Ñòóäîïåäèÿ

Ãëàâíàÿ ñòðàíèöà Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà

ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:

ÀâòîìîáèëèÀñòðîíîìèÿÁèîëîãèÿÃåîãðàôèÿÄîì è ñàäÄðóãèå ÿçûêèÄðóãîåÈíôîðìàòèêàÈñòîðèÿÊóëüòóðàËèòåðàòóðàËîãèêàÌàòåìàòèêàÌåäèöèíàÌåòàëëóðãèÿÌåõàíèêàÎáðàçîâàíèåÎõðàíà òðóäàÏåäàãîãèêàÏîëèòèêàÏðàâîÏñèõîëîãèÿÐåëèãèÿÐèòîðèêàÑîöèîëîãèÿÑïîðòÑòðîèòåëüñòâîÒåõíîëîãèÿÒóðèçìÔèçèêàÔèëîñîôèÿÔèíàíñûÕèìèÿ×åð÷åíèåÝêîëîãèÿÝêîíîìèêàÝëåêòðîíèêà






Voyage au centre de la terre 17 ñòðàíèöà






 

Nous fû mes renversé s tous les trois. En moins d’une seconde, la lumiè re fit place à la plus profonde obscurité. Puis je sentis l’appui solide manquer, non à mes pieds, mais au radeau. Je crus qu’il coulait à pic. Il n’en é tait rien. J’aurais voulu adresser la parole à mon oncle; mais le mugissement des eaux l’eû t empê ché de m’entendre.

 

Malgré les té nè bres, le bruit, la surprise, l’é motion, je compris ce qui venait de se passer.

 

Au delà du roc qui venait de sauter, il existait un abî me. L’explosion avait dé terminé une sorte de tremblement de terre dans ce sol coupé de fissures, le gouffre s’é tait ouvert, et la mer, changé e en torrent, nous y entraî nait avec elle.

 

Je me sentis perdu.

 

Une heure, deux heures, que sais-je! se passè rent ainsi. Nous nous serrions les coudes, nous nous tenions les mains afin de n’ê tre pas pré cipité s hors du radeau. Des chocs d’une extrê me violence se produisaient, quand il heurtait la muraille. Cependant ces heurts é taient rares, d’où je conclus que la galerie s’é largissait considé rablement. C’é tait, à n’en pas douter, le chemin de Saknussemm; mais, au lieu de le descendre seul, nous avions, par notre imprudence, entraî né toute une mer avec nous.

 

Ces idé es, on le comprend, se pré sentè rent à mon esprit sous une forme vague et obscure. Je les associais difficilement pendant cette course vertigineuse qui ressemblait à une chute. À en juger par l’air qui me fouettait le visage, elle devait surpasser celle des trains les plus rapides. Allumer une torche dans ces conditions é tait donc impossible, et notre dernier appareil é lectrique avait é té brisé au moment de l’explosion.

 

Je fus donc fort surpris de voir une lumiè re briller tout à coup prè s de moi. La figure calme de Hans s’é claira. L’adroit chasseur é tait parvenu à allumer la lanterne, et, bien que sa flamme vacillâ t à s’é teindre, elle jeta quelques lueurs dans l’é pouvantable obscurité.

 

La galerie é tait large. J’avais eu raison de la juger telle. Notre insuffisante lumiè re ne nous permettait pas d’apercevoir ses deux murailles à la fois. La pente des eaux qui nous emportaient dé passait celle des plus insurmontables rapides de l’Amé rique. Leur surface semblait faite d’un faisceau de flè ches liquides dé coché es avec une extrê me puissance. Je ne puis rendre mon impression par une comparaison plus juste. Le radeau, pris par certains remous, filait parfois en tournoyant. Lorsqu’il s’approchait des parois de la galerie, j’y projetais la lumiè re de la lanterne, et je pouvais juger de sa vitesse à voir les saillies du roc se changer en traits continus, de telle sorte que nous é tions enserré s dans un ré seau de lignes mouvantes. J’estimai que notre vitesse devait atteindre trente lieues à l’heure.

 

Mon oncle et moi, nous regardions d’un œ il hagard, accoté s au tronç on du mâ t, qui, au moment de la catastrophe, s’é tait rompu net. Nous tournions le dos à l’air, afin de ne pas ê tre é touffé s par la rapidité d’un mouvement que nulle puissance humaine ne pouvait enrayer.

 

Cependant les heures s’é coulè rent. La situation ne changeait pas, mais un incident vint la compliquer.

 

En cherchant à mettre un peu d’ordre dans la cargaison, je vis que la plus grande partie des objets embarqué s avaient disparu au moment de l’explosion, lorsque la mer nous assaillit si violemment! Je voulus savoir exactement à quoi m’en tenir sur nos ressources, et, la lanterne à la main, je commenç ai mes recherches. De nos instruments, il ne restait plus que la boussole et le chronomè tre. Les é chelles et les cordes se ré duisaient à un bout de câ ble enroulé autour du tronç on de mâ t. Pas une pioche, pas un pic, pas un marteau, et, malheur irré parable, nous n’avions pas de vivres pour un jour!

 

Je fouillai les interstices du radeau, les moindres coins formé s par les poutres et la jointure des planches! Rien! Nos provisions consistaient uniquement en un morceau de viande sè che et quelques biscuits.

 

Je regardais d’un air stupide! Je ne voulais pas comprendre! Et cependant de quel danger me pré occupais-je? Quand les vivres eussent é té suffisants pour des mois, pour des anné es, comment sortir des abî mes où nous entraî nait cet irré sistible torrent? À quoi bon craindre les tortures de la faim, quand la mort s’offrait dé jà sous tant d’autres formes? Mourir d’inanition, est-ce que nous en aurions le temps?

 

Pourtant, par une inexplicable bizarrerie de l’imagination, j’oubliai le pé ril immé diat pour les menaces de l’avenir qui m’apparurent dans toute leur horreur. D’ailleurs, peut-ê tre pourrions-nous é chapper aux fureurs du torrent et revenir à la surface du globe. Comment? Je l’ignore. Où? Qu’importe! Une chance sur mille est toujours une chance, tandis que la mort par la faim ne nous laissait d’espoir dans aucune proportion, si petite qu’elle fû t.

 

La pensé e me vint de tout dire à mon oncle, de lui montrer à quel dé nû ment nous é tions ré duits, et de faire l’exact calcul du temps qui nous restait à vivre. Mais j’eus le courage de me taire. Je voulais lui laisser tout son sang-froid.

 

En ce moment, la lumiè re de la lanterne baissa peu à peu et s’é teignit entiè rement. La mè che avait brû lé jusqu’au bout. L’obscurité redevint absolue. Il ne fallait plus songer à dissiper ces impé né trables té nè bres. Il restait encore une torche, mais elle n’aurait pu se maintenir allumé e. Alors, comme un enfant, je fermai les yeux pour ne pas voir toute cette obscurité.

 

Aprè s un laps de temps assez long, la vitesse de notre course redoubla. Je m’en aperç us à la ré verbé ration de l’air sur mon visage. La pente des eaux devenait excessive. Je crois vé ritablement que nous ne glissions plus. Nous tombions. J’avais en moi l’impression d’une chute presque verticale. La main de mon oncle et celle de Hans, cramponné es à mes bras, me retenaient avec vigueur.

 

Tout à coup, aprè s un temps inappré ciable, je ressentis comme un choc; le radeau n’avait pas heurté un corps dur, mais il s’é tait subitement arrê té dans sa chute. Une trombe d’eau, une immense colonne liquide s’abattit à sa surface. Je fus suffoqué. Je me noyais…

 

Cependant, cette inondation soudaine ne dura pas. En quelques secondes je me trouvai à l’air libre que j’aspirai à pleins poumons. Mon oncle et Hans me serraient le bras à le briser, et le radeau nous portait encore tous les trois.

 

XLII

Je suppose qu’il devait ê tre alors dix heures du soir. Le premier de mes sens qui fonctionna aprè s ce dernier assaut fut le sens de l’ouï e. J’entendis presque aussitô t, car ce fut acte d’audition vé ritable, j’entendis le silence se faire dans la galerie et succé der à ces mugissements qui, depuis de longues heures, remplissaient mes oreilles. Enfin ces paroles de mon oncle m’arrivè rent comme un murmure:

 

«Nous montons!

 

– Que voulez-vous dire? m’é criai-je.

 

– Oui, nous montons! nous montons!»

 

J’é tendis le bras; je touchai la muraille; ma main fut mise en sang. Nous remontions avec une extrê me rapidité.

 

«La torche! la torche!» s’é cria le professeur.

 

Hans, non sans difficulté s, parvint à l’allumer, et la flamme, se maintenant de bas en haut, malgré le mouvement ascensionnel, jeta assez de clarté pour é clairer toute la scè ne.

 

«C’est bien ce que je pensais, dit mon oncle. Nous sommes dans un puits é troit, qui n’a pas quatre toises de diamè tre. L’eau, arrivé e au fond du gouffre, reprend son niveau et nous remonte avec elle.

 

– Où?

 

– Je l’ignore, mais il faut se tenir prê ts à tout é vé nement. Nous montons avec une vitesse que j’é value à deux toises par secondes, soit cent vingt toises par minute, ou plus de trois lieues et demie à l’heure. De ce train-là, on fait du chemin.

 

– Oui, si rien ne nous arrê te, si ce puits a une issue! Mais s’il est bouché, si l’air se comprime peu à peu sous la pression de la colonne d’eau, si nous allons ê tre é crasé s!

 

– Axel, ré pondit le professeur avec un grand calme, la situation est presque dé sespé ré e, mais il y a quelques chances de salut, et ce sont celles-là que j’examine. Si à chaque instant nous pouvons pé rir, à chaque instant aussi nous pouvons ê tre sauvé s. Soyons donc on mesure de profiter des moindres circonstances.

 

– Mais que faire?

 

– Ré parer nos forces en mangeant.»

 

À ces mots, je regardai mon oncle d’un œ il hagard. Ce que je n’avais pas voulu avouer, il fallait enfin le dire:

 

«Manger? ré pé tai-je.

 

– Oui, sans retard.»

 

Le professeur ajouta quelques mots en danois. Hans secoua la tê te.

 

«Quoi! s’é cria mon oncle, nos provisions sont perdues?

 

– Oui, voilà ce qui reste de vivres! un morceau de viande sè che pour nous trois!»

 

Mon oncle me regardait sans vouloir comprendre mes paroles.

 

«Eh bien! dis-je, croyez-vous encore que nous puissions ê tre sauvé s?»

 

Ma demande n’obtint aucune ré ponse.

 

Une heure se passa. Je commenç ais à é prouver une faim violente. Mes compagnons souffraient aussi, et pas un de nous n’osait toucher à ce misé rable reste d’aliments.

 

Cependant nous montions toujours avec une extrê me rapidité. Parfois l’air nous coupait la respiration comme aux aé ronautes dont l’ascension est trop rapide. Mais si ceux-ci é prouvent un froid proportionnel à mesure qu’ils s’é lè vent dans les couches atmosphé riques, nous subissions un effet absolument contraire. La chaleur s’accroissait d’une inquié tante faç on et devait certainement atteindre quarante degré s.

 

Que signifiait un pareil changement? Jusqu’alors les faits avaient donné raison aux thé ories de Davy et de Lidenbrock; jusqu’alors des conditions particuliè res de roches ré fractaires, d’é lectricité, de magné tisme avaient modifié les lois gé né rales de la nature, en nous faisant une tempé rature modé ré e, car la thé orie du feu central restait, à mes yeux, la seule vraie, la seule explicable. Allions-nous donc revenir à un milieu où ces phé nomè nes s’accomplissaient dans toute leur rigueur et dans lequel la chaleur ré duisait les roches à un complet é tat de fusion? Je le craignais, et je dis au professeur:

 

«Si nous ne sommes pas noyé s ou brisé s, si nous ne mourons pas de faim, il nous reste toujours la chance d’ê tre brû lé s vifs.»

 

Il se contenta de hausser les é paules et retomba dans ses ré flexions.

 

Une heure s’é coula, et, sauf un lé ger accroissement dans la tempé rature, aucun incident ne modifia la situation. Enfin mon oncle rompit le silence.

 

«Voyons, dit-il, il faut prendre un parti.

 

– Prendre un parti? ré pliquai-je.

 

– Oui. Il faut ré parer nos forces. Si nous essayons, en mé nageant ce reste de nourriture, de prolonger notre existence de quelques heures, nous serons faibles jusqu’à la fin.

 

– Oui, jusqu’à la fin, qui ne se fera pas attendre.

 

– Eh bien! qu’une chance de salut se pré sente, qu’un moment d’action soit né cessaire, où trouverons-nous la force d’agir, si nous nous laissons affaiblir par l’inanition?

 

– Eh! mon oncle, ce morceau de viande dé voré, que nous restera-t-il?

 

– Rien, Axel, rien. Mais te nourrira-t-il davantage à le manger des yeux? Tu fais là les raisonnements d’homme sans volonté, d’un ê tre sans é nergie!

 

– Ne dé sespé rez-vous donc pas? m’é criai-je avec irritation.

 

– Non! ré pliqua fermement le professeur.

 

– Quoi! vous croyez encore à quelque chance de salut?

 

– Oui! certes oui! et tant que son cœ ur bat, tant que sa chair palpite, je n’admets pas qu’un ê tre doué de volonté laisse en lui place au dé sespoir.»

 

Quelles paroles! L’homme qui les prononç ait en de pareilles circonstances é tait certainement d’une trempe peu commune.

 

«Enfin, dis-je, que pré tendez-vous faire?

 

– Manger ce qui reste de nourriture jusqu’à la derniè re miette et ré parer nos forces perdues. Ce repas sera notre dernier, soit! mais au moins, au lieu d’ê tre é puisé s, nous serons redevenus des hommes.

 

– Eh bien! dé vorons!» m’é criai-je.

 

Mon oncle prit le morceau de viande et les quelques biscuits é chappé s au naufrage; il fit trois portions é gales et les distribua. Cela faisait environ une livre d’aliment pour chacun. Le professeur mangea avidement, avec une sorte d’emportement fé brile; moi, sans plaisir, malgré ma faim, et presque avec dé goû t; Hans, tranquillement, modé ré ment, mâ chant sans bruit de petites bouché es et les savourant avec le calme d’un homme que les soucis de l’avenir ne pouvaient inquié ter. Il avait, en furetant bien, retrouvé une gourde à demi pleine de geniè vre; il nous l’offrit, et cette bienfaisante liqueur eut la force de me ranimer un peu.

 

«Fö rträ fflig! dit Hans en buvant à son tour.

 

– Excellente!» riposta mon oncle.

 

J’avais repris quelque espoir. Mais notre dernier repas venait d’ê tre achevé. Il é tait alors cinq heures du matin.

 

L’homme est ainsi fait, que sa santé est un effet purement né gatif; une fois le besoin de manger satisfait, on se figure difficilement les horreurs de la faim; il faut les é prouver, pour les comprendre. Aussi, au sortir d’un long jeû ne, quelques bouché es de biscuit et de viande triomphè rent de nos douleurs passé es.

 

Cependant, aprè s ce repas, chacun se laissa aller à ses ré flexions. À quoi songeait Hans, cet homme de l’extrê me occident, que dominait la ré signation fataliste des Orientaux? Pour mon compte, mes pensé es n’é taient faites que de souvenirs, et ceux-ci me ramenaient à la surface de ce globe que je n’aurais jamais dû quitter. La maison de Kö nigstrasse, ma pauvre Graü ben, la bonne Marthe, passè rent comme des visions devant mes yeux, et, dans les grondements lugubres qui couraient à travers le massif, je croyais surprendre le bruit des cité s de la terre.

 

Pour mon oncle, «toujours à son affaire», la torche à la main, il examinait avec attention la nature des terrains; il cherchait à reconnaî tre sa situation par l’observation des couches superposé es. Ce calcul, ou mieux cette estime, ne pouvait ê tre que fort approximative; mais un savant est toujours un savant, quand il parvient à conserver son sang-froid, et certes, le professeur Lidenbrock possé dait cette qualité à un degré peu ordinaire.

 

Je l’entendais murmurer des mots de la science gé ologique; je les comprenais, et je m’inté ressais malgré moi à cette é tude suprê me.

 

«Granit é ruptif, disait-il. Nous sommes encore à l’é poque primitive; mais nous montons! nous montons! Qui sait?»

 

Qui sait? Il espé rait toujours. De sa main il tâ tait la paroi verticale, et, quelques instants plus tard, il reprenait ainsi:

 

«Voilà les gneiss! voilà les micaschistes! Bon! à bientô t les terrains de l’é poque de transition, et alors…»

 

Que voulait dire le professeur? Pouvait-il mesurer l’é paisseur de l’é corce terrestre suspendue sur notre tê te? Possé dait-il un moyen quelconque de faire ce calcul? Non. Le manomè tre lui manquait, et nulle estime ne pouvait le supplé er.

 

Cependant la tempé rature s’accroissait dans une forte proportion et je me sentais baigné au milieu d’une atmosphè re brû lante. Je ne pouvais la comparer qu’à la chaleur renvoyé e par les fourneaux d’une fonderie à l’heure des coulé es. Peu à peu, Hans, mon oncle et moi, nous avions dû quitter nos vestes et nos gilets; le moindre vê tement devenait une cause de malaise, pour ne pas dire de souffrances.

 

«Montons-nous donc vers un foyer incandescent? m’é criai-je, à un moment où la chaleur redoublait.

 

– Non, ré pondit mon oncle, c’est impossible! c’est impossible!

 

– Cependant, dis-je en tâ tant la paroi, cette muraille est brû lante!»

 

Au moment où je prononç ai ces paroles, ma main ayant effleuré l’eau, je dus la retirer au plus vite.

 

«L’eau est brû lante!» m’é criai-je.

 

Le professeur, cette fois, ne ré pondit que par un geste de colè re.

 

Alors une invincible é pouvante s’empara de mon cerveau et ne le quitta plus. J’avais le sentiment d’une catastrophe prochaine, et telle que la plus audacieuse imagination n’aurait pu la concevoir. Une idé e, d’abord vague, incertaine, se changeait en certitude dans mon esprit. Je la repoussai, mais elle revint avec obstination. Je n’osais la formuler. Cependant quelques observations involontaires dé terminè rent ma conviction. À la lueur douteuse de la torche, je remarquai des mouvements dé sordonné s dans les couches granitiques; un phé nomè ne allait é videmment se produire, dans lequel l’é lectricité jouait un rô le; puis cette chaleur excessive, cette eau bouillonnante! … Je voulus observer la boussole.

 

Elle é tait affolé e!

 

XLIII

Oui, affolé e! L’aiguille sautait d’un pô le à l’autre avec de brusques secousses, parcourait tous les points du cadran, et tournait, comme si elle eû t é té prise de vertige.

 

Je savais bien que, d’aprè s les thé ories les plus accepté es, l’é corce miné rale du globe, n’est jamais dans un é tat de repos absolu; les modifications amené es par la dé composition des matiè res internes, l’agitation provenant des grands courants liquides, l’action du magné tisme, tendent à l’é branler incessamment, alors mê me que les ê tres dissé miné s à sa surface ne soupç onnent pas son agitation. Ce phé nomè ne ne m’aurait donc pas autrement effrayé, ou du moins il n’eû t pas fait naî tre dans mon esprit une idé e terrible.

 

Mais d’autres faits, certains dé tails sui generis, ne purent me tromper plus longtemps. Les dé tonations se multipliaient avec une effrayante intensité. Je ne pouvais les comparer qu’au bruit que feraient un grand nombre de chariots entraî né s rapidement sur le pavé. C’é tait un tonnerre continu.

 

Puis, la boussole affolé e, secoué e par les phé nomè nes é lectriques, me confirmait dans mon opinion. L’é corce miné rale menaç ait de se rompre, les massifs granitiques de se rejoindre, la fissure de se combler, le vide de se remplir, et nous, pauvres atomes, nous allions ê tre é crasé s dans cette formidable é treinte.

 

«Mon oncle, mon oncle! m’é criai-je, nous sommes perdus!

 

– Quelle est celle nouvelle terreur? me ré pondit-il avec un calme surprenant. Qu’as-tu donc?

 

– Ce que j’ai! Observez ces murailles qui s’agitent, ce massif qui se disloque, cette chaleur torride, cette eau qui bouillonne, ces vapeurs qui s’é paississent, cette aiguille folle, tous les indices d’un tremblement de terre!»

 

Mon oncle secoua doucement la tê te.

 

«Un tremblement de terre? fit-il.

 

– Oui!

 

– Mon garç on, je crois que tu te trompes!

 

– Quoi! vous ne reconnaissez pas ces symptô mes? …

 

– D’un tremblement de terre? non! J’attends mieux que cela!

 

– Que voulez-vous dire?

 

– Une é ruption, Axel.

 

– Une é ruption! dis-je. Nous sommes dans la cheminé e d’un volcan en activité!

 

– Je le pense, dit le professeur en souriant, et c’est ce qui peut nous arriver de plus heureux!»

 

De plus heureux! Mon oncle é tait-il donc devenu fou? Que signifiaient ces paroles? Pourquoi ce calme et ce sourire?

 

«Comment! m’é criai-je, nous sommes pris dans une é ruption! la fatalité nous a jeté s sur le chemin des laves incandescentes, des roches en feu, des eaux bouillonnantes, de toutes les matiè res é ruptives! nous allons ê tre repoussé s, expulsé s, rejeté s, vomis, lancé s dans les airs avec les quartiers de rocs, les pluies de cendres et de scories, dans un tourbillon de flammes, et c’est ce qui peut nous arriver de plus heureux!

 

– Oui, ré pondit le professeur en me regardant par-dessus ses lunettes, car c’est la seule chance que nous ayons de revenir à la surface de la terre!»

 

Je passe rapidement sur les mille idé es qui se croisè rent dans mon cerveau. Mon oncle avait raison, absolument raison, et jamais il ne me parut ni plus audacieux ni plus convaincu qu’en ce moment, où il attendait et supputait avec calme les chances d’une é ruption.

 

Cependant nous montions toujours; la nuit se passa dans ce mouvement ascensionnel; les fracas environnants redoublaient; j’é tais presque suffoqué, je croyais toucher à ma derniè re heure, et, pourtant, l’imagination est si bizarre, que je me livrai à une recherche vé ritablement enfantine. Mais je subissais mes pensé es, je ne les dominais pas!

 

Il é tait é vident que nous é tions rejeté s par une poussé e é ruptive; sous le radeau, il y avait des eaux bouillonnantes, et sous ces eaux toute une pâ te de lave, un agré gat de roches qui, au sommet du cratè re, se disperseraient en tous les sens. Nous é tions donc dans la cheminé e d’un volcan. Pas de doute à cet é gard.

 

Mais cette fois, au lieu du Sneffels, volcan é teint, il s’agissait d’un volcan en pleine activité. Je me demandai donc quelle pouvait ê tre cette montagne et dans quelle partie du monde nous allions ê tre expulsé s.

 

Dans les ré gions septentrionales, cela ne faisait aucun doute. Avant ses affolements, la boussole n’avait jamais varié à cet é gard. Depuis le cap Saknussemm, nous avions é té entraî né s directement au nord pendant des centaines de lieues. Or, é tions-nous revenus sous l’Islande? Devions-nous ê tre rejeté s par le cratè re de l’Hé cla ou par ceux des sept autres monts ignivomes de l’î le? Dans un rayon de 500 lieues, à l’ouest, je ne voyais sous ce parallè le que les volcans mal connus de la cô te nord-ouest de l’Amé rique. Dans l’est un seul existait sous le quatre-vingtiè me degré de latitude, l’Esk, dans l’î le de Jean Mayen, non loin du Spitzberg! Certes, les cratè res ne manquaient pas, et ils se trouvaient assez spacieux pour vomir une armé e tout entiè re! Mais lequel nous servirait d’issue, c’est ce que je cherchais à deviner.

 

Vers le matin, le mouvement d’ascension s’accé lé ra. Si la chaleur s’accrut, au lieu de diminuer, aux approches de la surface du globe, c’est qu’elle é tait toute locale et due à une influence volcanique. Notre genre de locomotion ne pouvait plus me laisser aucun doute dans l’esprit. Une force é norme, une force de plusieurs centaines d’atmosphè res, produite par les vapeurs accumulé es dans le sein de la terre, nous poussait irré sistiblement. Mais à quels dangers innombrables elle nous exposait!

 

Bientô t des reflets fauves pé né trè rent dans la galerie verticale qui s’é largissait; j’apercevais à droite et à gauche des couloirs profonds semblables à d’immenses tunnels d’où s’é chappaient des vapeurs é paisses; des langues de flammes en lé chaient les parois en pé tillant.

 

«Voyez! voyez, mon oncle! m’é criai-je.

 

– Eh bien! ce sont des flammes sulfureuses. Rien de plus naturel dans une é ruption.

 

– Mais si elles nous enveloppent?

 

– Elles ne nous envelopperont pas.

 

– Mais si nous é touffons?

 

– Nous n’é toufferons pas. La galerie s’é largit et, s’il le faut, nous abandonnerons le radeau pour nous abriter dans quelque crevasse.

 

– Et l’eau! l’eau montante?

 

– Il n’y a plus d’eau, Axel, mais une sorte de pâ te lavique qui nous soulè ve avec elle jusqu’à l’orifice du cratè re.»

 

La colonne liquide avait effectivement disparu pour faire place à des matiè res é ruptives assez denses, quoique bouillonnantes. La tempé rature devenait insoutenable, et un thermomè tre exposé dans cette atmosphè re eû t marqué plus de soixante-dix degré s! La sueur m’inondait. Sans la rapidité de l’ascension, nous aurions é té certainement é touffé s.

 

Cependant le professeur ne donna pas suite à sa proposition d’abandonner le radeau, et il fit bien. Ces quelques poutres mal jointes offraient une surface solide, un point d’appui qui nous eû t manqué partout ailleurs.

 

Vers huit heures du matin, un nouvel incident se produisit pour la premiè re fois. Le mouvement ascensionnel cessa tout à coup. Le radeau demeura absolument immobile.

 

«Qu’est-ce donc? demandais-je, é branlé par cet arrê t subit comme par un choc.


Ïîäåëèòüñÿ ñ äðóçüÿìè:

mylektsii.su - Ìîè Ëåêöèè - 2015-2024 ãîä. (0.047 ñåê.)Âñå ìàòåðèàëû ïðåäñòàâëåííûå íà ñàéòå èñêëþ÷èòåëüíî ñ öåëüþ îçíàêîìëåíèÿ ÷èòàòåëÿìè è íå ïðåñëåäóþò êîììåð÷åñêèõ öåëåé èëè íàðóøåíèå àâòîðñêèõ ïðàâ Ïîæàëîâàòüñÿ íà ìàòåðèàë