ne saurait casser, mon fidè le ruisseau. Je n’ai qu’à remonter son cours, et je retrouverai forcé ment les traces de mes compagnons.»

 

Ce raisonnement me ranima, et je ré solus de me remettre en marche sans perdre un instant.

 

Combien je bé nis alors la pré voyance de mon oncle, lorsqu’il empê cha le chasseur de boucher l’entaille faite à la paroi de granit! Ainsi cette bienfaisante source, aprè s nous avoir dé salté ré pendant la route, allait me guider à travers les sinuosité s de l’é corce terrestre.

 

Avant de remonter, je pensai qu’une ablution me ferait quelque bien.

 

Je me baissai donc pour plonger mon front dans l’eau du Hans-bach!

 

Que l’on juge de ma stupé faction!

 

Je foulais un granit sec et raboteux! Le ruisseau ne coulait plus à mes pieds!

 

XXVII

Je ne puis peindre mon dé sespoir. Nul mot de la langue humaine ne rendrait mes sentiments. J’é tais enterré vif, avec la perspective de mourir dans les tortures de la faim et de la soif.

 

Machinalement je promenai mes mains brû lantes sur le sol. Que ce roc me sembla dessé ché!

 

Mais comment avais-je abandonné le cours du ruisseau? Car, enfin, il n’é tait plus là! Je compris alors la raison de ce silence é trange, quand j’é coutai pour la derniè re fois si quelque appel de mes compagnons ne parviendrait pas à mon oreille. Ainsi, au moment où mon premier pas s’engagea dans la route imprudente, je ne remarquai point cette absence du ruisseau. Il est é vident qu’à ce moment, une bifurcation de la galerie s’ouvrit devant moi, tandis que le Hans-bach obé issant aux caprices d’une autre pente, s’en allait avec mes compagnons vers des profondeurs inconnues!

 

Comment revenir. De traces, il n’y en avait pas. Mon pied ne laissait aucune empreinte sur ce granit. Je me brisais la tê te à chercher la solution de cet insoluble problè me. Ma situation se ré sumait en un seul mot: perdu!

 

Oui! perdu à une profondeur qui me semblait incommensurable! Ces trente lieues d’é corce terrestre pesaient sur mes é paules d’un poids é pouvantable! Je me sentais é crasé.

 

J’essayai de ramener mes idé es aux choses de la terre. C’est à peine si je pus y parvenir. Hambourg, la maison de Kö nigstrasse, ma pauvre Graü ben, tout ce monde sous lequel je m’é garais, passa rapidement devant mon souvenir effaré. Je revis dans une vive hallucination les incidents du voyage, la traversé e, l’Islande, M. Fridriksson, le Sneffels! Je me dis que si, dans ma position, je conservais encore l’ombre d’une espé rance, ce serait signe de folie, et qu’il valait mieux dé sespé rer!

 

En effet, quelle puissance humaine pouvait me ramener à la surface du globe et disjoindre ces voû tes é normes qui s’arc-boutaient au-dessus de ma tê te? Qui pouvait me remettre sur la route du retour et me ré unir à mes compagnons?

 

«Oh! mon oncle!» m’é criai-je avec l’accent du dé sespoir.

 

Ce fut le seul mot de reproche qui me vint aux lè vres, car je compris ce que le malheureux homme devait souffrir en me cherchant à son tour.

 

Quand je me vis ainsi en dehors de tout secours humain, incapable de rien tenter pour mon salut, je songeai aux secours du Ciel. Les souvenirs de mon enfance, ceux de ma mè re que je n’avais connue qu’au temps des baisers, revinrent à ma mé moire. Je recourus à la priè re, quelque peu de droits que j’eusse d’ê tre entendu du Dieu auquel je m’adressais si tard, et je l’implorai avec ferveur.

 

Ce retour vers la Providence me rendit un peu de calme, et je pus concentrer sur ma situation toutes les forces de mon intelligence.

 

J’avais pour trois jours de vivres, et ma gourde é tait pleine. Cependant je ne pouvais rester seul plus longtemps. Mais fallait-il monter ou descendre?

 

Monter é videmment! monter toujours!

 

Je devais arriver ainsi au point où j’avais abandonné la source, à la funeste bifurcation. Là, une fois le ruisseau sous les pieds, je pourrais toujours regagner le sommet du Sneffels.

 

Comment n’y avais-je pas songé plus tô t! Il y avait é videmment là une chance de salut. Le plus pressé é tait donc de retrouver le cours du Hans-bach.

 

Je me levai et, m’appuyant sur mon bâ ton ferré, je remontai la galerie. La pente en é tait assez roide. Je marchais avec espoir et sans embarras, comme un homme qui n’a pas le choix du chemin à suivre.

 

Pendant une demi-heure, aucun obstacle n’arrê ta mes pas. J’essayais de reconnaî tre ma route à la forme du tunnel, à la saillie de certaines roches, à la disposition des anfractuosité s. Mais aucun signe particulier ne frappait mon esprit, et je reconnus bientô t que cette galerie ne pouvait me ramener à la bifurcation. Elle é tait sans issue. Je me heurtai contre un mur impé né trable, et je tombai sur le roc.

 

De quelle é pouvante? de quel dé sespoir je fus saisi alors, je ne saurais le dire. Je demeurai ané anti. Ma derniè re espé rance venait de se briser contre cette muraille de granit.

 

Perdu dans ce labyrinthe dont les sinuosité s se croisaient en tous sens, je n’avais plus à tenter une fuite impossible. Il fallait mourir de la plus effroyable des morts! Et, chose é trange, il me vint à la pensé e que, si mon corps fossilisé se retrouvait un jour, sa rencontre à trente lieues dans les entrailles de terre soulè verait de graves questions scientifiques!

 

Je voulus parler à voix haute, mais de rauques accents passè rent seuls entre mes lè vres dessé ché es. Je haletais.

 

Au milieu de ces angoisses, une nouvelle terreur vint s’emparer de mon esprit. Ma lampe s’é tait faussé e en tombant. Je n’avais aucun moyen de la ré parer. Sa lumiè re pâ lissait et allait me manquer!

 

Je regardai le courant lumineux s’amoindrir dans le serpentin de l’appareil. Une procession d’ombres mouvantes se dé roula sur les parois assombries. Je n’osais plus abaisser ma paupiè re, craignant de perdre le moindre atome de cette clarté fugitive! À chaque instant il me semblait qu’elle allait s’é vanouir et que «le noir» m’envahissait.

 

Enfin, une derniè re lueur trembla dans la lampe. Je la suivis, je l’aspirai du regard, je concentrai sur elle toute la puissance de mes yeux, comme sur la derniè re sensation de lumiè re qu’il leur fû t donné d’é prouver, et je demeurai plongé dans les té nè bres immenses.

 

Quel cri terrible m’é chappa! Sur terre au milieu des plus profondes nuits, la lumiè re n’abandonne jamais entiè rement ses droits! Elle est diffuse, elle est subtile; mais, si peu qu’il en reste, la ré tine de l’œ il finit par la percevoir! Ici, rien. L’ombre absolue faisait de moi un aveugle dans toute l’acception du mot.

 

Alors ma tê te se perdit. Je me relevai, les bras en avant, essayant les tâ tonnements les plus douloureux; je me pris à fuir, pré cipitant mes pas au hasard dans cet inextricable labyrinthe, descendant toujours, courant à travers la croû te terrestre, comme un habitant des failles souterraines, appelant, criant, hurlant, bientô t meurtri aux saillies des rocs, tombant et me relevant ensanglanté, cherchant à boire ce sang qui m’inondait le visage, et attendant toujours que quelque muraille impré vue vint offrir à ma tê te un obstacle pour s’y briser!

 

Où me conduisit cette course insensé e? Je l’ignorerai toujours. Aprè s plusieurs heures, sans doute à bout de forces, je tombai comme une masse inerte le long de la paroi, et je perdis tout sentiment d’existence!

 

XXVIII

Quand je revins à la vie, mon visage é tait mouillé, mais mouillé de larmes. Combien dura cet é tat d’insensibilité, je ne saurais le dire. Je n’avais plus aucun moyen de me rendre compte du temps. Jamais solitude ne fut semblable à la mienne, jamais abandon si complet!

 

Aprè s ma chute, j’avais perdu beaucoup de sang. Je m’en sentais inondé! Ah! combien je regrettai de n’ê tre pas mort «et que ce fû t encore à faire!» Je ne voulais plus penser. Je chassai toute idé e et, vaincu par la douleur, je me roulai prè s de la paroi opposé e.

 

Dé jà je sentais l’é vanouissement me reprendre, et, avec lui, l’ané antissement suprê me, quand un bruit violent vint frapper mon oreille. Il ressemblait au roulement prolongé du tonnerre, et j’entendis les ondes sonores se perdre peu a peu dans les lointaines profondeurs du gouffre.

 

D’où provenait ce bruit? De quelque phé nomè ne sans doute, qui s’accomplissait au sein du massif terrestre. L’explosion d’un gaz, ou la chute de quelque puissante assise du globe.

 

J’é coutai encore. Je voulus savoir si ce bruit se renouvellerait. Un quart d’heure se passa. Le silence ré gnait dans la galerie. Je n’entendais mê me plus les battements de mon cœ ur.

 

Tout à coup mon oreille, appliqué e par hasard sur la muraille, crut surprendre des paroles vagues, insaisissables, lointaines. Je tressaillis.

 

«C’est une hallucination!» pensais-je.

 

Mais non. En é coutant avec plus d’attention, j’entendis ré ellement un murmure de voix. Mais de comprendre ce qui se disait, c’est ce que ma faiblesse ne me permit pas. Cependant on parlait. J’en é tais certain.

 

J’eus un instant la crainte que ces paroles ne fussent les miennes, rapporté es par un é cho. Peut-ê tre avais-je crié à mon insu? Je fermai fortement les lè vres et j’appliquai de nouveau mon oreille à la paroi.

 

«Oui, certes, on parle! on parle!»

 

En me portant mê me à quelques pieds plus loin, le long de la muraille, j’entendis plus distinctement. Je parvins à saisir des mots incertains, bizarres, incompré hensibles. Ils m’arrivaient comme des paroles prononcé es à voix basse, murmuré es, pour ainsi dire. Le mot «fö rlorad» é tait plusieurs fois ré pé té, et avec un accent de douleur.

 

Que signifiait-il? Qui le prononç ait? Mon oncle ou Hans, é videmment. Mais si je les entendais, ils pouvaient donc m’entendre.

 

«À moi! criai-je de toutes mes forces, à moi!»

 

J’é coutai, j’é piai dans l’ombre une ré ponse, un cri, un soupir. Rien ne se fit entendre. Quelques minutes se passè rent. Tout un monde d’idé es avait é clos dans mon esprit. Je pensai que ma voix affaiblie ne pouvait arriver jusqu’à mes compagnons.

 

«Car ce sont eux, ré pé tai-je. Quels autres hommes seraient enfouis à trente lieues sous terre?»

 

Je me remis à é couter. En promenant mon oreille sur la paroi, je trouvai un point mathé matique où les voix paraissaient atteindre leur maximum d’intensité. Le mot «fö rlorad» revint encore à mon oreille; puis ce roulement de tonnerre qui m’avait tiré de ma torpeur.

 

«Non, dis-je, non. Ce n’est point à travers le massif que ces voix se font entendre. La paroi est faite de granit, et elle ne permettrait pas à la plus forte dé tonation de la traverser! Ce bruit arrive par la galerie mê me! Il faut qu’il y ait là un effet d’acoustique tout particulier!»

 

J’é coutai de nouveau, et cette fois, oui! cette fois! j’entendis mon nom distinctement jeté à travers l’espace!

 

C’é tait mon oncle qui le prononç ait? Il causait avec le guide, et le mot «fö rlorad» é tait un mot danois!

 

Alors je compris tout. Pour me faire entendre il fallait pré cisé ment parler le long de cette muraille qui servirait à conduire ma voix comme le fil de fer conduit l’é lectricité.

 

Mais je n’avais pas de temps à perdre. Que mes compagnons se fussent é loigné s de quelques pas et le phé nomè ne d’acoustique eû t é té dé truit. Je m’approchai donc de la muraille, et je prononç ai ces mots, aussi distinctement que possible:

 

«Mon oncle Lidenbrock!»

 

J’attendis dans la plus vive anxié té. Le son n’a pas une rapidité extrê me. La densité des couches d’air n’accroî t mê me pas sa vitesse; elle n’augmente que son intensité. Quelques secondes, des siè cles, se passè rent, et enfin ces paroles arrivè rent à mon oreille.

 

«Axel, Axel! est-ce toi?»

 

……………………….

 

«Oui! oui!» ré pondis-je.

 

……………………….

 

«Mon enfant, où es-tu?»

 

……………………….

 

«Perdu, dans la plus profonde obscurité!»

 

……………………….

 

«Mais ta lampe?»

 

……………………….

 

«É teinte.»

 

……………………….

 

«Et le ruisseau?»

 

……………………….

 

«Disparu.»

 

……………………….

 

«Axel, mon pauvre Axel, reprends courage!»

 

……………………….

 

«Attendez un peu, je suis é puisé! Je n’ai plus la force de ré pondre. Mais parlez-moi!»

 

……………………….

 

«Courage, reprit mon oncle. Ne parle pas, é coute-moi. Nous t’avons cherché en remontant et en descendant la galerie. Impossible de te trouver. Ah! je t’ai bien pleuré, mon enfant! Enfin, te supposant toujours sur le chemin du Hans-bach, nous sommes redescendus en tirant des coups de fusil. Maintenant, si nos voix peuvent se ré unir, pur effet d’acoustique! nos mains ne peuvent se toucher! Mais ne te dé sespè re pas, Axel! C’est dé jà quelque chose de s’entendre!»

 

……………………….

 

Pendant ce temps j’avais ré flé chi. Un certain espoir, vague encore, me revenait au cœ ur. Tout d’abord, une chose m’importait à connaî tre. J’approchai donc mes lè vres de la muraille, et je dis:

 

«Mon oncle?»

 

……………………….

 

«Mon enfant?» me fut-il ré pondu aprè s quelques instants.

 

……………………….

 

«Il faut d’abord savoir quelle distance nous sé pare.»

 

……………………….

 

«Cela est facile.»

 

……………………….

 

«Vous avez votre chronomè tre?»

 

……………………….

 

«Oui.»

 

……………………….

 

«Eh bien, prenez-le. Prononcez mon nom en notant exactement la seconde où vous parlerez. Je le ré pé terai, et vous observerez é galement le moment pré cis auquel vous arrivera ma ré ponse.»

 

……………………….

 

«Bien, et la moitié du temps compris entre ma demande et ta ré ponse indiquera celui que ma voix emploie pour arriver jusqu’à toi.»

 

……………………….

 

«C’est cela, mon oncle»

 

……………………….

 

«Es-tu prê t?»

 

……………………….

 

«Oui.»

 

……………………….

 

«Eh bien, fais attention, je vais prononcer ton nom.»

 

……………………….

 

J’appliquai mon oreille sur la paroi, et dè s que le mot «Axel» me parvint, je ré pondis immé diatement «Axel», puis j’attendis.

 

……………………….

 

«Quarante secondes, dit alors mon oncle. Il s’est é coulé quarante secondes entre les deux mots; le son met donc vingt secondes à monter. Or, à mille vingt pieds par seconde, cela fait vingt mille quatre cents pieds, ou une lieue et demie et un huitiè me.»

 

……………………….

 

«Une lieue et demie!» murmurai-je.

 

……………………….

 

«Eh bien, cela se franchit, Axel!»

 

……………………….

 

«Mais faut-il monter ou descendre?»

 

……………………….

 

«Descendre, et voici pourquoi. Nous sommes arrivé s à un vaste espace, auquel aboutissent un grand nombre de galeries. Celle que tu as suivie ne peut manquer de t’y conduire, car il semble que toutes ces fentes, ces fractures du globe rayonnent autour de l’immense caverne que nous occupons. Relè ve-toi donc et reprends ta route; marche, traî ne-toi, s’il le faut, glisse sur les pentes rapides, et tu trouveras nos bras pour te recevoir au bout du chemin. En route, mon enfant, en route!»

 

……………………….

 

Ces paroles me ranimè rent.

 

«Adieu, mon oncle, m’é criai-je; je pars. Nos voix ne pourront plus communiquer entre elles, du moment que j’aurai quitté cette place! Adieu donc!»

 

……………………….

 

«Au revoir, Axel! au revoir!»

 

……………………….

 

Telles furent les derniè res paroles que j’entendis.

 

Cette surprenante conversation faite au travers de la masse terrestre, é changé e à plus d’une lieue de distance, se termina sur ces paroles d’espoir! Je fis une priè re de reconnaissance à Dieu, car il m’avait conduit parmi ces immensité s sombres au seul point peut-ê tre où la voix de mes compagnons pouvait me parvenir.

 

Cet effet d’acoustique trè s é tonnant s’expliquait facilement par les seules lois physiques; il provenait de la forme du couloir et de la conductibilité de la roche. Il y a bien des exemples de cette propagation de sons non perceptibles aux espaces intermé diaires. Je me souviens qu’en maint endroit ce phé nomè ne fut observé, entre autres, dans la galerie inté rieure du dô me de Saint-Paul à Londres, et surtout au milieu de curieuses cavernes de Sicile, ces latomies situé es prè s de Syracuse, dont la plus merveilleuse en ce genre est connue sous le nom d’Oreille de Denys.

 

Ces souvenirs me revinrent à l’esprit, et je vis clairement que, puisque la voix de mon oncle arrivait jusqu’à moi, aucun obstacle n’existait entre nous. En suivant le chemin du son, je devais logiquement arriver comme lui, si les forces ne me trahissaient pas en route.

 

Je me levai donc. Je me traî nai plutô t que je ne marchai. La pente é tait assez rapide. Je me laissai glisser.

 

Bientô t la vitesse de ma descente s’accrut dans une effrayante proportion, et menaç ait de ressembler à une chute. Je n’avais plus la force de m’arrê ter.

 

Tout à coup le terrain manqua sous mes pieds. Je me sentis rouler en rebondissant sur les aspé rité s d’une galerie verticale, un vé ritable puits. Ma tê te porta sur un roc aigu, et je perdis connaissance.

 

XXIX

Lorsque je revins à moi, j’é tais dans une demi-obscurité, é tendu sur d’é paisses couvertures. Mon oncle veillait, é piant sur mon visage un reste d’existence. À mon premier soupir il me prit la main; à mon premier regard il poussa un cri de joie.

 

«Il vit! il vit! s’é cria-t-il.

 

– Oui, ré pondis-je d’une voix faible.

 

– Mon enfant, fit mon oncle en me serrant sur sa poitrine, te voila sauvé!»

 

Je fus vivement touché de l’accent dont furent prononcé es ces paroles, et plus encore des soins qui les accompagnè rent. Mais il fallait de telles é preuves pour provoquer chez le professeur un pareil é panchement.

 

En ce moment Hans arriva. Il vit ma main dans celle de mon oncle; j’ose affirmer que ses yeux exprimè rent un vif contentement.

 

«God dag, dit-il.

 

– Bonjour, Hans, bonjour, murmurai-je. Et maintenant, mon oncle, apprenez-moi où nous sommes en ce moment?

 

– Demain, Axel, demain; aujourd’hui tu es encore trop faible; j’ai entouré ta tê te de compresses qu’il ne faut pas dé ranger; dors donc, mon garç on, et demain tu sauras tout.

 

– Mais au moins, repris-je, quelle heure, quel jour est-il?

 

– Onze heures du soir; c’est aujourd’hui dimanche, 9 aoû t, et je ne te permets plus de m’interroger avant le 10 du pré sent mois.»

 

En vé rité, j’é tais bien faible, et mes yeux se fermè rent involontairement. Il me fallait une nuit de repos; je me laissai donc assoupir sur cette pensé e que mon isolement avait duré quatre longs jours.

 

Le lendemain, à mon ré veil, je regardai autour de moi. Ma couchette, faite de toutes les couvertures de voyage, se trouvait installé e dans une grotte charmante, orné e de magnifiques stalagmites, dont le sol é tait recouvert d’un sable fin. Il y ré gnait une demi-obscurité. Aucune torche, aucune lampe n’é tait allumé e, et cependant certaines clarté s inexplicables venaient du dehors en pé né trant par une é troite ouverture de la grotte. J’entendais aussi un murmure vague et indé fini, semblable à celui des flots qui se brisent sur une grè ve, et parfois les sifflements de la brise.

 

Je me demandai si j’é tais bien é veillé, si je rê vais encore, si mon cerveau, fê lé dans ma chute, ne percevait pas des bruits purement imaginaires. Cependant ni mes yeux ni mes oreilles ne pouvaient se tromper à ce point.

 

«C’est un rayon du jour, pensai-je, qui se glisse par cette fente de rochers! Voilà bien le murmure des vagues! Voilà le sifflement de la brise! Est-ce que je me trompe, ou sommes-nous revenus à la surface de la terre? Mon oncle a-t-il donc renoncé à son expé dition, ou l’aurait-il heureusement terminé e?»

 

Je me posais ces insolubles questions, quand le professeur entra.

 

«Bonjour, Axel! fit-il joyeusement. Je gagerais volontiers que tu te portes bien!

 

– Mais oui, dis-je en me redressant sur les couvertures.

 

– Cela devait ê tre, car tu as tranquillement dormi. Hans et moi, nous t’avons veillé tour à tour, et nous avons vu ta gué rison faire des progrè s sensibles.

 

– En effet, je me sens ragaillardi, et la preuve, c’est que je ferai honneur au dé jeuner que vous voudrez bien me servir!

 

– Tu mangeras, mon garç on! La fiè vre t’a quitté. Hans a frotté tes plaies avec je ne sais quel onguent dont les Islandais ont le secret, et elles se sont cicatrisé es à merveille. C’est un fier homme que notre chasseur!»

 

Tout en parlant, mon oncle apprê tait quelques aliments que je dé vorai, malgré ses recommandations. Pendant ce temps, je l’accablai de questions auxquelles il s’empressa de ré pondre.

 

J’appris alors que ma chute providentielle m’avait pré cisé ment amené à l’extré mité d’une galerie presque perpendiculaire; comme j’é tais arrivé au milieu d’un torrent de pierres, dont la moins grosse eû t suffi à m’é craser, il fallait en conclure qu’une partie du massif avait glissé avec moi. Cet effrayant vé hicule me transporta ainsi jusque dans les bras de mon oncle, où je tombai sanglant, inanimé.


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